Les éditions Futuropolis ont réédité au « format poche » l’enquête de Benoît Collombat et d’Etienne Davodeau publiée sous forme de roman graphique et largement consacrée aux actions du SAC, c’est à dire du « Service d’action civique ».
Voici, pages 65 et 66, ce que les auteurs disent du SAC lors d’une conversation entre eux : « La Deuxième Guerre mondiale, la Guerre Froide, la guerre d’Algérie… On ne s’en rend plus vraiment compte aujourd’hui, mais le SAC est finalement assez central dans l’histoire de France récente (Etienne Davodeau) ! Exactement (Benoît Collombat) ! Il a germé dans le climat de violence « légitime » de la Résistance. Pour certains de ses membres, il a ensuite pu être perçu comme un moyen de prolonger cette « fraternité d’armes » avant de complètement dériver . Tu veux dire (E.D.) que, pour ceux-là, après la libération, revenir à une vie normale et renoncer à cette violence légitime fut difficile ? Voilà (B.C.) Il y aussi l’anticommunisme de l’après-guerre : le SAC affronte le service d’ordre du parti communiste qui ne fait pas dans la dentelle non plus. La violence du SAC est en quelque sorte légitimée par la peur du « péril rouge ». Il règne dans ces milieux-là une vraie crainte d’une invasion soviétique. Et puis, (…), cette violence n’est pas inutile au pouvoir gaulliste, pour faire le sale boulot, en Algérie, contre le FLN, puis contre l’OAS. Plus tard, en mai 1968, le sac s’avère un appui dont il serait idiot de se priver en cas de coup dur ! C’est vraiment une spécificité française, non (E.D.) ? Oui (B.C.), l’histoire du sac est indissociable de celle du Gaullisme… Elle est donc liée à celle de la quatrième et de la cinquième République ».
Le très grand sérieux de l’investigation et les multiples rebonds de l’enquête menée par les auteurs, mène le lecteur de l’assassinat du juge Renaud à Lyon à la mort de Robert Boulin, à travers notamment un travail sur les auditions menées par la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les agissements du SAC en 1982 et l’interview de nombreux témoins contemporains des faits évoqués dans l’ouvrage.
Grégoire Masson