Céline Borello est historienne, elle enseigne à l’université du Mans. Elle a publié plusieurs ouvrages sur les protestants à l’époque moderne. À ce titre, elle s’est intéressée au royaume de France dans la seconde moitié du 16ème siècle. C’est forte de ce solide background qu’elle propose une nouvelle biographie de Catherine de Médicis aux éditions des PUF. Ce n’est pas la première biographie de celle qui fut, un temps, régente mais cet ouvrage bref, dense, sans notes de bas de page, donne au lecteur le plaisir de revenir sur cette figure forte de l’histoire de France qui eut à affronter une période des plus troublées mais… passionnante pour les historiens.

La légende noire

               La légende noire qui l’accompagne, et se répandit de son vivant, intéressera l’amateur d’histoires croustillantes. Elle fut soupçonnée d’être une empoisonneuse, d’avoir profité de la minorité de ses enfants pour imposer ses choix politiques, d’avoir manigancé divers complots et d’être à l’origine d’un des massacres les plus terribles des guerres de religion. Elle a été désignée comme la  « reine de tous les péchés » dans un pamphlet de son vivant. Décidément il ne faisait pas bon être femme, étrangère, italienne, issue du monde de la banque, tôt veuve et exerçant du pouvoir dans la France du 16ème siècle. Bien des siècles plus tard, la littérature et le cinéma ont continué à diffuser l’image d’une intrigante, « mère paradoxale » d’une « famille monstrueuse »[1]. Céline Borello rappelle cependant qu’elle ne fut pas à l’initiative de l’attentat contre Coligny, prélude aux massacres des chefs huguenots lors des massacres dits de la Saint-Barthélémy (été 1572).

L’italienne

               Le premier chapitre (« Une fille de banquier italien devient dauphine de France ») présente la jeunesse de Catherine de Médicis. Née en 1519, elle perd ses parents très tôt et ballottée entre Rome et Florence, découvre les artistes de la Renaissance mais aussi les jeux et les luttes de pouvoirs. Elle est mariée au second fils de François Ier, en 1533, et rejoint la cour du roi de France. La mort du fils ainé du roi, en 1536, fait d’elle la dauphine de France et d’Henri, son mari, l’hériter de la couronne.

Après des années d’infertilité et grâce aux conseils d’un médecin, les heureux époux auront 10 enfants dont plusieurs mourront jeunes. François Ier décède en mars 1547, il a 52 ans, Henri II est sacré en juillet. Catherine de Médicis est, elle, couronnée reine de France après la naissance de son enfant en juin 1549. Ointe d’huile sainte, elle reçoit « les insignes de la puissance monarchique : l’anneau, le sceptre et la main de justice » (p. 52).

Une femme de pouvoir

               Elle devient alors « Une femme de pouvoir » (chapitre deux). Henri II l’associe à la conduite des affaires du pays quand il est présent. Par ailleurs, « il lui délègue une partie de son pouvoir » (p. 57) quand il part guerroyer. Et c’est lors d’une de ses absences qu’elle « s’habille en noir pour la première fois » alors que cette couleur tend à devenir « une couleur associée à la vertu » (p. 60).  La monarchie française est, à cette époque, confrontée à plusieurs défis : la puissance de l’Espagne et du Saint-Empire ainsi que, sur le plan intérieur, le développement de la Réforme et le ralliement de nombreux gentilshommes à celle-ci.

L’année 1559 est à la fois celle d’une paix avec les ennemis de l’extérieur, celle de l’édit d’Ecouen qui marque la volonté du roi de lutter contre les « hérésies » mais aussi celle de la mort d’Henri II lors d’une joute. De 1559 à 1589, Catherine de Médicis joue un rôle de premier plan alors que ses fils (François II, Charles IX puis Henri III[2]) se succèdent au pouvoir et que se déroulent ce que les historiens ont appelé les guerres de religion (huit à partir de 1562).

L’auteure rappelle que ces guerres sont marquées par « l’entremêlement entre diverses questions, religieuse, politique et sociale » (p. 90). Ce qui les rend complexes mais très stimulantes pour les réflexions des historiens. « La violence religieuse mêle à un contentieux politique et social une critique populaire de la tiédeur religieuse des élites » (p. 94). Dans ces tensions extrêmes, Catherine de Médicis a tenté à plusieurs reprises le dialogue et une politique de tolérance mais quand elle ne parvient pas à éviter la guerre civile, elle s’y engage avec méthode (p. 94). Les pages consacrées à ce moment sont denses et bien écrites et donnent envie d’approfondir les connaissances des guerres de religion par d’autres lectures. Ce qui est un des mérites de ce livre.

Une femme de la Renaissance

               Le troisième chapitre intitulé « Une femme de la Renaissance » présente le mécénat artistique de Catherine de Médicis. Son goût pour les arts s’exprime tout d’abord dans le domaine de l’architecture. En effet, elle « conçoit les bâtiments comme des relais d’expression de la puissance du prince » (p.108) et lance plusieurs chantiers. Elle manifeste aussi un goût vif pour les jardins autour de Paris comme dans le Val de Loire. Ceux-ci, « lieux de plaisir et de sociabilité », « expression de la grandeur de la cour de France », accueillent des fêtes qui éblouissent les hôtes (p. 125). C’est dans cette partie qu’est évoqué le tour de France effectué par la cour sous le règne de Charles IX.

Une courte bibliographie centrée sur les ouvrages essentiels complète ce livre qui a l’avantage de donner envie à ceux qui ne connaissent pas la période d’approfondir leurs connaissances et de rafraichir la mémoire de ceux qui l’ont étudiée il y a longtemps[3]. Par ailleurs, l’entremêlement des enjeux religieux, politiques, sociaux et de clans dans les guerres de religion peut donner matière à des réflexions plus contemporaines.

[1] La Reine Margot, de Patrice Chéreau cité p. 189.

[2] Son rôle est moindre à partir du moment où Henri III gouverne (1574).

[3] Le clionaute montpelliérain ne peut que regretter cependant l’absence des ouvrages importants d’Arlette Jouanna, qui passionna tant d’étudiants, dans cette bibliographie.