Des années 1960 à nos jours, des paysannes françaises luttent contre les préjugés et les structures discriminantes qui voudraient les cantonner à un statut familial et professionnel de dominées.

Décidées à améliorer leur condition de travail et de vie, elles se sont engagées dans des associations et dans les syndicats agricoles en y introduisant des thématiques nouvelles : sur le couple, la formation professionnelle ou la parité. À partir des années 1970, leur militantisme et leur participation aux grandes mobilisations ont contraint leurs homologues masculins et les pouvoirs publics à répondre à leurs revendications.

Longtemps dans les médias, peu étudiées par les historiens, les paysannes sont mises à l’honneur dans cet ouvrage Paysannes – Histoire de cause des femmes dans le monde agricole de notre collègue Jean-Philippe Martin, spécialiste des questions agricolesDes paysans écologistes, Champ Vallon, 2023 – Des « mai 68 » dans les campagnes françaises ? Les contestations paysannes dans les années 1968, L’Harmattan, 2017 – La Confédération paysanne aujourd’hui Un syndicat face aux défis du XXIe siècle, L’Harmattan, 2011 – Histoire de la nouvelle gauche paysanne, La Découverte, 2005. Il retrace ainsi cette histoire féminine, syndicale et paysanne en prenant soin de faire résonner les voix des militantes qui ont pu témoigner de leurs engagements. Grâce à un travail de recherche inédit, s’appuyant sur les précédents travaux menés et compilant à la fois des archives syndicales, des journaux spécialisés et de nombreux témoignages oraux, l’historien Jean-Philippe Martin nous présente un récit détaillé et original des paysannes françaises et de leurs combats.

Des femmes invisibles ?

Peu présentes dans les statistiques, puisque longtemps considérées comme non-actives, les épouses d’agriculteurs, puis aides familiales sont environ un million en 1968. Longtemps sans droits sociaux, elles tiennent pourtant une place importante dans les exploitations. Le statut de « conjoint collaborateur » n’est reconnu qu’en 1999 et élargi, en 2006, aux compagnes non-mariées.

Longtemps moins formées, elles ne devaient pas succéder au père sur l’exploitation. On peut alors parler de travailleurs dominés : soumission dans le travail, dépendance financière.

Au sein de la JACF (Jeunesse agricole catholique) apparaît, sinon un espace d’émancipation, du moins un lieu de débats sur la place des femmes, de lutte contre la cohabitation avec la génération précédente qui leur enlevait tout espace d’autonomie, dans les années 1960.

La lente émergence de la cause des femmes dans le syndicalisme agricole

L’auteur montre le rôle du CNJA dans la prise en compte de la situation des femmes dans l’agriculture. Les enquêtes menées, dès les années 1950, décrivent un emploi du temps, tâches domestiques, travaux sur la ferme, tâches administratives et commerciales, à la fois lourd et morcelé.

Dans les années 1960, des femmes s’impliquent dans les syndicats agricoles, comme en Loire-Atlantique où sont organisées des « journées féminines ». Quelques leaders émergent comme Marie-Paule Lambert, Antoinette Camus ou Marie-Josèphe Godet qui accèdent à des responsabilités nationales, malgré de nombreux freins.

La participation des femmes aux luttes paysannes

C’est avec la manifestation des vignerons de Montredon que les femmes, jusque-là peu visibles, apparaissent dans les luttes, à la fin des années 1960. On les retrouve dans la « grève du lait » en Bretagne, en 1972 ? Durant la lutte du Larzac (1971-1981), elles initient des actions autonomes comme lors des destructions de cadastres, dans les mairies, pour s’opposer à l’enquête parcellaire.

Les évolutions du syndicalisme agricole majoritaire

Ce chapitre est consacré à la FNSEA qui a longtemps considérée la femme comme seulement associée au chef d’entreprise. La prise de conscience des inégalités est lente. Les femmes réclament des formations techniques. Leurs actions sont parfois instrumentalisées. Leur position autonome lors des manifestations de 1980-1981 est peu visible.

L’émergence d’une parole à la dimension féministe

C’est au sein des syndicats de travailleurs-paysans, puis à partir de 1987 de la Confédération paysanne, que des voix féministes militantes peuvent s’exprimer. Le bouillonnement post 68 a vu émerger ces revendications. Les GAEC leur ouvrent un espace de décision. L’auteur analyse longuement cette évolution des années 1960 aux années 1990 et présente quelques personnages emblématiques de ces luttes.

Des combats à dimension féministe

C’est notamment en Vendée que commencent des combats pour l’autonomie financière des agricultrices.

Au-delà de leur place sur l’exploitation, les femmes s’engagent pour la question de l’IVG.

À la conquête de nouveaux droits sociaux

L’élection de François Mitterrand, la nomination d’Édith Cresson comme ministre de l’Agriculture et la création d’un ministère du droit des femmes créent un environnement favorable. Les militantes du syndicat Travailleurs-Paysans mettent en avant de nouvelles revendications : le congé maternité, symbole des inégalités, un véritable statut pour les agricultrices.

Quelle place pour les femmes dans le mouvement paysan contestataire ?

Les femmes demeurent peu nombreuses dans le syndicat. Jean-Philippe Martin n’oublie pas le rôle des compagnes des militants qui doivent les seconder, voire les remplacer sur l’exploitation, en dépit de leurs nombreuses tâches et de leur souhait de militer, elles aussi. Il note la jeunesse de ces militants et militantes, mais aussi la sur-représentation masculine dans les instances nationales. Il dresse le portrait de quelques femmes engagées, comme Marjolaine Maurette, en Creuse ou Christiane Aymonier dans le Jura.

Un renouveau du combat pour la cause des femmes depuis le début du XIXe siècle ?

Le combat autour du statut, malgré la reconnaissance de 1999, se poursuit pour obtenir, par exemple la possibilité d’être associée dans un GAEC et pas seulement comme ayant-droit.

En 2008, le congé de maternité est aligné sur celui des salariées.

Malgré des avancées, le revenu des agricultrices travaillant seules est inférieur à celui des hommes.

Au sein de la Confédération paysanne, se crée un groupe femmes qui milite en faisant des comparaisons avec la situation des femmes dans d’autres catégories socio-professionnelles ou dans d’autres pays. Elles revendiquent la parité, un combat qui s’inscrit dans les institutions internationales, de Via campesina à la FAO et suscite de vifs débats.

Ces réflexions débouchent sur la question de la violence faite aux femmes. Ces préoccupations dépassent la Confédération paysanne et le seul monde agricole.

Être paysanne et militer à la Confédération paysanne

Bien que souvent non-issues du milieu agricole, les femmes paysannes ont su trouver leur place. À partir de quelques exemples, l’auteur montre comment elles s’organisent pour travailler et militer.

Il fait une place à la réflexion sur le désengagement.

Un ouvrage qui met en lumière les femmes paysannes. Quelques portraits donnent vie à leur combat. Ce livre a toute sa place dans les CDI, notamment des établissements d’enseignement agricole.