Julieta Canepa est éditrice et auteure. Elle a récemment co-écrit avec Pierre Ducrozet, écrivain, et Eva Palomar, illustratrice, Le Livre des métiers imaginaires (2019) chez Actes Sud Junior. Ducrozet et Canepa présentent cette fois-ci aux éditions De la Martinière un documentaire sur quinze jeunes qui ont un jour décidé de changer certaines choses pour que le monde soit meilleur. Pour chacun d’entre eux, les auteurs évoquent l’histoire (ou comment tout a commencé), la lutte personnelle devenue collective, la question fondamentale. Chaque portrait et chaque combat sont également mis en perspective avec les grandes actions collectives.

Toutes les personnalités présentées ont toutes en commun d’être âgées entre 14 et 22 ans, d’avoir un jour décidé de réagir ouvertement face à un problème d’ordre mondial et de représenter pour sa génération ce qu’on a de plus en plus coutume d’appeler « un influenceur ». Ces personnalités sont regroupées par grands problèmes contestés, une dizaine au total. Nous évoquerons certains d’entre eux.

Le mouvement climatique, tout d’abord, qui consiste à alerter les pouvoirs publics contre le réchauffement a conduit à une prise de conscience chez certains adolescents qui, non seulement, alertent mais décident de réagir. En août 2018, Greta Thunberg, une jeune Suédoise de 15 ans, fait la grève de l’école et s’installe face au Parlement suédois avec une pancarte qui dit : « Grève scolaire pour le climat ». Son action est très vite relayée par les réseaux sociaux et devient partout un exemple. Elle est suivie en Belgique, en Allemagne, au Canada par des lycéens et des étudiants. Greta emmène ensuite sa pancarte à Katowice où doit s’ouvrir la COP 24, puis à Davos au Forum économique mondial en janvier 2019. 2 200 mouvements de Grève pour le climat suivront dans 125 pays sur tous les continents à l’initiative de jeunes lycéens de 15, 16 et 17 ans. Les exemples d’Anuna De Wever et Kyra Gantois en Belgique qui parviennent à rassembler 13 000 jeunes dans les rues de Bruxelles ; de Xiuhtezcatl Martinez aux Etats-Unis qui, avec 21 autres adolescents, décident de porter plainte contre le gouvernement fédéral pour n’avoir pas agi contre le changement climatique et avoir développé en connaissance de cause un système énergétique fondé sur les énergies fossiles.

Boyan Slat, un lycéen de 16 ans originaire des Pays-Bas dénonce le déversement de 8 millions de tonnes de plastique chaque année dans les océans. Boyan a une solution : utiliser les courants océaniques naturels pour regrouper tout le plastique. Il présente sa solution en 2012 dans une conférence TED (chaine web diffuseuse d’idées, développée par la fondation à but non-lucratif américaine The Sapling Foundation). La vidéo devient virale en quelques jours. L’opération réunit des fonds importants à travers un financement participatif (crowdfunding). Boyan organise des expéditions et met au point le System 001, premier système de nettoyage des océans au monde.

Felix Finkbeiner, un jeune Bavarois, n’a que 9 ans lorsqu’il lance en 2007 le défi qui donnera naissance à son projet Plant-for-the-Planet : planter un million d’arbres dans chaque pays du monde. Cette action a pour but de limiter le réchauffement climatique en utilisant la capacité des arbres plantés à absorber plus de 25% des émissions de CO2 annuelles.

L’histoire de Malala Yousafzai, cette jeune pakistanaise qui en 1997 avait dénoncé sur son blog la violence faite aux jeunes filles dans un pays dominé par les Talibans. En 2012, elle est la cible de ces mêmes Talibans qui lui tirent dessus à bout portant. La balle traverse le crâne sans toucher le cerveau. Elle est transférée depuis Peshawar vers l’hôpital de Birmingham au Royaume-Uni. Malala parvient à être sauvée. Elle lance alors un grand appel en faveur de l’éducation des jeunes filles dans le monde et contre l’idéologie talibane. Elle devient une icône de la liberté et de la résistance à la barbarie. En Syrie, Muzoon Al Mellehan, 14 ans, se révolte et revendique le droit à l’éducation dans les camps de réfugiés.

Au Malawy, Memory Banda, 13 ans, lutte contre le mariage forcé des enfants. Elle rejoint le Girls Empowerment Network, une ONG locale qui lutte pour les droits des jeunes filles. Après 5 ans de combat, une loi est enfin adoptée qui fait passer au Malawi l’âge légal au mariage de 15 à 18 ans. En février 2018, Emma Gonzalez, une jeune lycéenne de 18 ans, s’insurge contre la vente libre des armes en Floride. Un jeune de 17 ans vient d’entrer dans son lycée avec un fusil d’assaut : il a tué 14 élèves et 3 professeurs. Elle organise une « marche pour la vie » qui rassemble plus d’un million de personnes aux Etats-Unis.

Ces quelques exemples mettent en avant certaines actions engagées pilotées par de jeunes garçons ou de jeunes filles impliquées, souvent issues de familles déjà mobilisées et éclairées, qui ont recours au media le plus utilisé par leur génération : Internet et les réseaux sociaux. L’entreprise de nos deux auteurs est louable. En s’adressant à un public de jeunes adolescents, elle donne des exemples, elle montre les processus qui ont conduit à faire de ces quelques jeunes des « influenceurs ». Les deux petits reproches que nous pourrions faire à cet ouvrage sont, d’une part, de s’être concentré justement sur des exemples ultra-médiatisés et de ne pas avoir mis en avant d’autres initiatives moins médiatisées et sans doute plus locales et moins globales. D’autre part, aucune mention n’est faite sur une historicité de l’engagement jeune. Un récent article de National Geographic (mars 2018) rappelait que ces adolescents n’étaient pas les premiers à s’investir de la sorte. « Ils sont les nouveaux représentants d’une lignée de plusieurs générations de jeunes militants qui ont obtenu des changements sociaux partout dans le monde ». Ainsi, le journaliste livre-t-il les exemples des sit-in de jeunes pour lutter contre la ségrégation dans les écoles en Alabama en 1965 ; la mobilisation des jeunes contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960 toujours aux Etats-Unis ; les manifestations étudiantes sur la place Tian’anmen en 1989 ; ou encore au printemps arabe de 2010.