Jacques Bernot : un juriste-historien spécialiste du légitimisme et de l’orléanisme
L’ouvrage Camille Chautemps, Le pouvoir et la défaite, écrit par Jacques Bernot, constitue la dernière parution historique des éditions Clément Juglar. Né en 1951, l’auteur est un juriste de formation et historien, âgé de 68 ans. Il a écrit une série de biographies historiques en lien à la question de la légitimisme et de l’orléanisme. Il est également l’auteur d’articles dans diverses revues comme La lettre de Michel Jobert (1974-1975), la Revue administrative, la Revue de la cavalerie blindée et la Revue de la Société historique et archéologique du Périgord. Il a prononcé diverses conférences sur ses livres historiques.
Cette publication de 296 pages inclut un avant-propos (p. 5-8), 16 chapitres (p. 9-260), un épilogue (p. 261-270), une chronologie (p. 271-272), un tableau généalogique simplifié (p. 273), un index des noms de personnes cités (p. 275-282), une bibliographie (p. 283-290), des remerciements (p. 291) et une table des matières (p. 296).
Camille Chautemps : des années de formation au premier ministère (1885-1924)
La première partie de l’ouvrage, d’à peine 40 pages (p. 9-48), a pour objet les années de formation (1885-1924) de Camille Chautemps. Elle comporte les trois premiers chapitres ayant pour titre : chapitre I « Enfance et années de formation » (p. 9-24), chapitre II « La Première Guerre mondiale » (p. 25-38), chapitre III « Cursus honorum » dans les Années folles (p. 39-48). Dans cette première partie, Jacques Bernot brosse le portrait de la famille Chautemps. Fils d’un député puis sénateur radical et franc-maçon (Émile Chautemps : 1850-1918), Camille est issue d’une fratrie constituée de cinq frères (dont Camille avec Félix, Henry, Maurice et Pierre) et deux sœurs (Marguerite et Yvonne). Henry (deuxième des fils) meurt en 1904, assassiné au Sénégal puis, au cours de la Première Guerre mondiale, Camille perd ses frères Maurice en août 1914 et Félix en janvier 1915. Restent Pierre (grièvement blessé en septembre 1915) et Camille qui combat sur le front franco-belge puis est réformé temporaire en décembre 1915. Cet épisode sanglant a marqué à vie Camille Chautemps et sa famille, d’où le pacifisme de Chautemps ? Grâce à son oncle Alphonse Chautemps (député d’Indre-et-Loire), le jeune avocat fait ses classes politiques avec le frère de son père, mort de chagrin en 1918. Camille Chautemps devient député-maire de Tours en 1919. Avocat en 1904, Camille Chautemps est initié comme franc-maçon en décembre 1906 à la loge tourangelle « Les Démophiles » appartenant à l’obédience du GODF, il cède au « rite familial » de l’entrée en franc-maçonnerie comme il accepte de se marier, en décembre 1909, avec Renée Landais qui lui donne trois enfants dont deux fils : Nicole (1912), Claude (1914) et Jean (1917).
Camille Chautemps et sa carrière politique (1924-1940)
La deuxième partie du livre, d’à peine 150 pages (p. 49-198), a pour sujet la carrière politique (1924-1940) de Camille Chautemps, relativement courte (16 ans !) mais fort dense et riche. Elle compte neuf chapitres intitulés : chapitre IV « Ministre ! » (p. 49-64), chapitre V « Première présidence du Conseil » (p. 65-82), chapitre VI « Le deuxième gouvernement « Chautemps » et l’affaire « Stavisky » (p. 82-108), chapitre VII « Remilitarisation de la Rhénanie et Front populaire » (p. 151-174), chapitre VIII « Camomille » ou le troisième gouvernement « Chautemps » (p. 121-138), chapitre IX Le quatrième gouvernement « Chautemps » et « l’Anschluss » (p. 139-150) et le chapitre X « Qu’est-ce qu’un Munichois ? » (p. 151-160), chapitre XI « Face à la Seconde Guerre mondiale » (p. 161-174) et chapitre XII « L’homme de l’armistice » (p. 175-198). Camille Chautemps est dix-huit fois ministre entre 1924 et 1940 : quatre fois ministre de l’Intérieur (juin 1924-avril 1925, novembre 1925-mars 1926, juillet 1926 et juin 1932-novembre 1933), ministre de la Justice (octobre-novembre 1925), de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (décembre 1930-janvier 1931), des Travaux publics (janvier-juin 1936), ministre d’État (juin 1936-juin 1937, juin-juillet 1940), cinq fois vice-président du Conseil des ministres sans discontinué (mars 1938-juillet 1940) dont quatre fois président du Conseil (février 1930, novembre 1933-janvier 1934, juin 1937-janvier 1938, janvier-mars 1938). Comme tel, il est constamment présent au gouvernement entre 1936 et 1940. Il est, de la sorte, confronté à la montée simultanée, en Europe, des fascismes et de l’activisme communiste. Tenté par une politique d’apaisement avec l’Allemagne lors de la remilitarisation de la Rhénanie, puis de l’Anschluss et des accords de Munich, il tire les conséquences de l’effondrement militaire français en juin 1940 en proposant l’idée d’un armistice. Cela lui vaut de passer pour un défaitiste devant l’Histoire. Sur le plan parlementaire, Camille Chautemps est député radical d’Indre-et-Loire de 1919 à 1928 puis du Loir-et-Cher de 1929 à 1934. Il devient sénateur radical du Loir-et-Cher de 1934 à 1941.
Sur le plan personnel, Camille Chautemps divorce de Renée Landais, au début de 1939, pour se marier avec sa maîtresse Juliette Durand, en juin 1939, avec qui il aura une fille nommée Antoinette, née en mai 1940.
Camille Chautemps : Le temps de l’exil (1940-1963)
La troisième et dernière partie de l’ouvrage, d’une soixante de 60 pages (p. 199-260), a pour étude les années d’exil (1940-1963) de Camille Chautemps. Elle comprend quatre chapitres ayant pour titre : chapitre XIII « En mission aux Etats-Unis » (p. 199-210), chapitre XIV « Des offres de services » (p. 211-230), chapitre XV « Libération de la France, procès et condamnation » (p. 231-244) et le chapitre XVI « Que reconstruire ? » (p. 245-260). Selon Camille Chautemps, le Maréchal Pétain l’envoie en mission officieuse (mais défrayée des frais de mission jusqu’en octobre 1941) aux États-Unis. Il parvient aux USA avec sa nouvelle épouse et son bébé, le 29 novembre 1940, après être passé à Oran (Algérie), Casablanca (Maroc) et Lisbonne (Portugal). En proie à des difficultés financières permanentes, il fournit, à partir de 1942, des synthèses d’information à l’O.S.S. Tentant de revenir en politique, avec la Libération de la France, avec l’aide des Américains, il est pris de vitesse par le Général de Gaulle. C’est aux États-Unis qu’il apprend que ses deux fils qui ont fait la campagne de 1940 et celle de 1944 sont sains et saufs mais son frère benjamin Pierre meurt dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, il est le seul survivant des cinq frères. De plus, en décembre 1944, s’ouvre l’instruction de son procès en Haute Cour de justice. Il est condamné par contumace à la prison en mars 1947 pour sa participation au gouvernement de Vichy (en évitant la condamnation infamante de haute trahison) mais cette peine bénéficie d’une amnistie, en juin 1954. Chautemps meurt aux Etats-Unis en 1963, à l’âge de 78 ans.
Camille Chautemps, Le pouvoir et la défaite :
une honnête biographie de Camille Chautemps
Pour conclure, L’ouvrage Camille Chautemps, Le pouvoir et la défaite de Jacques Bernot réhabilite le personnage de Camille Chautemps. Ce dernier incarne devant l’Histoire l’un des représentants de ces grandes familles républicaines françaises, riches en personnalités. Souple, éloquent, courtois, sportif, l’homme aime plaire. Il est porté à la conciliation entre les points de vue politiques et passe pour un maître dans les transactions parlementaires et la formation des équipes gouvernementales. Dans cette biographie agréable à lire, Jacques Bernot nous livre la vie de ce personnage complexe.
Cependant, parmi les réserves que nous émettons, l’absence de notes infrapaginales nuit gravement au travail historique de Jacques Bernot, d’un point de vue universitaire. Cependant, l’analyse de la bibliographie (ouvrages, articles et archives) permet de constater que les documents et les auteurs incontournables ont été consultés et / ou lus. De plus, le point fort de cette étude est sans conteste l’accès aux archives (par exemple : archives de France pour le procès en Haute Cour de Chautemps pour les évènements de mai-juin 1940 et celles de l’Assemblée nationale pour la Commission d’enquête sur l’affaire « Stavisky »), parfois inédites (Université de Stanford pour les archives personnelles de Camille Chautemps et archives de la Famille Chautemps). L’ouvrage de Jacques Bernot Camille Chautemps, Le pouvoir et la défaite est une honnête biographie du personnage, destinée au grand public intéressé à l’histoire politique de l’entre-deux-guerres. Reste que la personnalité de Chautemps mérite beaucoup mieux telle une thèse biographique permettant de restituer le rôle et l’importance de Camille Chautemps au sein du Parti radical, au sein de l’échiquier de la vie politique française ainsi que parmi les nombreuses personnalités de la classe politique de l’entre-deux-guerres (Daladier, Herriot, Tardieu, Blum, Cot, Pétain, etc…) qui ont eu toutes droit à une étude digne de ce nom.
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)