Cocoaïans, sous-titré Naissance d’une nation chocolat, narre le destin de la Côte d’Ivoire ( rebaptisé Cocoaland par l’auteur. On notera que ce nom est celui d’une société de fabrication artisanale de chocolat située à Abidjan) entre le XIXe et le XXIe siècle à travers le prisme du cacao.

Gauz’ est à la fois écrivain, photographe, scénariste et réalisateur. Né à Abidjan en 1971, il réside aujourd’hui à Grand-Bassam.

Gauz’ l’exprime tout au long de son ouvrage : si la Côte d’Ivoire était le premier producteur mondial de chocolat et non de cacao, son avenir serait tout autre.

Dans une perspective diachronique, l’auteur évoque les épisodes d’occupation et d’exploitation des ressources du pays, avec notamment la figure rémanente de Marchand, la mise en place du Syndicat Agricole Africain, l’ indépendance et les espoirs déçus, Treichville (une commune d’Abidjan) et le siège de la présidence alors que Laurent Gbagbo était à la tête de l’État.

Le roman s’arrête sur une phase d’anticipation, en 2031, avec la perspective de créer un « cartel du chocolat », à l’instar de ceux de la drogue, de façon à peser sur les destinées de l’Occident (p.105) : « L’Occident devra nous acheter exclusivement de la poudre de chocolat comme il achète de la cocaïne. Il se pliera à ce diktat. Ou alors, nous organiserons la plus grande pénurie de chocolat de tous les temps. Et pendant que leurs peuples se lamenteront, nous monterons des circuits illégaux de distribution de poudre de chocolat dans le plus pur modèle du grand banditisme. Un marché noir du chocolat ! Ah ah ! Avec l’argent marron gagné, nous financerons en Occident les associations, les syndicats, les manifestations et les soulèvements qui ne vont pas manquer à cause de la raréfaction du chocolat. Nous financerons aussi des milices, des coups d’État, des chercheurs, des politiques, des cinéastes, des chanteurs, tous ceux qui se dresseront contre leurs propres gouvernements au nom de notre poudre ».

Texte d’une grande causticité, écrit dans une langue truculente, Cocaïans est un récit réjouissant qui offre une grille de lecture de l’histoire ivoirienne des plus originales.

Grégoire Masson