Voici un ouvrage qui, s’il parle d’histoire de la Chine, propose en même temps une entrée très visuelle. Composé d’affiches, il s’organise en trois parties et parle de l’évolution du pays de l’accession au pouvoir de Deng Xiaoping à 1998. Pierre Haski, journaliste chroniqueur sur France Inter et président de « Reporters sans frontières », préface cet ouvrage. Chacune des parties est rapidement introduite par un texte de synthèse. A la fin du livre, chaque affiche est présentée très brièvement avec sa date, la traduction de son slogan ou des propos qu’elle contient. Le sommaire des affiches en fin d’ouvrage est plus précis que les simples trois thèmes « modernisation, politique et vie quotidienne », avec d’autres sous-thèmes comme agriculture, industrie, ce qui facilite le repérage. C’est aussi un bel objet et une belle approche par le graphisme. A ce titre, il faut souligner la qualité des reproductions, ce qui procure un vrai plaisir à feuilleter l’ouvrage.
De l’importance de l’affiche en Chine
Pierre Haski rappelle d’abord que la propagande est consubstantielle au régime chinois mais qu’on a souvent pris l’habitude de n’examiner que les affiches de l’époque maoïste. Elle a continué sous Deng Xiaoping car lui aussi avait des messages à faire passer. Pierre Haski prend l’exemple de la politique de l’enfant unique, ou du moins de sa communication, en montrant que son succès crée des déséquilibres visibles aujourd’hui : selon une formule éprouvée, « la Chine risque d’être vieille avant d’être riche ». La propagande s’adapte à son époque et change donc dans les années 80. Quant à Xi Jinping, il a clairement pris le virage numérique comme en témoigne l’application pour téléphone portable qui lui est consacrée. La technologie permet cet encadrement et cette surveillance voulus déjà par les affiches de propagande. La postface permet d’en savoir plus sur les aspects matériels de ces affiches : produites et vendues à bas cout, elles sont disponibles en plusieurs formats, et parfois imprimées à un million d’exemplaires.
La modernisation du pays
Cette partie décline trois thèmes soit la modernisation, les mégalopoles du futur et la nature à l’épreuve du communisme. Dans le texte introductif de la partie, l’auteur rappelle le tournant pris par la Chine à la fin des années 70. En à peine dix ans, les exportations triplent et la production de céréales augmente de 25 %. Le graphisme évolue également en intégrant parfois la photographie au sein de l’affiche. Parmi toutes les affiches proposées, on peut relever celle de la page 41 consacrée à la modernisation de la science et de la technologie, ou encore celle de la page 61 qui invite à aller de l’avant en insistant sur l’importance de l’éducation. Les villes chinoises se transforment à partir des années 80. On découvre une affiche de 1989 consacrée à Shanghai. Enfin, cette première partie aborde la question de la nature. Le texte introductif rappelle la lutte engagée par Mao contre les nuisibles mais aussi les projets liés à la lutte contre l’avancée du désert. A ce titre, plusieurs affiches invitent à planter des arbres ou à protéger l’équilibre écologique et naturel.
Vingt ans de communication politique
Dans cette deuxième partie, plusieurs affiches traitent de l’affirmation du communisme chinois, souvent à l’occasion de dates anniversaires comme celle des 60 ans du parti communiste chinois dans l’affiche page 116. On trouve aussi le commentaire de l’affiche utilisée en couverture et intitulée « Marchons vers le XXI ème siècle, notre cause sous les bras » et datant de 1997. Une large section est consacrée à la politique de l’enfant unique. Après des affiches sur le recensement, le message se fait plus direct dans d’autres comme celle de 1980 qui invite à limiter la population à moins d’1,2 milliard d’ici l’an 2000. Une autre affiche invite à être honnête lors du recensement. Le lien est aussi fait page 173 entre la politique de l’enfant unique et celle des quatre modernisations.
Une vie quotidienne transformée
« L’hygiène et la forme physique des citoyens participent à la modernisation du pays et le respect des règles de propreté est perçu comme un acte patriotique ». La typographie évolue avec une graphie, des caractères plus recherchés et des titres plus colorés. Selon les cas, les affiches mettent donc l’accent sur tel ou tel aspect lié à l’hygiène. Dans les années 70 il s’agit de lutter contre la tuberculose et, quinze ans plus tard, le message véhiculé est à destination des enfants pour qu’ils se protègent les yeux lorsqu’ils regardent la télévision. Le sport est ensuite investi par le gouvernement chinois et dès 1984 le pays obtient des succès retentissants aux Jeux Olympiques. L’affiche page 215 donne le ton avec en 1982 le titre « Réveille toi ! » et comme sous-titre « aucun échec n’est possible pendant la décennie 1980 ! ». La dernière sous-partie aborde la question des biens matériels avec comme accroche « Vers une vie meilleure ? ». La société chinoise devient une société où les loisirs se développent, d’où ces affiches avec de jeunes femmes en bord de mer. Les appareils photographiques fleurissent sur les affiches. Aujourd’hui les moyens technologiques ont profondément évolué : ces affiches produites jusqu’à la fin des années 90 ne semblent plus forcément au gout du jour. En 2019, Xi Jinping réaffirmait dans un discours que « l’art doit être au service de la politique ». Les supports changent peut-être mais la volonté de propagande demeure.
C’est donc un ouvrage qui fait la part belle aux documents avec environ 200 affiches. Il permet d’évoquer la période de la modernisation de la Chine. Il pourra aussi servir en enseignement de spécialité en première sur l’idée de puissance.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes