L’auteur, Barthélémy Courmont, est chercheur à l’IRIS, et l’auteur de nombreux ouvrages de géopolitique et de stratégies notamment : Etats Unis, les défis d’Obama. Vers un nouveau leadership américain ? , actuellement en poste à Taïwan pour l’IFRI, il est fin connaisseur de la réalité de la politique chinoise.
L’auteur fait le choix d’une expression américaine « soft power » pour exprimer un mode d’action d’une puissance passant par la persuasion, le pouvoir de conviction, la capacité à séduire et attirer. Celui-ci s’oppose au « hard power » qui correspond à l’usage de la force dans les relations internationales. La thèse de l’ouvrage est la présentation de cette nouvelle manière d’aborder les relations internationales pour la Chine. A l’horizon 2050, les spécialistes s’accordent pour penser que la Chine sera devenue la première puissance économique mondiale. Pour jouer un rôle économique important (elle le joue déjà !) mais surtout politique, ce grand Etat semble faire le choix de la séduction, de l’attraction et même les milieux militaires recommandent d’accorder la priorité au développement économique et aux stratégies d’influence.

Avec quels outils ?

La culture, c’est évident ; qu’elle n’hésite pas à mettre en avant à la moindre occasion ; les Jeux Olympiques et l’exposition universelle( 2010) de Shanghaï ont (ou vont) constitué une vitrine formidable aux yeux du monde entier pour valoriser la Chine. Moins connus mais aussi important les Instituts Confucius, à l’image des Alliances françaises constituent un réseau qui se densifie pour diffuser la langue chinoise. La défense du patrimoine est devenue pour les dirigeants chinois une quasi obsession
Le Nationalisme ou fierté d’être chinois sont des thèmes qui ont beaucoup de succès en Chine d’autant qu’il se marie assez bien avec le communisme à la chinoise. Mais ce nationalisme s’est modernisé et se nourrit d’une réalité unanimement acceptée, l’espoir, bien réel, d’accéder au rang de première puissance mondiale.
La diaspora chinoise, la plus importante du monde souhaite aussi valoriser sa place, et avec pragmatisme tait son aversion pour le régime communiste et cherche à profiter de la croissance vertigineuse de la Chine.

Le concept de soft power ne se développe que dans les années 90 et c’est surtout au tournant du millénaire qu’il semble s’imposer chez les dirigeants chinois. Et paradoxalement les Etats- Unis ont, grâce à la désastreuse politique étrangère de l’administration Bush, ont permis à la Chine de se substituer à eux comme c’est le cas en Amérique latine.
L’auteur envisage ensuite le « soft power » chinois en fonction de quelques grandes régions du monde et d’abord l’Asie du Sud Est, le pré carré chinois. Aujourd’hui la Chine est devenue incontournable et même désirée par les pays qui la composent. Le Vietnam, par exemple, longtemps ennemi de la Chine ( voir le conflit brutal de 1979) voit la Chine d’aujourd’hui comme un modèle de développement et essai de l’imiter, malgré des contentieux persistants sur le cas des iles de mer de Chine. La présence d’une diaspora bien implantée dans cette région est un facteur décisif( 75% de chinois à Singapour et 26% en Malaisie et un total de 30 millions sur l’ensemble de l’Asie du Sud Est).
L’Afrique est devenue un enjeu très important pour la Chine, peu présente lors de la période maoïste sinon dans le soutien à quelques guérillas, et qui aujourd’hui investit massivement cette région attirée surtout par les immenses ressources de ce continent. Le sommet Chine/Afrique de novembre 2006 a consolidé les relations économiques avec les 48 pays participants; événement qualifié d’ « historique ». De plus, les 150000 chinois installés en Afrique témoigne de l’importance de cette région pour l’Empire du Milieu.
Au proche orient, l’intérêt de la Chine est d’abord lié à la soif d’énergie, d’où des relations avec l’Arabie Saoudite et des coopérations pour la construction de raffineries en Chine ou le Yémen grand producteur de gaz. Mais elle noue aussi des relations avec Israël, ce qui ne semble pas offusquer ses alliés arabes ou avec l’Iran malgré les provocations et la répression du gouvernement d’Ahmadinedjad. L’ Amérique latine longtemps, arrière cour des Etats Unis, tente de s’émanciper de cette tutelle et cette perte d’influence américaine ouvre une brêche dans laquelle s’engouffre la Chine notamment avec le Brésil.

Quelles sont les réponses à cette nouvelle politique chinoise?

Face à cette offensive diplomatique les réponses sont variées, aux Etats Unis certains ont des positions radicales, comme Paul Wolfowitz, ancien de l’équipe Bush à la tête de l’ISAB ( International Security Advisory Board ) recommande le développement de capacités antimissiles… plus nuancés d’autres experts ( Prasad, économiste au FMI ) préconisent de collaborer avec la Chine et de l’associer d’avantage aux Institutions internationales. Toutefois l’image de la Chine souffre de l’absence de démocratie ce qui ternit son image auprès de l’opinion publique occidentale.

Cet ouvrage présente de nombreux intérêts, le premier, et non le moindre, réside dans la clarté de l’exposé, tant dans l’usage de la langue que la structure de l’ouvrage avec ses chapitres bien définis. L’ouvrage sur le fond est très bien informé et présente clairement la définition du concept de soft power,et, au delà, il offre une bonne mise au point de la politique étrangère de la chine aujourd’hui. Il peut concerner les collègues d’histoire et de géographie, les étudiants en géopolitique et tous ceux qui sont curieux de l’évolution rapide de cet immense pays qu’est la chine.