A la fois historien et économiste lyonnais, spécialisé dans l’émergence des pensées socialistes en France au XIXe siècle, Ludovic Frobert se lance ici dans la rédaction d’un roman historique aux éditions Libel. Celui-ci couvre le parcours d’une famille très célèbre dans le cadre des mouvements socialistes : les Raspail. Devenu familier au cours de ses études, Ludovic Frobert est parvenu peu à peu à retracer le parcours des différents membres de ce clan de révolutionnaires, parfois même à l’heure près lors des grandes actions politiques de ce siècle tumultueux.
Fort de ces connaissances, et en empruntant au style romanesque, Ludovic Frobert mène une exercice littéraire réussi pour le plaisir d’un plus large public que celui habitué des études historiques universitaires. Adoptant le point de vue de Benjamin Raspail narrant les aventures de toute sa famille, notamment les actions de son illustre père François Raspail ; depuis ses premiers faits d’armes dans les révolutions de 1830 et 1848 jusqu’à la fin de ce siècle ; l’auteur nous livre les joies, les doutes, les désillusions et les drames d’une famille entièrement dévouée à la cause populaire, se plaçant volontiers du côté des « vaincus et surtout des souffrants » (page 20).
Le parcours d’un grand socialiste
Le point de départ de ce roman historique est la dramatique mort de Marie Raspail en 1876 de la tuberculose. Elle avait suivi et épaulé son père dans tous ses combats à la suite de la mort de sa mère lors d’un des séjours de François en prison. Celle qui fut la soeur et la fille martyr de la cause offre la porte d’entrée sur le parcours familial. Un parcours alternant entre les époques, les scènes intimistes relevant d’une forme « fiction inspirée » et les grandes étapes politiques reposant sur les archives contemporaines, mais qui se cristallise essentiellement sur les années 1869 et 1870.
Ce parcours, qui débute par la victoire de François Raspail, déjà vieux combattant politique, aux élections législatives de 1869 dans la ville de Lyon, est un véritable plaisir littéraire et historique. Maniant élégamment la plume, Ludovic Frobert parvient à nous plonger intensément dans les batailles politiques, idéologiques et personnelles de la fin du Second Empire et de la toute jeune Troisième République. La force de caractère du patriarche de la famille Raspail, œuvrant à la défense de son idéal, parfois bien seul, dès les premiers jours de son mandat parlementaire (contre les malversations du pouvoir impérial dans de très nombreuses circonscriptions électorales), et apportant son soutien aux mouvements ouvriers locaux (grande grève ovaliste de Lyon en 1869) s’impose à mesure que les pages s’égrainent.
Conspué par les bancs de la droite mais ostracisé bien souvent par ses camarades politiques, François Raspail poursuit son combat pour un idéal auquel il aura sacrifié sa vie et une partie de sa famille. Cependant les attaques politiques et personnelles n’auront point raison de lui. Ainsi réélu en 1876 député, doyen de l’Assemblée, celui-ci aura l’insigne honneur de présider la cérémonie d’ouverture des débats parlementaires et de mener un dernier combat qui ne sera pas remporter de son vivant : l’amnistie des communards.
Aussi, comme le texte de cette chronique le laisse deviner, nous avons particulièrement apprécié le roman de Ludovic Frobert. Nous ne saurions que chaudement recommander la lecture de celui-ci à toutes celles et ceux passionnés par le XIXème siècle ou simplement curieux de découvrir ou redécouvrir, sous un angle nouveau, le parcours de ces grands socialistes français.