Les mémoires d’un officier dans l’armée anglo-indienne en Asie

L’ethnologue écossais Alexander W. McDonald s’est éteint en février 2018. Il laisse derrière lui une « autobiographie inachevée » (page 8) qui retrace son parcours de chercheur en Orient. Chercheur au CNRS à partir de 1951, Alexander McDonald était un spécialiste reconnu du Tibet, du Népal et de la Birmanie qui aimait le terrain.

A l’âge de 17 ans, suite à la visite d’un officier recruteur de l’Armée des Indes, Alexander McDonald s’engage et débute son entrainement en Inde. Doué pour les langues, qu’il apprend progressivement tout au long de sa carrière (anglais, français, ourdou, népali, tibétain), il combat l’avancée des troupes japonaises en Birmanie au sein des forces spéciales. A la fin de la guerre, riche de son expérience acquise sur le terrain auprès des populations locales, il poursuit des études d’ethnologie à Oxford puis prépare une thèse à Paris sous la direction de Claude Lévi-Strauss. Au milieu des années 1970, Alexander McDonald s’installe au Népal et devient professeur de sociologie à Kirtipur, dans le sud-est de l’agglomération de Katmandou.

Le manuscrit publié a été rédigé par l’auteur de 1996 à 1998. La Société d’Ethnologie de Nanterre s’est chargée de l’éditer et d’ajouter de très utiles notes de pages afin d’éclairer les faits et les allusions du texte original. Des photos en noir et blanc sont présentes dans les différents chapitres. Un cahier de photographies en couleur est présent à la fin de l’ouvrage.

Du combattant à l’enseignant-chercheur

De retour d’Oxford, mes ambitions se précisèrent. Je voulais devenir un ethnologue spécialiste des sociétés de l’Asie du Sud-Est. Il n’y avait en Angleterre aucune institution académique comparable à l’Ecole française d’Extrême-Orient. Les Français me paraissaient être les experts de cette partie du monde qui m’intéressait. Je restai à Oxford jusqu’à l’obtention de mon B.A in PPE (Bachelor of Arts en Philosophie, Politique et Economie). Pourvu de mes économies d’ancien combattant, je me rendis à Paris pour m’inscrire en licence ès Lettres à la Sorbonne. Promu commandant à 22 ans, j’avais eu peu d’occasions de dépenser ma solde Une fois installé à Paris, je « coupai les points ». Je renonçai à lire des journaux anglais, ne fréquentai plus que des Français et refusai systématiquement toute invitation à assister à des réunions d’anciens combattants, y compris à Paris.

Récit de vie – Du combattant de l’armée des Indes à l’ethnologue de l’Himalaya d’Alexander W. McDonald, Société d’Ethnologie de Nanterre, 2021, pages 83-84.

Alexander MacDonald devient l’un des « promoteurs de l’ethnologie himalayenne » à la suite de nombreuses missions sur le terrain, de traductions et d’enseignements. Parmi les nombreuses anecdotes disséminées au fil de l’ouvrage, il insiste sur sa rencontre avec un barde lors d’une mission en Inde. En 1958, il passe plusieurs semaines à Kalimpong (Bengale-Occidental en Inde) afin d’étudier les épopées tibétaines dans de vieux manuscrits. Des habitants viennent proposer aux tibétologues de leur vendre des ouvrages anciens. Dans ce cadre, Alexander MacDonald fait la connaissance de Tenzin Thrinley, un ancien moine originaire du Kham et recherché pour meurtre. Il s’avère que Thrinley connait par cœur des passages de l’épopée de Gesar, qui raconte l’histoire du Tibet dans l’une des plus longues poésies du monde datant du XIIIe siècle. Echangeant en langue népali, Alexander MacDonald enregistra le récit de Thrinley sur l’épopée de Gesar et les « contes du cadavre ». Les enregistrements sont toujours consultables à l’EPHE. Une édition critique des « contes du cadavre » sera publié à la fin des années 1960.

Le sommaire complet est lisible ci-dessous :

I. La guerre et la découverte de l’Asie (1940-1943)

II. La campagne de Birmanie contre les Japonais (1943-1944)

III. Engagé dans les « Forces spéciales » britanniques (1944-1946)

IV. Retour en Europe : études à Oxford et à Paris (1946-1958)

V. À la frontière indo-tibétaine : Kalimpong (Bengale-Occidental), 1958-1960

VI. Premières recherches au Népal (1961-1968)

VII. La création du Département de sociologie et d’ethnologie à l’université Tribhuvan de Katmandou (1972-1975)

VIII. Publications sur l’Himalaya (1978)

IX. Hong Kong et la découverte du Tibet chinois (1980-1981)

En résumé, « Récit de vie » est un texte vivant, particulièrement éclairant sur la vie professionnelle d’un ancien doctorant de Claude Levi-Strauss, devenu un éminent ethnologie franco-écossais, et sur les populations himalayennes.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes