D’abord consultante en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis d’Amérique, puis chercheur à l’université de Berkeley en Californie, Michelle Bertho-Huidal traite le thème des financements privés du développement international. Elle vient de rédiger Charity business. Le grand marché de la santé mondiale, publié aux éditions Vendémiaire.
Cet ouvrage permet de faire le point sur la philanthropie et surtout sur son bras armé, les fondations. D’après l’auteure, l’impact de ces fondations sur l’emploi serait somme toute marginal. La sous-représentation des minorités dans les dirigeants de ces fondations est, d’autre part, vivement critiquée. Pourtant, le pouvoir de décision de leurs dirigeants est très autonome.
Surnommés « les barons voleurs », Rockefeller et Carnegie ont créé les premières fondations entre les années 1911 et 1913. Ils étaient tous les deux d’origine écossaise. Les puritains et les quakers, qui ont présidé à la naissance des Etats-Unis d’Amérique, ne dissociaient pas la philanthropie de la charité. Très tôt, le Congrès américain accorda des avantages fiscaux aux fondations afin de favoriser leur développement. Puis, Henry Ford et encore plus tard d’autres riches Américains comme Bill Gates continuèrent ce mouvement.
Le système international chargé du développement est, quant à lui, devenu un monstre déformé par sa bureaucratie et dépassé par l’ampleur et la complexité de son fonctionnement. Aurait ainsi été oubliée la vision de sa mission initiale. Pis, les exigences humanitaires s’opposeraient, parfois, aux objectifs de développement. Il convient, toutefois, de noter que la fondation Bill Gates est en train de tout changer, car elle est à la fois présente et active à tous les niveaux de la santé mondiale.
L’OMS, i.e. l’Organisation mondiale de la santé, se voit dépossédée de son pouvoir de décision. Il y a un déplacement de ce qui était du domaine public vers la sphère du privé et un renforcement des approches verticales (qui privilégient la lutte contre les maladies spécifiques) au détriment des approches horizontales (qui visent le renforcement des systèmes de santé locaux).
Le but est de s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté, plutôt que d’assister les pauvres. L’éducation et la recherche scientifique sont les moyens d’y parvenir. Il ne s’agit plus de partager, et moins de cultiver l’empathie, que de changer le monde pour le rendre meilleur. La philanthropie remplace l’Etat dans beaucoup de domaines. Les grandes sociétés développent les fondations qui prennent en charge leurs activités sociales pour compenser la froideur et la brutalité de leur activité commerciale.
La difficulté, c’est le conflit d’intérêt. En effet, il y a peu de contrôle sur les activités des fondations. L’auteure de ce passionnant ouvrage souhaite qu’il y ait davantage de dialogue entre les bénéficiaires des fondations et les fondations ainsi qu’entre tous les intervenants, tels que les ONG, les Etats et les organisations internationales.
Cet ouvrage est instructif à bien des égards et renouvelle certains poncifs sur la charité. A n’en pas douter, il serait très utile pour certains hommes politiques.
Jean-Paul Fourmont © Les Clionautes