« La collection « les cahiers POPSU » s’inscrit dans un programme de recherche-action mené dans le cadre du volet « Métropoles » de la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines, rattachée au Plan urbanisme construction architecture. Ce programme assure la production de recherches sur les métropoles et leur diffusion dans les milieux de la recherche, auprès des élus, des professionnels des territoires, ainsi que du grand public. Chaque cahier est une restitution d’un enjeu particulier au sein d’une métropole partenaire du programme ». Celui-ci traite de l’éloignement résidentiel et de l' »habiter » dans la couronne périurbaine de l’aire urbaine de Lyon. Il est dirigé par Éric CHARMES, membre du laboratoire Recherches interdisciplinaires ville, Espaces Société à l’Université de Lyon et référent scientifique de la plateforme lyonnaise du programme POPSU Métropoles.

Les métropoles sont régulièrement remises en question. A la fois productrices de richesses et lieux de concentration de ressources, elles se développeraient au détriment des villes petites et moyennes mais aussi des campagnes. En géographie, il s’agit de réfléchir sur les effets de la métropolisation sur les territoires dit « périphériques » dans le cadre de la notion de justice spatiale. Ce cahier participe à ce débat en se penchant sur les dynamiques démographiques impulsées par la métropole de Lyon dans ses couronnes périurbaines, « avec une attention particulière portée aux parcours résidentiels des ménages et à la vulnérabilité énergétique ».

 

La 1ère partie analyse les mécanismes qui poussent l’habitat à se développer dans la couronne périurbaine de Lyon. Son aire urbaine est un exemple particulièrement édifiant de l’étalement urbain. Elle est passée de 300 communes en 1999 à plus de 500 en 2010. Cette extension a été synonyme d’allongement des distances de déplacement. Les ménages qui portent cette dynamique « n’ont pas toujours été mal informés ou leurrés par l’illusion du pavillon à la campagne ». Les différents, et très intéressants portraits, le montrent. Les ménages des classes moyennes qui vivent dans le périurbain défendent souvent leur espace de vie et lui trouvent beaucoup d’avantages.

 

 

L’exemple de la Boucle du Rhône en Dauphiné est ensuite développé. Bénéficiant d’une « situation centrale » dans le système urbain lyonnais, ce territoire reste toutefois légèrement à l’écart des grands axes de déplacements. Périphérique, il profite tout de même d’une certaine accessibilité routière. De 1968 à 2015, la population de l’ensemble du territoire de la Boucle du Rhône en Dauphiné a ainsi doublé, passant de 58 000 à 104 000 habitants. Cette attraction s’explique principalement par les prix attractifs des terrains à bâtir. Ils permettent l’accession à la propriété à des ménages aux revenus modestes ou intermédiaires. Les prix favorisent également l’édification de maisons individuelles de manière diffuse. Cette dynamique résidentielle s’est enfin accompagnée d’une augmentation des déplacements pendulaires. On peut alors révéler un paradoxe : l’attractivité de ce  territoire repose sur la qualité de son cadre de vie, qualité qui pourrait être remise en cause par les formes actuelles du développement urbain et par le système de mobilité.

La 2ème partie vise à lister les problèmes rencontrés par les ménages modestes du périurbain (et parfois les solutions proposées). En effet, on peut remarquer que la métropolisation engendre une nouvelle forme de précarité énergétique. Le premier chapitre examine comment et pourquoi des ménages modestes font donc face à des dépenses très élevées pour leurs déplacements. L’éloignement touche prioritairement ce type de ménages : les primo-accédants qui gagnent 2 500 euros par mois sont largement exclus du marché dans les secteurs devenus périurbains avant les années 2000. Dans le secteur de Crémieu, à une cinquantaine de kilomètres du centre de Lyon, pour une maison neuve de plain-pied de moins de 100 m² sur une parcelle de 1 000 m², il faut compter environ 240 000 euros, une somme très éloignée des capacités des primo-accédants les plus modestes. Pour des maisons familiales, ils doivent prospecter dans des secteurs plus excentrés et viser des biens plus anciens souvent mal isolés, risquant une double vulnérabilité énergétique, liée à l’habitat et à la mobilité.

Une fois cette vulnérabilité devenue véritable précarité (en lien avec la dépendance automobile et aux coûts croissants des énergies), les capacités d’adaptation sont souvent limitées (notamment dues au surendettement et à la faible plus-value marchande des maisons acquises), donnant l’impression d’un piège qui se referme. Il faut toutefois nuancer cet état de fait qui ne concerne que les territoires les plus éloignés et les ménages les plus modestes, qui s’y sont « périurbanisés ». Cette pauvreté encore largement cachée, sous-estimée et donc mal prise en compte est certainement une des explication de la crise des Gilets Jaunes en 2018.

Les  chapitres suivants expliquent comment les collectivités territoriales de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de la métropole de Lyon ou de l’Agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise (Urbalyon) se sont saisies progressivement du problème et tentent d’y apporter des réponses.

Éric CHARMES conclut ce cahier sur les éventuelles conséquences de la crise du Covid-19 sur les dynamiques de peuplement internes aux métropoles. Il estime qu’elle risque de renforcer « l’acuité du problème de l’éloignement résidentiel ».

Ce petit cahier est bien utile pour appréhender les dynamiques des aires urbaines dans le cadre des programmes de 3ème et de 1ère. Les textes sont particulièrement pertinents et des extraits pourront être utilisés facilement avec des élèves de collège et de lycée. Les témoignages, loin des clichés, sont vraiment intéressants et peuvent nourrir une réflexion approfondies sur les modes d’habiter périurbains (Rodolphe DODIER). Enfin, les cartes apportent un éclairage sur les dynamiques spatiales traversant l’aire urbaine de Lyon. Conclusion : une mine d’informations pour réaliser une étude de cas passionnante, ancrée dans le concret.