Les Cahiers de l’Ecole de Blois, publication annuelle de l’INSA Centre-Val-de-Loire (Institut National des Sciences Appliquées, dite « Ecole de la nature et du paysage »), ont pour thème dans leur numéro 17 « Pentes, reliefs, versants ». Le cadre choisi pour ces projets de paysages est la moyenne montagne, notamment à travers le constat des déprises agricoles et industrielles et leur conséquence sur les paysages actuels. Ce numéro rassemble des contributions d’enseignants de l’INSA, des travaux de fin d’études d’étudiants, mais aussi d’artistes (photographes, écrivains) et de métiers en lien avec le milieu abordé (guide de haute montagne). Cependant, l’angle d’étude est surtout celui du paysagiste, à savoir, des propositions d’aménagement des paysages de montagne, en s’appuyant plus particulièrement sur les coopérations existantes entre les habitants, leurs visions et leurs pratiques du territoire.

Ce numéro est composé de quinze articles. On pourrait distinguer parmi ceux-ci les écrits scientifiques (une étude sur l’architecture alpine de Bruno Taut par Susanne Stacher ou encore le rapport des Piémontais à la montagne, par Dino Genovese), les propositions de projets paysagers, réalisés par des étudiants (vallée d’Aspe, vallées de la Roya et de la Vermenagna, vallée de l’Ondaine et plateau de Millevaches), des entretiens (avec Claude Jaccoux, guide de haute montagne et Gentiane Désveaux, paysagiste et docteure en géographie), mais aussi des œuvres d’artistes (photographies de Samuel Hoppe dans les Alpes françaises et suisses et celles d’Eric Poitevin en Ecosse ; écrits de Colette Mazabrard sur sa marche dans les Pyrénées orientales).

Pour les géographes et enseignants, les articles les plus utiles sont ceux des projets des étudiants de fin de cycle. En effet, ceux-ci permettent de comprendre comment s’élaborent le travail des paysagistes, aujourd’hui transformés par cette volonté de discussion, tout au long de la conception du projet, avec les populations locales. Ceci renvoie aux cartes mentales et à la géographie du sensible, où le rapport au territoire de ses habitants est, depuis quelques années, un sujet d’étude et d’appui des géographes. De plus, les espaces choisis s’avèrent intéressants pour de possibles études de cas (« Les espaces du vide et leurs atouts » en 3ème) : très souvent, une explication du contexte historique, mais aussi socio-économique y est évoqué, qui permet de comprendre les enjeux du territoire et de mieux saisir les attentes auxquelles doit répondre le projet proposé.

La vraie valeur ajoutée de ce numéro réside dans la diversité des articles, ayant pour but de cerner l’objet d’étude complexe qu’est la moyenne montagne à travers des démarches, mais aussi des visions différentes de ces « pentes, reliefs, versants ». Les massifs montagnards abordés sont essentiellement français, ou limitrophes, comme les Alpes suisses et italiennes. On pourrait regretter que la seule Ecosse représente l’étude européenne de ces massifs : quid de projets paysagers sur les autres continents ? Par ailleurs, les projets de fin d’étude des étudiants paysagistes, s’ils sont des propositions argumentées et résultent d’un travail ingénieux, en collaboration avec la population locale, peuvent parfois sembler bien utopistes dans leur volonté de résoudre les problèmes actuels des moyennes montagnes françaises. En effet, les acteurs locaux impliqués ne sont certainement pas représentatifs de l’ensemble de la population locale, limite à une approche qui se veut participative. De plus, il est dommage de ne pas avoir d’articles mettant en avant un aménagement paysager déjà réalisé et en faire aujourd’hui le constat de sa pertinence, en évaluer les réussites mais aussi les échecs potentiels. Enfin, quelques changements de mise en page auraient facilité la lecture (l’article de Dino Genovese sur « De l’autre côté des Alpes » sans paragraphe de présentation du sujet d’étude, que l’on comprend seulement au fil de sa lecture) ou plus pertinente (l’article sur « l’architecture alpine de Bruno Staut », fort intéressant, où les folios imprimés ne correspondent pas aux folios cités par l’auteur).

Néanmoins, la nouvelle formule des Cahiers de l’Ecole de Blois est une réussite : outre l’ouvrage esthétique qu’il représente, les articles proposés interrogent le lecteur tout en lui donnant envie de prendre son sac et d’aller, lui aussi sur le terrain, étudier les paysages de ces territoires délaissés de moyennes montagnes.