Les cartes disent-elles toujours la vérité ? Pourquoi le Sud n’est-il pas en haut des cartes ? C’est à ce type de questions que tente de répondre Jean Leveugle dans cet atlas composé de 100 cartes impertinentes et drôles, voire absurdes.

Jean Leveugle est géographe et auteur de bandes dessinées. Diplômé de l’Ecole normale supérieure de Paris et ancien élève de l’école Estienne, il travaille à la croisée des sciences sociales et des arts graphiques pour la création de bandes dessinées de vulgarisation scientifique. Dans ce cadre, il collabore à plusieurs reprises avec des collectivités locales, des associations, des bureaux d’études, des revues, des centres de documentation et des instituts ou des laboratoires de recherche. Fin 2019, il ouvre le studio des Savoirs Ambulants, une structure entièrement dédiée à la médiation des savoirs par l’illustration et la bande dessinée. Il prépare actuellement une bande dessinée sur l’histoire de la cartographie.

Dans son avant-propos, Jean Leveugle part du constat que les cartes « représentent le monde, mais elles ne sont pas le monde ». En effet, les cartes ont des fonctions principalement descriptives. Mais, cette description se fait par une série d’éléments graphiques qui reposent sur des conventions et suite à une série de choix (et donc de renoncements…). Il se propose donc, à travers cet atlas, de nous aider à construire de façon humoristique  » un regard aiguisé et critique sur un objet souvent présenté comme neutre, objectif et tout à fait intuitif ».

Pour ce faire, l’auteur a divisé son ouvrage en cinq chapitres thématiques, reprenant chacun un aspect de la construction cartographique.

Le premier chapitre traite des projections en partant du principe que cette tentative de mise à plat du globe opérée de différentes manières est toujours imparfaite. Le deuxième chapitre est consacré à la question de l’échelle en réfléchissant sur les différents usages qui sont faits de cette dernière en cartographie. Le troisième porte sur le choix des couleurs et de leur influence sur la compréhension d’une carte. La quatrième partie s’intéresse à la matière première de toute carte, à savoir les données mobilisées pour la réaliser, aussi bien dans leur nature que dans leur représentation. Il termine son atlas en proposant une réflexion sur la question des courbes de niveaux et de la représentation des reliefs en général.

Mon avis

Voilà un livre qui ne se prend pas au sérieux mais qui réussit à traiter de sujets scientifiques de façon claire et problématisée. Jean Leveugle choisit la preuve par l’image pour tenter de répondre à des questionnements qu’on a tous eu (et que nos élèves aussi) quand il s’agit d’analyser une carte et/ou de réaliser un croquis. Pour cela, il s’inspire de cartes déjà existantes ou qu’il invente en poussant parfois le raisonnement à l’extrême de l’absurdité (comme celle de la répartition géographique de chacun des Etats des Etats-Unis ou celle intitulée « Confinement et Covid-19 : où puis-je me rendre dans un rayon de 30 km ? »).

Pour asseoir son argumentation, Jean Leveugle utilise avec beaucoup d’à-propos l’humour dans les commentaires des croquis (par exemple, note de l’auteur sous une carte polycopiée par une enseignante « L’auteur propose le lancement d’une pétition pour l’interdiction de la distribution de polycopiés noir et blanc par les enseignants d’histoire géographie, responsables d’un nombre incommensurable de traumatismes géographiques chez les élèves du secondaire »). Dans la même idée, il propose des intermèdes entre chaque partie avec un dessin formant un jeu de mots autour des cartes. Mais, derrière cet humour, l’auteur pose de vraies questions autour de la partialité des cartes. Ainsi, il consacre une page aux différentes couleurs utilisées pour représenter le vote Front national en s’interrogeant sur le sens donné à la gamme chromatique choisie.

En conclusion, cet atlas me semble très indiqué pour le laisser traîner en classe à disposition des élèves qui auraient terminé leur travail. Ils pourraient ainsi le feuilleter et le déguster à leur guise et, sans forcément tout comprendre, la vue de certaines cartes pourrait les amuser (j’imagine leur tête devant la projection de Ruppets par exemple) et/ou les amener à se questionner sur leur rapport aux cartes (ce qui fait aussi partie de notre métier…).