L’indispensable collection « Mythes et réalités » propose un nouvel ouvrage consacré aux cultures à l’école. De nombreux ouvrages ont déjà été chroniqués sur le site parmi lesquels « Enseigner, ça s’apprend » ou encore «  Les élèves et la mémoire ».

Cultures : de quoi parle-t-on ?

Derrière ce thème de cultures, il y a les voyages scolaires, les correspondances avec des établissements étrangers ou encore des activités autour des cultures des pays. Depuis 2021, l’Education nationale a lancé, dans le cadre d’un plan pour agir contre le racisme et l’antisémitisme, un vaste programme autour de quatre idées : inscription de ces thématiques dans les contenus d’enseignement, promotion d’activités éducatives, mise en place de coopérations avec des partenaires et formation des personnels. L’objectif déclaré des autrices est de « poser quelques grandes questions qu’implique l’utilisation du concept de culture à l’école ». La culture est souvent présentée de manière idyllique mais elle a un redoutable revers qui est celui d’enfermer les élèves dans des identités figées. Chaque mythe est abordé à travers une présentation en trois volets pour connaitre, comprendre et agir. Des références permettent d’aller plus loin en fin d’ouvrage.

S’ouvrir à toutes les cultures, c’est ça être tolérant

L’idée selon laquelle l’ouverture aux cultures facilite la préparation des élèves à développer des liens sociaux repose sur des conceptions que la recherche doit interroger. Il faut se méfier d’une vision folklorisante de la culture. C’est ce que l’on appelle l’essentialisme. L’article évoque l’exemple de l’assistant de langue à l’école qui peut être un « ambassadeur culturel décevant mais intéressant ». Il faut aussi bien mesurer que chacun peut à la fois présenter des dispositions à la tolérance et aux préjugés dans ses discours.

Avec Diego on apprend le vrai espagnol

Avant, la diversité linguistique était considérée comme un obstacle alors qu’aujourd’hui cela est plutôt un attendu. De multiples termes sont employés : langue maternelle, familiale, première, seconde de scolarisation. On risque d’assigner l’élève à une identité. Une piste pédagogique intéressante peut être l’autobiographie langagière et culturelle. L’élève est invité ici à réfléchir aux langues, contextes de leur utilisation. C’est un outil qui met les élèves sur un pied d’égalité car tout le monde a une histoire à raconter. On peut montrer aux élèves qu’on manipule tous au moins trois langues : langue parlée à l’école, à la maison et avec les amis.

Pour nous comprendre, comparons nos cultures

Lorsque l’on parle d’étudier des cultures à l’école, l’approche classique consiste à opérer par comparaison. Comparer les cultures à l’école induit des trompe l’œil et des hiérarchies qui faussent la découverte des cultures étudiées en les simplifiant. L’article s’arrête ensuite sur un exemple concret, celui de la valisette franco-allemande en maternelle ou sur le programme « Ethnokids » qui invite les élèves plus grands à devenir des anthropologues du quotidien et de l’ordinaire. Comparer les cultures peut être un projet pertinent si l’on envisage de déplacer le centre d’intérêt et d’étudier les ressorts de l’activité de comparaison.

Avoir des stéréotypes, c’est mal !

Le stéréotype est à la fois un objet anodin, utile, qui est ensuite devenu à dénoncer pour être aujourd’hui réhabilité. Le stéréotype a une fonction utile pour traiter l’information mais il est aussi souvent réducteur. Ainsi, un élève allophone se voit automatiquement attribuer tout un tas de références. Parmi les exemples d’outils pédagogiques concrets présentés, il y a celui sur l’exposition « Nous et les autres, des préjugés au racisme », exposition présentée en 2017 à Paris.

Il faut voyager pour comprendre les cultures  

11 % des élèves de collège et lycée sont déjà partis en mobilité à l’étranger. Derrière l’évidence que le voyage serait positif, il faut peut-être aller plus loin. L’utilisation d’un journal de bord réflexif adapté aux élèves peut favoriser avec l’accompagnement de l’enseignant une attitude décentrée et plus compréhensive des cultures.

Utiliser le numérique en classe permet de s’ouvrir au monde entier

Il y a une illusion à croire qu’Internet pourrait nous ouvrir magiquement sur le monde entier. En effet, sur Internet l’élève est souvent figuré comme le représentant d’une culture plutôt que comme un être humain qui possède de multiples représentations sur ses cultures et celles des autres. Les autrices s’arrêtent sur le cas du dispositif eTwinning et évoquent aussi le dispositif des jeux sérieux. Une étude montre que l’empathie est plus importante dans le jeu sérieux que dans toute autre forme de média.

Fêter les cultures différentes est un vrai travail d’inclusion

Il y a un mythe qui consiste à penser que mettre en avant les différences culturelles des élèves par l’organisation de festivités favoriserait le respect d’autrui. Ce qui est terrible ici, c’est que les enseignants peuvent le faire en toute bonne foi. On peut citer comme alternative le cas de la « China Box » utilisée au Danemark qui propose une vision dynamique sur la culture chinoise par l’intermédiaire d’objets.

Diversité rime avec égalité

Il est frappant de voir que la diversité, promue dans les années 90 comme une richesse, est aujourd’hui vue par certains comme un danger. Le mythe qui consiste à associer diversité et égalité met l’enseignant face à un défi basé sur une triple injonction : prenez en compte la diversité, fabriquez du commun et soyez plus efficace. Les autrices se penchent sur le cas de la diversité dans la littérature jeunesse aux Etats-Unis.

En conclusion, les autrices reviennent sur plusieurs éléments clés. Elles insistent d’abord sur la force de certains mythes : l’enseignant doit aussi s’interroger sur ses propres représentations. Chacun des huit mythes examinés est ensuite rapidement résumé en quelques lignes. C’est donc un ouvrage très clair et important que proposent Véronique Lemoine-Bresson et Virginie Trémion, d’autant que, sur ce type de sujet, c’est parfois avec les meilleures intentions du monde que des enseignants peuvent être amenés à fossiliser les élèves dans un rôle, un statut.