Dans cet ouvrage, Samba Diop présente les récits gambiens constituant une source orale de l’épopée d’El Hadj Omar en mandingue, wolof avec la traduction en français.

Cette histoire est très connue en Afrique de l’Ouest. Elle fait partie de l’histoire des relations entre colonisateur et grands chefs africains.

El Hadj Omar Tall est né au Sénégal, dans le Fouta-Toro, à a fin du XVIIIe siècle. Initié très tôt à la culture coranique, il est l’un des acteurs de l’islamisation du Sahel. Après un pèlerinage La Mecque, il devient un important chef musulman, il projette la création d’un vaste empire islamique regroupant le Boundou (Sénégal) et le Macina (Mali) par la guerre sainte. S’opposant à la colonisation française et réfugié près des grottes de Bandiagara, en pays dogon (Mali) il disparaît en 1864Son neveu Tidiani Tall lui succède. Son fils Ahmadou Tall règne à Ségou, Nioro… jusqu’àla conquête française en 1893. Son sabre a été officiellement rendu à sa famille par la France le 17 novembre 2019 par Édouard Philippe. Sa famille l’a remis au directeur du Musée des civilisations noires de Dakar, où il était déjà exposé.Sur les résistances à la colonisation : Christian Roche, Les Résistances africaines aux conquêtes djihadistes et françaises du XIXe siècle, L’Harmattan, 2019 – Patrick Royer, La guerre en miroir – Conquête coloniale et pacification au Soudan occidental, Les Indes Savantes, 2019.

Samba DiopTitulaire d’un PhD en littérature comparée de l’université de Berkeley en Californie. Il a enseigné les études francophones et africaines à UCLA, SUNY Buffalo,Harvard, à l’Université de Londres et à l’Université d’Oslo ainsi qu’en Gambie et au Nigéria. Il est chercheur à l’université d’Oslo et a publié de nombreux ouvrages et articles. établit une version écrite de récits de griots. Fils de l’aristocratie wolof, il n’est pas lui-même de la caste des griots comme il l’explique dans sa longue introduction. Il s’appuie sur les récits diffusés dans les années 1970 à Radio Gambie et à d’autres qu’il a lui-même recueillis en 1988 et 1998 à Rosso-Sénégal, sur la frontière mauritanienne auprès de différents griots.

De l’histoire au héros de l’épopée

L’auteur rappelle les grandes étapes de la vie d’El Hadj Oumar Foutiyou TallSon vrai nom. L’appellation El hadj Omar ou Cheikh étant réservée à l’épopée. Il décrit son enfance, son adolescence et son pèlerinage à La Mecque. De retour en Afrique, il voyage beaucoup et son séjour en Gambie est peu présent dans les récits. On sait qu’il est venu à Banjul et à Gunjur. Il retrace à grands traits les guerres d’islamisation.

Le récit épique est confronté à une enquête historique. Samba Diop présente les différents récitants, les griots, musiciens et informateurs qui ont contribué à son travail.

La langue des différents récits retenus est complexe. En effet, les locuteurs utilisant à la fois le mandingue, le wolof, le pular et l’arabe.

Les récits gambiens montrent bien le syncrétisme de l’épopée qui inclut des éléments religieux, musulmans et animistes, des préceptes de vie notamment à propos du Bien et du Mal.

Enfin, il précise les conditions de la transcription écrite de ces sources orales. L’auteur rappelle les caractéristiques de tout récit épique qui fonde la supériorité du héros sur les autres humains, le fait qu’il appartient lui-même à une élite dans un pays dominateur. L’épopée met en valeur la migration comme élément de la mémoire collective.

Les textes

Ce sont huit récits en mandingue ou en wolof, suivis de leur traduction en français.

Récit 1 : le long voyage et l’initiation religieuse. Il y est fait mention de la capture de l’Almani Samori par les Blancs. En fait Samory Touré a été capturé le 29 septembre 1898 à Guélémou, soit bien après la mort d’El Hadj Omar Tall. C’est là une des difficultés : la chronologie du récit et celles des dates historiques.

Récit 2 : Omar est un saint envoyé par Dieu.

Récit 3 : Le disciple de Cheikh Omar et la question des richesses terrestres ou spirituelles.

Récit 4 : Le fardeau de la richesse matérielle

Récit 5 : Un étonnant dialogue entre Omar Tall et un Européen qui se serait fait passer pour arabe à La Mecque. Cet homme serait Faidherbe. On sait qu’il parlait le wolof, le pular et la sarakolé. On ignore où cette rencontre aurait eu lieu, le récit ne le dit pas ; peut-être devant Médine, sur le fleuve Sénégal. Actuellement au Mali, le fort de Médine a été inscrit au patrimoine de l’Unesco. Un fort y a été construit par Faidherbe en 1855, El Hadj Omar Tall en a fait le siège en 1857. C’est, sans doute, à cet épisode que l’épopée fait allusion. Une confusion est possible entre Médine (Mali) et Médine (Arabie Saoudite), deuxième ville sainte de l’islam.

Récit 6 : Une explication de la place du héros au sein de la confrérie Tijaniyya et son retour au Fouta, terre de ses ancêtres.

Récit 7 : Où il est question de traverser un fleuve qui renvoie à son passage en Gambie. Il y est aussi question de Serigne Bamba (1853-1927), le fondateur de la confrérie mouride.

Le récit 8 et les appendices expliquent la tradition des griots accompagnés de musique : Kora et Xalam.

 

Ces récits peuvent être comparés, comme source historique, à de grands textes européens comme La chanson de Roland, la Gesta Francorum ou les récits hagiographiques médiévaux. Ils sont une source historique à mettre en correspondance avec d’autres sources.

 

La vie d’El Hadj Omar en dessin animé