C’est sur une citation de Zhou Enlai en 1971 affirmant que « les officiers de la CIA sont devenus le sujet de discussion dont on parle à travers le monde. Quels que soient les événements, on pense qu’ils ont toujours quelque chose à voir… » que s’ouvre l’ouvrage de Frank Daninos.
Journaliste et chercheur au centre français de recherche sur le renseignement, présenté sur la quatrième de couverture de l’ouvrage comme un spécialiste de la « guerre de l’information aux États-Unis. » mais aussi comme l’auteur d’une histoire du poker publiée aux éditions Tallandier en 2010, il se propose donc de retracer une « histoire politique » de la CIA.
Les hommes du président
CIA une histoire politique est l’édition de poche d’un ouvrage paru en 2007 et réactualisé en 2011.
Dans ce livre qui tente de retracer l’histoire de la CIA en l’articulant avec l’histoire politique extérieure et intérieure des États – Unis, l’auteur défend l’idée qu’un lien fort et permanent est établi entre l’agence de renseignement américaine et le président des États-Unis, et c’est sous l’angle de l’étude de leurs relations que se place la problématique de l’ouvrage.
L’histoire de la CIA suit évidemment celle des États-Unis de l’après seconde guerre mondiale.
Jouant un rôle clef dans les événements qui animent la guerre froide, l’agence est utilisée par les présidents américains comme un organisme de renseignement majeur mais aussi un outil pour conduire des opérations spéciales et préserver les intérêts américains. C’est particulièrement le cas en Amérique latine, avec plus ou moins de succès, à Cuba pour Kennedy, au Chili pour Nixon et au Nicaragua pour Reagan.
Ainsi, même si tous les présidents américains n’accordent pas une confiance totale à la CIA, tous ont recours à ses services. Il est d’ailleurs traditionnel depuis Truman que les candidats à l’élection présidentielle rencontrent le directeur de l’Agence et soient informés des dossiers en cours de traitement.
Une histoire américaine
La CIA une histoire politique est organisé autour de cinq parties relatives à autant de grandes périodes de l’histoire de la CIA et des États-Unis.
Tout d’abord, on assiste à la gestation et la naissance de la CIA de 1942 jusqu’à 1947, répondant à la nécessité de coordonner le renseignement américain, de pallier ses lacunes et d’éviter tout nouveau Pearl Harbor.
La CIA devient alors, de la fin des années 40 jusqu’au début des années 70, un véritable « ministère de la guerre froide » menant et coordonnant activités de renseignement, opérations spéciales et secrètes et recherche scientifique, afin de lutter contre la puissance soviétique rivale…
Les années 70 apparaissent comme des années difficiles, de défiance entre l’opinion publique américaine, la classe politique et l’agence suite à divers scandales et révélations. L’affaire du Watergate, la déclassification des archives de la CIA et la révélation de l’opération Chaos, prouvant la surveillance des citoyens américains par l’Agence, rendent son existence douteuse pour les américains et son utilisation sulfureuse pour la classe politique.
Avec l’élection de Ronald Reagan, la CIA est de retour et retrouve un regain d’activité encouragé par le nouveau président jusqu’à la disparition de l’URSS en 1991.
Enfin, et notamment dans deux nouveaux chapitres spécialement rédigés pour l’édition de poche, la CIA doit faire face à un monde multipolaire et à l’échec que représentent pour l’agence de renseignement les attentats du 11 septembre.
Qu’est ce que la CIA ?
Ce livre est d’une lecture agréable. Facile à lire, il fourmille d’anecdotes et d’éléments détaillés pouvant alimenter les « à coté » d’une leçon relative à la guerre froide.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, on peut citer la négation par les autorités américaines de l’existence des avions U2, créés dans les années 50 pour espionner le territoire soviétique. Celles-ci ont alors préféré voir fleurir dans la presse des histoires fantaisistes de soucoupes volantes plutôt que de reconnaître ds actes d’espionnage.
Les sources sont assez nombreuses et sérieuses mais il ne s’agit pas d’un travail universitaire et les références renvoient le plus souvent à des ouvrages grands publics anglo-saxons et non à des documents inédits.
On peut regretter une approche journalistique, simplement événementielle venant combler les attentes de l’amateur d’histoire contemporaine américaine et contrer (ou parfois alimenter) les théories du lecteur conspirationniste.
Ce n’est donc pas la grande somme historique sur la CIA. En effet, au catalogue des différents directeurs de la CIA dressé par Daninos, on aurait aimé une réflexion plus large et ambitieuse. Des questions restent en suspens et d’autres sont à peine posées comme savoir qui est membre de la CIA, quelle est l’efficacité et l’impact géopolitique des actions de l’Agence au cours de ces années, ou encore quel regard est porté par les américains sur ces agissements.
Un travail historique qui reste donc à faire et dont semble t’il l’auteur est conscient puisqu’au bout de plus de 400 pages de récit, sa conclusion inédite rédigée en 2011 porte le titre suivant: « Qu’est-ce que la CIA ? », semblant ouvrir des pistes pour de futurs travaux de recherche sur un sujet passionnant.
Guillaume Bellicchi