La densité de la parure monumentale du VIIe arrondissement de Paris en fait un des pôles touristiques de la capitale. À quelques encablures seulement de l’Hôtel des Invalides, faisant face à la Tour Eiffel depuis l’autre extrémité du Champ-de-Mars, l’École militaire est depuis sa fondation un site dédié aux besoins des armées. Établissement de formation des futurs officiers d’origine noble, puis caserne et enfin siège de l’École de Guerre, cette pépinière des chefs de l’armée française est aussi un monument public de prestige. Bâti dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, son édifice principal est signé du talentueux architecte néoclassique Ange-Jacques Gabriel.

Son emplacement et son environnement en font donc un point d’attraction pour les illustrateurs et les photographes. Il inspire un vaste répertoire de cartes postales dont il est soit le sujet d’intérêt principal, soit le décor de prestige. La collection de 300 cartes postales du premier tiers du XXe siècle, cartes photos et quelques gravures qui illustrent ces pages en donne un riche aperçu iconographique. Il en résulte une attrayante immersion dans la vie de quartier hors de l’enceinte militaire ainsi que dans la vie de caserne entre ses murs. Le texte courant accompagnant ces reproductions brosse l’histoire des lieux jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale.

On perçoit l’évolution du cadre immédiat de l’École militaire (bâtiments de l’exposition universelle de 1900, arrivée du métro), la vie quotidienne des riverains et des badauds, les progrès des moyens de transport. Cette évocation préfigure une visite détaillée par l’image du complexe militaire, scruté sous tous les angles et toutes les coutures, y compris en perspective panoramique. En revanche, elle n’en montre pas les intérieurs. Outre la vie quotidienne des troupes stationnées à l’École militaire, cavaliers, fantassins, tringlots, commis et ouvriers d’administration, les cartes postales permettent aussi d’évoquer les événements historiques ponctuels survenus en ces lieux.

Si les cérémonies d’accueil pour la translation des cendres du héros de l’indépendante américaine Paul Jones en 1905 ont totalement sombré dans l’oubli, en revanche la réhabilitation d’Alfred Dreyfus en 1906 est restée dans la mémoire collective. Durant la Grande Guerre, le passage en revue des sociétés de préparation militaire par le général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, fait l’actualité en novembre 1914. Enfin, le lieu est un des points chauds des combats de la Libération en août 1944. L’École militaire est l’un des derniers bastions allemands de la capitale. Les occupants le défendent avec acharnement face aux soldats de la 2e DB.

La coexistence topographique du site avec les installations des expositions universelles de 1889 et 1900 placées sur l’emprise du Champ-de-Mars est également un thème de prédilection des éditeurs de cartes postales. Si la silhouette de fer de la Tour Eiffel en est toujours le fier emblème, en revanche rien ne subsiste plus de la monumentale Galerie des Machines ni, par association, de la Grande Roue. Seules restent les images de ces attractions disparues qui avaient été établies dans le périmètre immédiat de l’École militaire.

Cette superbe série de clichés bénéficie d’une maquette soignée dont la reliure cartonnée renforce l’élégance d’ensemble. Le format à l’italienne du volume est particulièrement approprié au cadrage des cartes postales. On s’y immerge agréablement pour une élégante promenade visuelle dans le passé. La balade dans ces souvenirs en images est à la fois esthétique, historique et touristique. Elle redonne tout son relief à un lieu assez méconnu du fait de son inaccessibilité et surtout du voisinage captivant de la Tour Eiffel.