Né en 1927, Maurice Sauzet est un architecte et penseur français à l’origine de l’Architecture naturelle trajective (ANT), inspirée de l’architecture japonaise et méditerranéenne et qui tisse des liens étroits entre le dedans et le dehors, entre l’homme et son milieu. Maurice Sauzet a écrit de nombreux ouvrages à ce sujet depuis 1996 (Entre dedans et dehors : l’architecture naturelle), souvent en collaboration avec la philosophe Chris Younès ou le géographe Augustin Berque qui ont rédigé, respectivement, la préface et la post-face de ce présent ouvrage.

            Habiter. Entre nature et émotion peut se décomposer en trois chapitres. Dans le premier, Maurice Sauzet revient sur le concept d’architecture naturelle trajective en répondant à 25 questions et accompagnant son propos de plusieurs exemples. Dans les deux chapitres suivant, l’auteur propose deux exercices pratiques à partir de deux exemples l’un consistant en une création ex-nihilo et l’autre en une rénovation d’une maison ancienne (Aix-en-Provence).

            « L’architecture naturelle trajective (ANT) exprime la recherche d’un espace vécu dans l’éclatant éveil de la conscience de l’être au monde. Elle a une double origine. Sa dimension théorique est celle de la philosophie phénoménologique. Celle de la primauté accordée à la conscience immédiate du vécu de l’être. Sa dimension d’éveil, matérialisée dans l’espace architectural, est empruntée au Japon ancien qui […] a distillé des formes architecturales subtiles ouvrant à ressentir l’éveil au monde. » (p.11)

            Maurice Sauzet confie que sa propre théorie architecturale lui a été inspirée, dans les années 1970, par les écrits de Chris Younès et d’Augustin Berque, notamment par la lecture de Vivre l’espace au Japon (1982). Ses lectures furent le début d’une collaboration avec ces deux théoriciens de la trajection et de l’architecture naturelle.

            L’ANT prend ses distances par rapport aux bases du Mouvement moderne lancé par Le Corbusier et la Charte d’Athènes. L’ANT nie le fait que la beauté architecturale existe en soi, sans être liée aux conditions d’observation. L’ANT lie la beauté architecturale à l’environnement avec lequel elle doit entrer en une sorte d’harmonie. L’ANT ouvre l’architecture au sensoriel, à l’irrationnel des émotions. Elle touche à la fois à la nature compris comme l’environnement de l’être humain mais également à la nature intrinsèque de tout être humain.

            L’ANT, en se référant à l’architecture japonaise ancienne, se fixe huit « prises d’atteintes corporelles » : le parcours qui règle temps et espace dans la maison ; la perte de repères (rupture avec la routine d’un parcours rituel dans la maison) ; l’action corporelle ou kinesthésique (contraintes imposées au physique : lever la jambe, baisser la tête…) ; le cadrage des vues ; le dedans-dehors ; les contre-espaces (ces pièces de l’habitation qui sont conçues pour intégrer la partie extérieure qui la prolonge) ; les vues voilées et l’effacement des limites.

            Les deux exemples qui suivent cette première partie théorique suivent un même canevas qui est présentée comme étant la méthodologie appliquée par Maurice Sauzet. Cette méthodologie est composée de deux phases : d’abord, une évaluation usuelle des fonctions, de la construction et de l’intégration de la maison au site ; ensuite, la recherche en chaque lieu du projet d’un motif d’éveil d’émotions. Lors de la première phase, l’équipe évalue la position la plus favorable dans les limites du terrain donné, l’orientation climatique la plus favorable, les vues paysagères à choisir ou à éviter, la voie d’accès la plus pratique. Lors de la seconde phase, l’architecte propose des phases de « trajection » le long d’un itinéraire basique dans la maison. Ces phases de « trajection » correspondent à des ouvertures sensorielles le long de l’itinéraire dans la maison. Par exemple, à l’arrivée dans la propriété, lorsque l’on descend de voiture, quelle est la vue et les sensations qui seront proposées au visiteur ou au résident ? Même chose à son entrée dans la demeure, puis à l’intérieur, à l’extérieur ?

            L’ouvrage publié par les éditions Parenthèses est extrêmement clair et pédagogique. Il permet pleinement de pénétrer dans l’univers de Maurice Sauzet, architecte original aux méthodes intéressantes.