Bernard Phan colonisation et décolonisation ( XVIè- XXème siècle), PUF collection licence histoire, 2009

Une collection qui offre de vastes synthèses

La collection Licence histoire des Presses universitaires de France regroupe des ouvrages qui ont pour vocation d’offrir à leur lecteur, étudiant ou non, de vastes synthèses ; c’est le cas de l’ouvrage de Bernard Phan comme des deux autres titres proposés l’Âge des dictatures de Y. Chapoutot et l’hégémonie soviétique de 1917 à 1991 d’ Y. Leclère.
L’éditeur propose des documents complémentaires sur le site  il s’agit de renvoyer au site internet de à la cité nationale de l’immigration ainsi qu’aux actes du colloque histoire et immigration : la question coloniale de septembre 2006.

L’auteur, professeur honoraire de première supérieure au lycée Henri IV à Paris, a déjà publié sur ce thème un ouvrage portant plus précisément sur la colonisation et la décolonisation de l’empire colonial français depuis le milieu du XIXè siècle, ouvrage de synthèse très utile mais à ce jour épuisé chez l’éditeur Armand Colin.
Ce nouvel ouvrage présenté en compte rendu a une envergure spatiale et chronologique beaucoup plus large puisqu’il s’agit de proposer au lecteur une vue d’ensemble des empires coloniaux entre le XVIè et le XXè siècle y compris le processus de décolonisation. Vaste synthèse de 245 pages seulement accompagnée de quelques cartes essentielles, d’un glossaire et d’une bibliographie qui intègre certains des ouvrages les plus récents. L’étudiant ou tout autre lecteur ne maîtrisant pas ces questions trouve ici les repères essentiels ainsi que les apports les plus récents de l’historiographie. En 245 pages inutile de préciser que le lecteur averti trouvera certains thèmes un peu trop rapidement survolés ! ; mais la bibliographie volontairement ciblée permet à tous ceux qui souhaitent approfondir un domaine particulier de se lancer dans la lecture d’autres ouvrages complémentaires.

Une approche chronologique et thématique complémentaires

L’intérêt de l’ouvrage est de proposer une double approche à la fois chronologique et thématique. Six grands chapitres installent le cadre gobal des conquêtes à l’origine de la constitution des premiers empires coloniaux jusqu’à ceux du XIXsiècle et de la seconde colonisation. La première colonisation est tout d’abord abordée en suivant pas à pas la construction des empires espagnols, hollandais, français, anglais etc. Les acteurs et les outils de la colonisation ne sont pas en reste. On trouve en quelques pages l’essentiel sur le système économique et social de la plantation, l’économie de la traite, le monde des esclaves. Le rôle des compagnies commerciales, compagnie des Indes Orientales hollandaise ou française permettent d’envisager les conditions du grand commerce colonial. Enfin, les rivalités entre grandes puissances à l’occasion de ces conquêtes coloniales complètent l’ensemble : les rivalités franco-anglaise lors de la guerre de sept ans et ses conséquences territoriales et commerciales avec le développement de l’interlope qui contourne pour les colonies françaises le système de l’exclusif, la guerre d’indépendance américaine. A l’intérieur de chaque chapitre un système d’encadrés offre au lecteur des zooms utiles et précis : chronologie, rôle de personnages importants, lois, mises au point diverses…

La période qui va de 1815 à 1850 traditionnellement présentée comme une pause dans l’expansion coloniale n’est pas négligée. Le chapitre qui lui est consacré permet de comprendre la chute des premiers empires coloniaux tout en montrant les voies nouvelles de l’expansion coloniale pour la France et l’Angleterre. Les premiers débats sur l’utilité des colonies, le rôle des congrégations religieuses missionnaires sont l’objet de pages essentielles.
Les chapitres consacrés à la seconde colonisation puis à la décolonisation embrassent en une centaine de pages une période très dense : l’essentiel est dit sur les conquêtes européennes, les facteurs qui poussent à l’expansion ; Là encore des encadrés donnent des renseignements sur quelques acteurs clés comme Lyautey ou quelques temps forts comme les discours de Ferry et Clémenceau, comme Fachoda. Le chapitre consacré à la seconde décolonisation démarre avec la Grande Guerre : la volonté de l’auteur est d’en montrer le « lent mûrissement » et de revenir à une chronologie longue du phénomène. Le processus est inscrit au cœur de la domination coloniale et trouve progressivement et inégalement un aboutissement. L’auteur termine sur un processus inachevé et se fonde sur l’exemple de la Nouvelle Calédonie : il pose la question d’une évolution originale pour éviter la décolonisation.

L’approche par thème complétée par un bilan historiographique et les débats en cours

Les deux derniers chapitres sont consacrés à des thèmes qui recouvrent les grandes problématiques de l’histoire coloniale : gérer les colonies, exploitation économique des colonies, la justification de la colonisation avec la « mission civilisatrice », la question des terres, la société coloniale. Ces approches sont autant de courtes synthèses qui font le point en intégrant les connaissances les plus récentes dans ces différents domaines. B. Phan mêle à la fois des données générales afin d’embrasser les exemples anglais, français, hollandais ou autre mais sait intégrer des exemples plus précis et révélateurs ; ainsi dans l’impact de la colonisation sur la démographie il pose le problème global du comptage des hommes dans les différents empires et au détour d’un paragraphe évoque Germaine Tillon qui rencontre dans l’Algérie des années 30 des populations qui n’avaient encore jamais vu le moindre européen !. Le lien est fait, quand cela est possible et pertinent, entre le premier et le second empire colonial ainsi le choc microbien auquel les populations d’Amérique sont confrontées au XVIè siècle est également à l’œuvre au XIXè siècle pour la population mélanésienne de Nouvelle Calédonie. Sur la question des terres Bernard Phan évoque les transformations du paysage rural et agricole suite à la prise de possession des terres par les colons européens tant dans le premier empire colonial avec l’impact de la plantation dans la division des terres que dans le second empire colonial avec l’exemple indien et l’introduction de la culture du thé par les anglais ou l’exemple français avec l’Algérie et les transformations de la Mitidja. Certes, les exemples développés par l’auteur donnent l’avantage à l’empire colonial français mais ce dernier s’en justifie dès l’introduction.

L’ouvrage se clôt sur le bilan et les controverses de l’épisode colonial ; c’est l’occasion de faire un point historiographique très rapide ; les questions socialement vives qui entourent le passé colonial sont pour certaines sommairement évoquées. On attendrait davantage que de courts paragraphes sur des sujets aussi vastes que les enjeux de mémoire mais la volonté synthétique impose ici sa loi.
L’ouvrage est à recommander à tous ceux qui doivent aborder le thème complexe de la colonisation dans un cadre chronologique étendu. Il offre, pour, ce faire une bonne intelligibilité des périodes et constitue un instrument de travail efficace et pertinent pour disposer des connaissances de base dans ce domaine.

Anne Inglebert © Clionautes