Actes d’un colloque d’archéologie consacré aux nouvelles problématiques de la romanisation de la Gaule.

Une colonisation positive : telle a longtemps été l’image tenue pour acquise de la conquête des Gaules par Rome. Elle aurait été le modeste écot payé par «nos ancêtres les Gaulois, ces barbares (…) buveurs, insouciants et gais» (dixit Ernest Lavisse) pour accéder aux douceurs de la civilisation latine. Durant des siècles, la certitude lavissienne d’une colonisation brutale mais bienfaisante a ainsi régné sans partage sur l’historiographie de la période.

Cependant, depuis une vingtaine d’années, cette lecture du passé connaît une révision majeure, notamment du fait des nombreux acquis de la recherche archéologique, qui ont permis de réévaluer la richesse et la complexité de la civilisation gauloise et l’ancienneté de ses relations avec la sphère romaine. Le concept établi de « romanisation » s’en trouve largement bousculé, voire récusé. C’est un état des lieux de cette mutation historiographie que présente dans cet ouvrage la publication des actes d’un colloque organisé au Louvre en septembre 2007 par l’Inrap.

 

Universitaires, archéologues et chercheurs au CNRS y dressent un panorama précis des acquis récents de la recherche de terrain en particulier, Inrap oblige, ceux de l’archéologie préventive. Les dix-sept communications présentées sont introduites par une claire réflexion historiographique et méthodologique formulée par Christian Goudineau.

Les contributions se partagent en deux catégories. Une série de monographies locales ou régionales permet tour à tour de prendre connaissance du rapport de fouille du sanctuaire de Tintignac, de découvrir la courte destinée d’une ville romaine éphémère établie en Germanie, de parcourir le bottin de l’urbanisation helvète et de suivre l’évolution des pratiques funéraires romaines dans le centre et le sud-est de la Gaule. Jean-Yves Breuil dessine l’essor de l’urbanisation de Nîmes depuis les fondements de la ville gauloise jusqu’à l’épanouissement de la cité romaine. Françoise Dumasy dépeint l’organisation de l’espace biturige au début de l’ère gallo-romaine. Wim De Clercq analyse la romanisation des campagnes chez les Ménapiens. Fermes et villas en Narbonnaise et pratiques funéraires romaines dans le centre et le sud-est de la Gaule font également l’objet d’une présentation.

Embrassant un schéma plus large, une seconde série de contributions élabore des synthèses globales. L’état de l’urbanisation en Gaule avant la conquête, la circulation du vin italien en Gaule, l’économie agraire en Gaule septentrionale, l’occupation militaire de César à Tibère, la place des villa dans la campagne gallo-romaine et l’organisation administrative et religieuse de la Gaule conquise font ainsi l’objet de mises au point précises. Frédéric Trément mesure l’impact de la romanisation sur le développement des campagnes et les mutations agricoles. Jean-Pierre Brun dépeint l’expansion de la viticulture et de l’oléiculture en Gaule à la suite de la conquête romaine. En s’appuyant sur les déductions de la carpologie, Véronique Zech-Matterne étudie quant à elle les mutations de la fructiculture.

Nourri par une méthodologie scientifique solide et étayé par un appareil graphique consistant (même si certaines cartes peuvent souffrir d’un petit manque de lisibilité), le tableau ainsi dressé confirme la désacralisation de l’idéologie romanisante, tout en nuançant la condamnation trop radicale de ce concept. Il incite à revisiter le sens de la romanisation en empruntant les sentiers d’une acculturation complexe et de longue durée, initiée bien en amont de la conquête césarienne. Son apport le plus essentiel et novateur est de mettre largement en évidence la fertilité des résultats de l’archéologie rurale, longtemps restée le parent pauvre des grands chantiers de fouille. Parmi mille aperçus féconds, elle oblige aussi à prendre acte, malgré les appétits prêtés à Obélix, du désintérêt presque absolu des véritables Gaulois pour la chasse au sanglier…

© Guillaume Lévêque