Points de vue sur la planète
Le point fort du livre est incontestablement cet éventail de situations. Alan Weisman choisit de raconter les situations comme autant de reportages. Le livre comprend quelques photographies. A travers un premier cas, il pose quatre questions qui articulent tout le livre : combien d’êtres humains notre planète peut-elle contenir ? Existe-t-il un moyen pacifiquement et moralement acceptable de limiter la population ? Quelle diversité l’écosystème terrestre doit-il conserver pour permettre à l’espèce humaine de se maintenir ? Quel modèle économique en fonction de tous les autres paramètres ? Il faut souligner que l’auteur procède par des images parfois fortes et des rapprochements que certains pourront trouver audacieux ou gênants. Ainsi, si le paludisme est éradiqué, cela fera de nouveaux adultes à nourrir. Alan Weisman lie donc toute recherche sur le paludisme à l’obligation d’investir dans la planification familiale !
Un monde plein à craquer
Alan Weisman croit en un point ferme : il y a un chiffre limite de population, et nous y aboutirons, soit volontairement, soit à la suite de famines et de chaos. Dans le chapitre 3, l’auteur retrace à grands traits l’évolution de la population mondiale en distinguant les explications qui permettent de comprendre une telle accélération. Les pages 56 et 57 pourront servir dans le cadre du chapitre introductif de seconde en histoire (à retrouver en documents annexes). Il donne aussi quelques exemples de la façon dont les hommes ont trouvé des moyens pour augmenter la production agricole. On trouvera là des informations sur la Révolution verte et ses promoteurs. Alan Weisman cherche à montrer qu’on est engagé dans une course illimitée. A travers plusieurs cas, il montre la diversité des situations avec Porto-Rico ou le Costa Rica. A partir du chapitre 5, il se consacre davantage à la deuxième question, c’est-à-dire qu’il examine par exemple la position des religions face à la natalité. La population des Philippines, très majoritairement catholique, est passée de 18 à 100 millions entre 1946 et aujourd’hui donc la population du pays a augmenté plus vite que le rythme mondial. Cela permet à l’auteur de montrer les impacts et les variétés de situations autour de l’idée de contrôle de la natalité.
Le cas chinois
Alan Weisman consacre le chapitre 7 au cas chinois. A travers son enquête, il donne à comprendre la politique de l’enfant unique. Vingt deux exceptions juridiques permettaient à 35 % des familles d’avoir au moins deux enfants. Les chiffres de la Chine en général sont déjà très préoccupants : elle compte au moins 150 villes de plus de un million d’habitants et d’ici à 2025, il y en aura 220. En 2012, la Chine augmente d’un million d’habitants toutes les sept semaines. Il développe aussi plusieurs arguments pour expliquer que la Chine sera vieille avant d’être riche. Alan Weisman présente plusieurs réalisations en cours comme le travail mené sur les terres pentues. Trente millions de Chinois ont reçu de l’argent pour quitter les régions montagneuses. Ensuite, leurs terres ont été replantées avec des arbres et des herbes « dans l’espoir de renverser le cours du temps pour revenir en 1950, lorsque la Chine était encore couverte de forêts ». L’idée est que les conséquences de la colonisation de ces terres par les hommes étaient plus graves que le bénéfice escompté. En effet, en 1997, une sécheresse se révéla d’autant plus grave que les arbres qui auraient pu retenir l’eau dans la terre n’existaient plus.
Japon et Inde : des problématiques opposées
A l’inverse de la population jeune et nombreuse de nombreux pays évoqués, Alan Weisman choisit ensuite de consacrer un chapitre à un cas inverse puisqu’au Japon, le nombre de personnes âgées est très nombreux. C’est une façon de s’interroger globalement sur la place des seniors dans la société, mais aussi de réfléchir si la mesure de l’économie doit toujours être la croissance, sachant que certains pays voient leur population diminuer et donc certains indicateurs baisser mécaniquement comme l’immobilier. On découvre Riba II premier robot au monde capable de prendre une personne âgée dans ses bras. Il lui faut une minute trente pour saisir le patient alité et l’asseoir. L’objectif est de descendre sous la minute. Alan Weisman évoque l’autre côté de la démographie avec ces jeunes femmes qui ne souhaitent pas avoir d’enfant ou alors un seul. L’auteur rappelle quelques chiffres comme le fait qu’il vient en Inde un bébé toutes les deux secondes. Cela fait plus de 43 000 par jour et 15 millions par an. Il consacre également un aspect de son développement sur l’Inde à Mumbaï. Comme à chaque fois, Alan Weisman entre par le reportage à travers la figure de Rukmini, jeune femme venue de Calcutta et qui est venue élever ses enfants à Mumbai et y reprendre la gérance d’un commerce un peu particulier puisqu’il s’agit d’une « maison de plaisir ».
Les chapitres 15 et 16, ainsi que l’épilogue, sont comme des conclusions à ce tour du monde. Alan Weisman revient d’abord sur la question des ressources puis sur le nombre d’humains « acceptable ». Il reprécise bien en conclusion qu’il ne souhaite malheur à personne mais selon lui la question du nombre doit être prise en main. Ce vaste panorama pourra parfois dérouter par la diversité des thèmes traités, mais en cherchant à tous les embrasser, Alan Weisman est cohérent avec son objectif d’appréhender le monde. Un des avantages de ce livre est de proposer des focus sur des pays ce qui s’avère très utile pour les cours. Chacun y pourra puiser de nombreux exemples d’autant que le livre dispose également d’un index très pratique.
© Jean-Pierre Costille, Clionautes