Journaliste et illustrateur, Serge Bellu, est rédacteur en chef de L’année Automobile et auteur de plusieurs dizaines de livres sur l’histoire de l’automobile et du design. Consultant pour l’industrie, il a été aussi chargé de cours et de conférences dans plusieurs écoles (Art Center College of Design, Arts et Métiers…). Par cet ouvrage, il a voulu retracer les heures les plus glorieuses de Ferrari et Maserati, en mettant en parallèle deux sagas concurrentes. « Le déroulement de leurs histoires conjointes est marqué par des « face à face » permettant de confronter les principaux modèles des deux labels sous la forme de duels comparés, circonstanciés et chiffrés » dans un prologue, 3 manches, un épilogue et des annexes.

LE DERBY BOLOGNE-MODÈNE

La marque Maserati nait le 1er décembre 1914 à Bologne. La première automobile qui portera son nom est la Tipo26. Pilotée par Alfieri Maserati en personne, la Maserati Tipo 26 remporte sa classe. A une cinquantaine de kilomètres de là, à Modène, Enzo Ferrari jette les bases de la Scuderia Ferrari le 16 novembre 1929. L’entreprise a alors pour objet « l’achat d’automobiles de compétition de la marque Alfa Romeo et leur participation aux courses du calendrier national sportif ». Dans les courses du début des années 30, à une époque où règne une relative liberté avec des règles techniques encore peu contraignantes, les deux marques italiennes élaborent des mécaniques extravagantes « pour flirter avec les grosses cylindrées ». S’opposent ensuite les Alfa Romeo Tipo B et les Maserati 8CM, véhicules monoplaces, concurrencés par les bolides allemands et notamment les flèches d’argent de Mercedes-Benz. A la fin de la décennie, le manque de réussite sur le plan sportif et la baisse des ventes se répercutent sur l’ambiance au sein des entreprises. Finalement, après la mort d’Alfieri Maserati en 1932, l’affaire est cédée à un industriel de Modène, Adolfo Orsi et Enzo Ferrari claque la porte d’Alfa Romeo en 1938. Maserati quitte Bologne pour Modèle et Ferrari Modène pour Maranello.

GRAND PRIX – CHAMPIONS DU MONDE

En 1947, on assiste aux premiers tours de roue de la toute première automobile portant le nom de Ferrari : le type 125 Sport. Chez Maserati, le modèle A6 GCS fait également ses premiers essais cette année-là. En 1949, les deux marques s’opposent en Formule 2 et en Formule 1. Toutefois, lors du premier Championnat du monde de Formule 1 en 1950, les deux marques déçoivent. Alfa Romeo écrase tous ses adversaires avec sa Tipo 158. Ferrari domine ensuite les championnats en 1951 et 1952 avec ASCARI jusqu’à la victoire de FANGIO dans sa Maserati A6 GCM. Ce dernier gagnera ensuite avec des Mercedes-Benz. Leur retrait permet aux Ferrari de revenir aux avant-postes à la fin des années 1950 avec de nouveau FANGIO. Il est à peine menacé pour Stirling MOSS sur sa Maserati 250F, voiture avec laquelle FANGIO gagnera son 5ème titre de champion du monde des pilotes. Mais la marque est en proie  à de graves difficultés financières et doit renoncer à la compétition ou tout au moins déléguer ses participations aux épreuves du championnat du monde aux écuries privées à la fin des années 1950. A l’opposé, Ferrari continue et n’arrêtera jamais, ne manquera jamais une saison de Formule 1 avec un nombre de titres de championne du monde jamais égalé : seize.

ENDURANCE – OBJECTIF LE MANS

L’épreuve la plus prestigieuse du calendrier sportif est sans conteste les 24 heures du Mans, crée en 1923. L’ensemble des courses d’endurance prennent toutefois un autre retentissement à partir de 1953 avec la catégorie « sport » qui récompense les constructeurs. Maserati ne se lance pas tout de suite. La marque participe pour la première fois de son histoire aux 24 du Mans en 1954. Un engagement qui annonce une implication prochaine plus conséquente. Mais les 300S, 350S ou 450S connaîtront des hauts et des bas et Ferrari multiplie les titres de champion du monde. Les règlementations évoluent au début des années 1960 avec une catégorie « Grand Tourisme » (voitures produites à 100 exemplaires par an, pouvant être modifiées) à côté de catégories « Sport » et « Expérimentale ». En 1963, au Mans, s’affrontent Ferrari 250 P et Maserati Tipo 151. Mais c’est Ford avec ses GT qui deviendra ensuite le principal adversaire de la Scuderia alors les participations de Maserati dépend d’intervenants privés et d’importateurs. En 1965, « le rideau tombe sur l’histoire de Maserati au plus haut niveau du sport automobile ».

GRAND TOURISME – ÉLOGE DU STYLE

Que ce soit pour Maserati ou Ferrari, la priorité a été donnée aux activités sportives. Après Guerre, elles se lancent, en plus de la vente de quelques machines de compétition, dans l’aventure du Grand Tourisme. En 1947 apparaît la Maserati A6 1500 dessinée par Pinin FARINA et en 1948, la 166 chez Ferrari. Puis l’offre va peu à peu s’élargir pour les deux marques. On peut par exemple signaler la magnifique berlinette concoctée par ZAGATO sur le châssis A6G/54 de Maserati ou la Ferrari 250 GT Competizione. Le choix du style devient déterminant pour caractériser les deux marques rivales qui se partagent les sous-traitants : Maserati travaille en exclusivité avec FRUA et ALLEMANO, tandis que Ferrari tisse des liens serrés avec VIGNALE, Pinin FARINA ou GHIA. Dans les années 1960, élitisme et exclusivité deviennent les maîtres mots caractérisés par la Maserati 5000 GT et la Ferrari 500 Superfast. Pour poursuivre leur développement, Ferrari s’associe avec FIAT (après une alliance avortée avec Ford) et Maserati avec Citroën. Les Maserati Ghibli (dessinée par GUIGARO) et Khamsin sont le fruit de cette collaboration avec un châssis qui associe le classicisme de l’ingénieur ALFIERI à la sophistication apportée par les chercheurs de Citroën. Mais la marque française lâche l’italienne en 1975, entrainant ainsi sa liquidation judiciaire et sa reprise partielle par De TOMASO.

DIVERGENCES

Avec les crises pétrolières des années 1970, les constructeurs qui produisent des voitures à hautes performances sont les premières victimes. Beaucoup de marques chancellent…mais pas Ferrari. Le prestige de la marque est entretenu par de nouveaux succès sportifs. La marque invente même le phénomène des « supercars » avec la 288 GTO et survit brillamment à la mort de son fondateur en 1987. Pour Maserati, le salut vient de FIAT qui entre dans le capital en 1989 et prend le contrôle de la marque en 1993, puis son absorption par Ferrari en 1999 et sa réintégration au groupe FIAT en 2005. En 2013 sortent la Quattroporte et la Ghibli puis en 2016, le SUV Levante. Même Ferrari prend goût à ce type de véhicule avec la Purosangue. Heureusement, vestiges de leur passé commun, une Maserati (MC20) peut de nouveau rivaliser avec une Ferrari (296 GTB).

Ce superbe livre illustre de manière magistrale le destin parallèle, et parfois commun,  de ces 2 grandes marques automobiles italiennes dans les mondes d’abord sportifs puis industriels. Il est richement illustrée et permet de mesurer leurs évolutions dans le domaine du design et de la technologie. A regarder, à lire et à offrir.