Événement littéraire et télévisuel des années 1970, la saga des Rois Maudits a marqué la mémoire collective de la « malédiction templière » qui aurait frappé le roi Philippe le Bel et sa descendance au début du XIVe siècle. D’un point de vue historiquement plus avéré, le puissant roi de France s’était alors effectivement engagé dans une politique de puissance temporelle, qui tendait à affirmer sa prééminence dans la Chrétienté et à placer la Papauté sous son influence. Pour ce faire, il alla jusqu’à la confrontation violente, dont l’humiliation du pape Boniface VIII lors de « l’attentat d’Anagni » fut l’épisode le plus spectaculaire.
L’avènement en 1305 du pape gascon Bertrand de Got, sous le nom de Clément V, marqua le début d’un nouveau bras de fer entre le souverain et le nouveau titulaire du trône de Saint-Pierre. C’est leur confrontation, tout à la fois duel de volontés et affrontement politique, qui sert de trame principale à cet album. L’ambition du scénario est cependant plus large. Il retrace la décennie du pontificat de ce dernier et les différents aspects de son action. L’ensemble de son règne est placé sous la pression continue de Philippe le Bel. Le fil conducteur de leur joute est l’emblématique procès des Templiers, qui scelle la chute du trop puissant et trop riche ordre militaire. En situation de faiblesse, le Saint Père louvoie afin de maintenir l’autonomie de l’Église. L’impérieux roi de France n’est pas son seul souci. Il lui faut aussi subir les ambitions de l’Empereur Henri de Luxembourg et de la cité de Venise, ainsi que les désordres de Rome. Dans ce climat incertain, Clément V fait le choix crucial d’installer la papauté en Avignon, lieu de répit hors de l’influence directe de ses principaux antagonistes. Sa politique de concessions à l’égard de la France passe notamment par l’abandon des Templiers du royaume, qui culmine avec la mise à mort sur le bûcher du grand maître Jacques de Molay en 1314. Son immolation précède de peu la disparition du roi Philippe et du pape Clément qui meurent eux aussi la même année, donnant ainsi crédit à la légende de la malédiction templière.
Clément V est une figure estompée de l’Histoire de la Chrétienté. On prend donc connaissance avec intérêt du parcours de ce pape gascon grâce à cet album scrupuleux et didactique, servi par un trait détaillé et riche en couleurs. La stature du personnage en sort utilement grandie. Plus largement, on découvre à cette occasion cette collection dédiée aux « grands papes » du passé, dont l’ambition est de raviver la perception de leur rôle et de leur héritage dans l’Histoire. Une lecture d’initiation recommandable donc, d’autant qu’elle est avantageusement complétée par un dossier documentaire de 8 pages d’une bonne qualité pédagogique, parfaitement accessible au public tant collégien que lycéen.
Présentation de l’album sur le site de l’éditeur
© Guillaume Lévêque