La Seconde Guerre mondiale a été l’un des événements les plus catastrophiques dans l’histoire de l’Homme. On en connaît les causes, le déroulement, les acteurs, etc. Mais en connaît-on vraiment les conséquences, tant immédiates que durables ? En quoi les épreuves et la mémoire de ce bain de sang – et des liens qu’il a créés – affectent-elles le monde moderne ? En quoi les mémoires de violence, les rêves d’égalité et le désir de liberté que la guerre a engendré transforment-ils les pays et les communautés dans lesquelles nous vivons aujourd’hui ?
Keith Lowe, historien britannique, décrit et analyse une période de bouleversements géopolitiques, sociaux et économiques sans précédent. Il montre comment la peur – si prégnante durant le conflit – et la liberté – à laquelle le monde aspire en 1945 – ont été les moteurs de la création de ce nouveau monde de l’après-guerre. En plus d’expliquer et d’analyser ces changements majeurs et les mythes qui en sont nés, Keith Lowe les incarne en plaçant au cœur de chaque chapitre l’histoire d’un homme ou d’une femme qui ont survécu au conflit et en ont été profondément bouleversés – qu’ils soient victime ou bourreau. Cet ancrage de l’histoire individuelle dans l’histoire collective permet à l’auteur, et surtout au lecteur, d’entrer dans ces thématiques sous une forme plus incarnée qui rend la lecture plus agréable.
L’ouvrage se divise en six parties thématiques.
Dans la première, il développe les notions de mythes et légendes à travers les figures antagonistes de héros et monstres, celles des martyrs. Keith Lowe interroge également les concepts de commencement et fin du monde.
La deuxième partie quant à elle développe utopies. Qu’elles soient scientifiques, urbaines, humanistes, elles ont été essentielles dès lors que « l’ancien monde » avait été porteur de tant de malheurs.
Dans la troisième partie, Keith Lowe s’intéresse à ce qu’il appelle « un seul monde ». Il étudie ainsi l’économie mondiale, le gouvernement mondial (avec la naissance des Nations unies) et le droit mondial.
La quatrième partie développe l’état du monde en pleine Guerre froide : deux superpuissances, les États-Unis et l’Union soviétique. Mais cette polarisation du monde n’empêche pas le développement du Mouvement des non-alignés.
Dans la cinquième partie, après avoir étudié les deux superpuissances qui s’opposent, Keith Lowe revient sur les deux cent nations. Un tour du monde bienvenu des autres zones du monde. On en apprend ainsi plus sur la naissance d’une nation asiatique, la naissance d’une nation africaine, la démocratie en Amérique latine et le nationalisme européen. Un focus est également fait sur Israël : nation d’archétypes. À l’instar de nombreuses autres parties du livre, l’historien britannique n’hésite pas à tisser des liens jusqu’à aujourd’hui. Des mises en perspective tout à fait bienvenue qui permettent une meilleure compréhension de ces conséquences sur du temps plus long.
Enfin, la sixième et dernière partie, dix mille fragments, interroge les traumatismes, pertes, la mondialisation des peuples et le phénomène des parias (exclus, expulsés, etc.).
Un livre remarquable tant il invite à la réflexion. Un livre d’Histoire et d’histoires. Dans l’historiographie des conflits, les historiens ont tendance à élargir les bornes chronologiques : une guerre ne s’achève pas dès lors que l’armistice est signé et les conséquences du temps long en font partie. Cet ouvrage s’inscrit dans cette tendance : l’étude de la Seconde Guerre mondiale et sa compréhension ne doivent pas se borner au déroulement du conflit, ni à sa genèse, mais il importe d’en saisir les conséquences à travers les décennies qui ont suivi. Après tout, le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui s’est construit sur les ruines issues de la Seconde Guerre mondiale.