Délocaliser ? Relocaliser ? Industries traditionnelles ou industries de pointe ? Les interrogations et les facettes de l’industrie sont nombreuses. Ce numéro de la Documentation photographique tombe donc à pic pour faire le point et actualiser ses connaissances.  

Pourquoi parler d’industrie aujourd’hui ? 

Comme le disent les auteurs en introduction, la diffusion de l’industrie à l’échelle mondiale est l’une des grandes singularités de ces dernières décennies. Parler de l’industrie c’est aussi parler de la puissance d’un pays. Parmi les points de repère à connaître, il y a le fait que l’Asie orientale représente un tiers de l’industrie mondiale en terme de valeur ajoutée tandis qu’on a assisté à une désindustrialisation dans les pays développés. François Bost, professeur de géographie économique et industrielle à l’université de Reims Champagne-Ardenne, et Dalila Messaoudi, maître de conférences en géographie économique et industrielle à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, embarquent le lecteur pour un tour d’horizon très complet.

Le point sur 

Comme à son habitude, la première partie de l’ouvrage sert à faire le point scientifique sur la question. C’est l’occasion de rappeler que le classement en trois secteurs commence à dater, puisqu’il est de 1940. Les auteurs décrivent les différents types d’industries et constatent que les limites sont de plus en plus floues entre industrie et services. Ils reviennent aussi sur la notion de « système productif » en pointant le fait qu’elle n’a pas d’équivalent ailleurs qu’en France, ce qui en limite fortement l’intérêt. Au niveau mondial, il faut tenir compte du fait que les activités industrielles représentaient en 2019 28 % de la valeur ajoutée mondiale mais cette part diminue. On constate aussi une très forte concentration dans une vingtaine de pays. Les auteurs montrent ensuite le rattrapage des pays en développement et émergents et reviennent sur certains modèles comme celui du vol d’oies sauvages. Pour historiciser leur propos, François Bost et Dalila Messaoudi soulignent que la désindustrialisation n’est pas un phénomène récent car on l’observait déjà dans les années 70. Indéniablement, la France est un des pays les plus touchés même si elle s’est caractérisée par un déni en ce domaine jusqu’aux années 2000. Le nouveau mot sans cesse employé est celui de réindustrialisation : reste à savoir sa réalité. Le tour d’horizon se termine en mettant l’accent sur trois aspects : le déploiement ex-nihilo dans les pays développés de nouvelles activités industrielles peu sujettes aux délocalisations, la réimplantation depuis l’étranger d’activités qui n’avaient pas été préalablement délocalisées. Enfin, la réindustrialisaiton doit être réamorcée par les entreprises déjà implantées dans les pays en voie de désindustrialisation.

L’industrie dans la mondialisation de l’économie

Les documents commentés sont répartis entre quatre thèmes. Après avoir souligné l’impact de la crise de 2007-2008, François Bost propose un schéma sur la dynamique économique entre ouverture et fermeture. L’histoire de l’industrie est marquée par des cycles et des crises comme en témoigne le cas de Youngstown, une ancienne ville sidérurgique des Etats-Unis. Ici, ce sont 50 000 emplois qui ont été détruits dans l’aire urbaine entre 1977 et 1978. Cela s’explique par la crise autour de l’acier et de l’automobile. Le résultat, ce sont des friches industrielles et une fuite des habitants. Une double page aborde la question de la délocalisation à travers plusieurs exemples comme la chaussure ou le jouet. Les réseaux internationaux de production sont expliqués avec, par exemple, l’Iphone ou le Nutella. Les auteurs s’interrogent enfin sur les bouleversements industriels possibles de l’après Covid-19.

L’innovation au prisme de nouveaux défis

Dans cette deuxième partie documentaire, on mesure d’abord l’importance de la recherche et développement ainsi que de l’innovation dans l’industrie. Ce domaine peut représenter de 4 à près de 25 % du chiffre d’affaire dans un secteur comme la pharmacie. Parmi les secteurs prometteurs, il y a l’hydrogène vert ou les batteries électriques. Il y a également la révolution 4.0 avec l’impression 3D qui connait un énorme succès. Au niveau français, une entrée est consacrée à la réindustrialisation avec l’exemple notamment de la marque « Le slip français ». Parmi les facteurs qui peuvent expliquer une relocalisation, il y a l’importance accordée à la qualité ou encore la traçabilité. Les auteurs interrogent aussi le rapport entre industrie et changement climatique à travers l’exemple du jean, un produit très polluant comme le montre une infographie. On remarque enfin que l’Etat reste très présent et joue en France un rôle décisif. 

Anciens et nouveaux espaces productifs

Le raisonnement se fait ensuite plus géographique en pointant les facteurs de localisation industrielle tout en remarquant que les théories de la localisation sont loin de tout expliquer rationnellement. Depuis les années 2000, on note un retour de certaines industries dans les espaces urbains, notamment sous la forme d’industrie 4.0. Le tour d’horizon se poursuit avec une approche des zones franches ou de l’industrie dans les espaces ruraux. 

Approches sectorielles

La dernière partie propose une entrée par secteurs avec tout d’abord l’industrie lourde aujourd’hui confrontée à des défis sociétaux, environnementaux et technologiques. L’entrée suivante est consacrée à l’automobile : en 2019, 91,7 millions de véhicules avaient été produits. La France n’est plus que le dixième producteur mondial alors qu’elle se situait au 4 ème rang en 2008. Indéniablement, le centre de gravité de la production automobile s’est déplacé vers l’Europe de l’Est et les pays émergents d’Asie. Quant au domaine pharmaceutique, le top-ten est dominé par six firmes américaines tandis que la Suisse en classe deux et la France et le Royaume-Uni chacun une. On lira aussi une entré sur le textile et l’habillement. 

Le tour d’horizon est donc très complet et, pour les abonnés, il faut mentionner les compléments numériques comme les pistes pédagogiques ou les vidéos avec les auteurs. Ils n’étaient pas encore disponibles au moment de ce compte-rendu. 

Jean-Pierre Costille