Cette histoire du Japon, de Robert CalvetIl est professeur certifié et docteur en histoire. Il est également ATER en histoire moderne à l’Université de la Rochelle. comporte cinq grandes parties : « Aux origines du japon (jusqu’au début du VIIIe siècle) », « La domination du pays par l’aristocratie de cour (VIIIe-milieu XIIe siècle) », « L’époque des luttes entre les clans (milieu XIIe siècle-début XVIIe siècle) », « L’unification du pays sous un nouveau shôgunat (XVIIe-XVIIIe siècle) » et « Le Japon moderne, première grande puissance non occidentale ».
Les origines du Japon
Cette première partie débute par un propos liminaire évoquant les origines du peuplement du Japon lié probablement à plusieurs vagues de peuplement, à différentes époques, depuis le continent et la topographie de l’archipel japonais, constitué de quatre grandes îles principales (Hokkaidô, Honshû, Shikoku et Kyûshû) et de plus de 6500 « petites » îles.
Le premier chapitre (« Le Japon préhistorique ») s’ouvre sur la culture Jômon (10500-400 avant notre ère). De cette longue période, l’auteur évoque les habitats, les rites funéraires et les artefacts (ornements corporels, ornements de chevelure,armes et surtout céramiques). L’auteur écrit (p.15) que « le signe le plus marquant de la période Jômon, qui a permis sa périodisation, reste la céramique à décor de cordes enroulées ».
La culture Yayoi (400 avant notre ère-250 ap. J.-C.), mise en évidence par le docteur Arisaka Shôzô, supplante la culture Jômon.
La culture Yayoi est marquée par l’influence chinoise. Durant cette période, la riziculture irriguée est pratiquée et les villages se développent. C’est aussi durant cette période qu’a lieu un début d’unification d’une partie du Japon avec la reine Himiko, au début du IIIe siècle.
Le chapitre se conclue sur le kofun, ou époque des grandes sépultures (250-600 ap.J.-C.), période marquée par des relations avec les Trois Royaumes coréens. Cette époque correspond à une phase d’unification du pays par la cour du Yamato et elle se caractérise par l’érection de très vastes tumuli dont le plus monumental est celui de l’empereur Nintoku (l’ensemble funéraire mesure 486 mètres de long).
Le second chapitre (« L’âge des réformes-538-710 ») débute avec l’époque Asuka (538-645) et l’introduction du bouddhisme au Japon (en 538 ou en 552). Celle-ci ne se fait pas sans heurts, tant pour des raisons politiques que religieuses. Parmi les personnages marquants de cette période, on compte le prince Shôtoku (574-522), régent de l’impératrice Suiko. Il déploie une activité diplomatique avec la Chine, fait compiler des chroniques dans l’intention d’écrire le premier livre d’histoire du Japon, divise la noblesse de cour en un système de douze rangs et fait rédiger une constitution de dix-sept articles (dans laquelle figure, entre autres, un rappel régulier de la nécessité de l’harmonie au sein d’un groupe). Il introduit également le papier dans l’archipel, prend des mesures d’assistances sociales, développe des travaux d’irrigation et travaille à l’expansion du bouddhisme.
A la suite d’une révolution de palais, fomentée en 645 par le prince Ôe Nakano et par Nakatomi Kamatari, s’engage un puissant mouvement de réformes. Un gouvernement centralisé et absolu est mis en place, la terre devient possession de l’État et « un recensement de la population permet de redistribuer la terre nationalisée à tous les individus mâles au-dessus d’un certain âge, en fonction du nombre de personnes de leur famille (p.34) ». Le droit de cultiver est assorti d’un impôt correspondant à environ 3 % de la récolte. Le pays connaît également une réforme administrative de grande ampleur, le développement de codes juridiques et d’une bureaucratie impériale spécialisée. La période voit aussi la création de la première capitale permanente affirmée du Japon : Fujiwara-kyô ensuite remplacée par Heijô-kyô.
Le Moyen-âge japonais
La deuxième partie de l’ouvrage débute par un chapitre consacrée « à l’époque de Nara (chapitre 3 : Forte centralisation à l’époque de Nara-710-784 ») ».
La nouvelle capitale du Japon est alors Heijô-kyô (« capitale-château de la paix »). Pendant 75 ans, la ville est le siège du gouvernement. Elle forme un un rectangle de 4,3 sur 4,8 km. Elle abrite une zone palatiale, des marchés, des résidences aristocratiques, des quartiers populaires des bureaux et des magasins.
Le bouddhisme connaît une très forte expansion durant cette période (construction, entre autres, du temple Tôdai) et un véritable syncrétisme se développe entre cette religion et la religion autochtone du Japon, le shintô.
Enfin sont rédigés, durant cette période, la Chronique des choses anciennes (Kojiki) et les Chroniques du Japon (Nihon shoki), compilations de récits mythologiques et historiques voulues par le pouvoir central « dans le but d’augmenter le prestige extérieur du Japon (p.54) ».
Le quatrième chapitre (« Les débuts de la période Heian-794-858 ») évoque tout d’abord la nouvelle capitale, Heian-kyô, l’actuelle Kyoto. Son nom, littéralement, signifie « la capitale de la paix ». Parmi les empereurs régnants, l’auteur évoque Saga, souverain à l’origine de la création d’une force de police, le kebiishi et surtout de la loi Kônin-kyaku qui va interdire de tuer les animaux et abolir la peine de mort (818).
Les sectes bouddhiques se multiplient, avec le bouddhisme Tendai (le moine Saichô en est le fondateur. Elle délivre un message universaliste) et le bouddhisme Shingon (nom qui signifie « monde véritable ». Son fondateur est le moine Kûkai).
Le cinquième chapitre est consacré à l’emprise sur le pouvoir de la famille Fujiwara (« l’époque de l’emprise des Fujiwara sur la vie politique-858-1086 ») et sur les turpitudes politiques attenantes. La partie relative à l’émergence d’une culture nouvelle durant la période est des plus intéressantes.L’auteur écrit (page 72) que « c’est au IXe siècle que furent inventés les kana, idéogrammes stylisés devenus porteurs d’un sens uniquement phonétique. A partir des années 820 fleurit le kana-majiri, mélange de kana et de caractères chinois, qui caractérise encore de nos jours la langue nippone ». La littérature se développe avec notamment la rédaction d’Ôkagami (« le grand miroir ») qui est un récit « historique » présentant les vies de quatorze empereurs et de vingt ministres, et surtout avec le genre romanesque et la rédaction du Genji monogatari, longue saga écrite au début du XIe siècle et consacrée aux deux tiers à l’histoire du Prince Genji.Enfin, sur le plan religieux, la période est marquée par le développement du culte du Bouddha Amida.
Le sixième et dernier chapitre de la deuxième partie (« Début des difficultés sous les Fujiwara-1086-1156 ») fait tout d’abord état du développement du domaine seigneurial (shôen). Le clan des Fujiwara va être affaibli par la pratique de l’insei (ou « gouvernement par empereur retiré ») initié par l’empereur Go-Sanjô. Cette pratique met un terme au très large pouvoir de la puissante famille des Fujiwara mais n’apporte aune solution au creusement du fossé entre les provinces et le pouvoir exercé dans la capitale. En effet, la période voit l’émergence du pouvoir de clans militaires provinciaux.
Clans militaires, bouddhisme, développement artistique du Japon
La troisième partie s’ouvre sur un chapitre (chapitre 7 : « L’émergence des clans militaires provinciaux et les guerres civiles ») relatif à l’émergence des clans militaires, les Taira et les Minamoto et sur les guerres civiles qui en découlent. Après les guerres de Genpei se met en place un nouveau pouvoir : le bakufu (littéralement le « gouvernement de la tente ») que l’on qualifie souvent en français de shôgunat. Son fondateur est Minamoto Yoritomo. En 1232 est édicté le Jôei Shikimoku qui est un code législatif nouveau. Robert Calvet (p.97) écrit qu’il s’agit de « la première forme écrite et codifiée des règles de fonctionnement du bakufu ».
Le chapitre suivant (chapitre huit : « La société de Kamakura ») évoque, entre autres, le développement du courant bouddhiste Zen, qui « offre le salut individuel et se fonde sur le concept de décadence historique (p.99) ». L’auteur offre un bilan sociétal et économique de la période et il évoque également les œuvres littéraires comme celle du moine Jien, rédacteur du Gukanshô (« Mes vues sur l’histoire ») considéré comme « un des premiers livres d’histoire » ou encore les Katarimono (« choses dites ») qui sont « des récits rédigés en langage populaire par des moines ou des aristocrates dans le but de vulgariser les doctrines bouddhiques (p.111) » .
Le chapitre neuf (« Les causes du déclin du shôgunat ») évoque les tentatives infructueuses des invasions mongoles en 1274 et en 1281 ainsi que les conséquences de ces expéditions dans l’archipel. Robert Calvet écrit (p.118) qu’ « il est indiscutable que les guerres mongoles ont permis au bakufu de renforcer son contrôle sur le Kyûshû, mais (que) les signes des difficultés à venir ternissent la victoire ».
Les chapitres dix et onze sont consacrés au shôgunat des Ashikaga et au développement artistique lié à cette période (chapitre 10 : « un nouveau shôgunat à Kyoto : Muromachi-1336-1467 » et chapitre 11 : « l’éclat culturel de Muromachi jette les bases d’une sensibilité artistique originale »). Le shôgun Yoshimitsu apparaît comme la grande figure politique de cette période. Il consolide le bakufu de Muromachi, parvient à renforcer le pouvoir central et met un terme à la piraterie japonaise. Il va également élaborer un nouvel art de vivre depuis sa résidence du Pavillon d’Or. La période voit un développement du théâtre Nô mais également de l’art des jardins.
Le dernier chapitre de cette troisième partie (« Reprise des guerres civiles dans une société en pleine évolution-1467-1573 ») évoque les guerres d’Ônin, à l’issue desquelles Kyôto est ravagée et la situation politique totalement bouleversée. Robert Calvet (p.147) écrit que « l’époque des luttes entre les différents pouvoirs qui émergent au lendemain des guerres d’Ônin est appelée par les Japonais Sengoku (Royaumes combattants), par analogie avec une période analogue dans l’histoire de la Chine ». Enfin en 1543, pour la première fois, des européens accostent dans l’archipel. Les européens introduiront au Japon les mousquets, les horloges mécaniques et le christianisme.
L’unification sous un nouveau shôgunat
Le chapitre 13,« Artisans de l’unification et shôgun Tokugawa » évoque les figures d’Oda Nobunaga et de Toyotomi Hideyoshi. En 1582, Nobunaga est le maître de l’ensemble du Japon central et il s’apprête à assurer sa domination vers l’ouest lorsqu’il est assassiné. A sa suite, Hideyoshi termine l’unification du pays et contrôle l’ensemble du territoire en 1590.Il va également tisser des liens avec les européens. Tokugawa Ieyasu va fonder, à son tour, un nouveau bakufu. Sous son influence et celle de ses successeurs, entre 1570 et 1630, le Japon va connaître une véritable révolution économique. Le bakufu commande désormais totalement l’économie du pays.
Le chapitre 14 traite de « la mise en place du nouveau régime », la société connaît une stricte séparation entre quatre classes sociales, fondée sur la division confucéenne de la société : guerriers, paysans, artisans et marchands. A part, on trouve l’aristocratie ancienne et le clergé. Robert Calvet écrit que « le néo-confucianisme constitue le ciment de l’ordre social du bakufu
Le chapitre 15 concerne « les instruments du contrôle sur le pays » (page 179) ». L’auteur précise encore que « le néo-confucianisme japonais apparaît en fin de compte plus pratique et moins philosophique que son homologue chinois. Plus que la recherche de la compréhension d’un ordre cosmique, ce sont les problèmes concrets de la société japonaise et les moyens de les résoudre qui sont analysés (p.182) ». En dehors du néo-confucianisme se développe la doctrine du bushidô dans laquelle « le samurai (…) apparaît comme un modèle d’honneur et de fidélité inspiré par le Zen et dans une moindre mesure le taoïsme (p.182) ». Le shôgunat exerce avec une dureté extrême son autorité sur le peuple : recours massif à la peine capitale, vagabondage puni avec rigueur, surveillance des villes et des auberges… Enfin le Japon se renferme sur lui-même : l’émigration est interdite en 1636 tout comme le retour vers le Japon de ceux qui s’étaient installés à l’étranger ; les persécutions religieuses sont nombreuses et concernent notamment les chrétiens.
Dans son chapitre 16 , « La stabilité du bakuhan, moteur d’un bouleversement économique et culturel », l’auteur évoque la situation économique de la période, le développement du réseau routier, l’explosion urbaine et l’importance d’Edo qui, a la fin du XVIIIe siècle, dépasse le million d’habitants, « ce qui en fait la plus grande ville du monde à l’époque (p.196) » ou encore les productions artistiques : les auteurs Ihara Saikaku et le poète Matsuo Bashô ou encore les genres théâtraux bunraku (théâtre de marionnettes géantes) ou kabuki (joué par de vrais acteurs). L’éducation est également mentionnée avec notamment des écoles de temples qui assurent la tâche d’éduquer les roturiers filles et garçons et qui portent le nom de Tenarai-sho (« écoles où l’on apprend à écrire »).
Les chapitres 17 et 18 sont consacrés à l’essoufflement et à la fin du bakufu (chapitre 17 : « l’essoufflement du système aux XVIIIe et XIXe siècles » et chapitre 18 : « les prémices de grands changements »). En 1716, le bakufu limite la politique de fermeture du pays mais la situation sociale du pays reste complexe. Robert Calvet note (p.212) que « la contradiction est flagrante entre l’idéologie officielle néo-confucianiste méprisant les marchands et la réalité visible aux yeux de tous de l’enrichissement spectaculaire de nombre d’entre eux, alors que la plupart des samurai sont couverts de dettes ». Dans le monde rural, la tension devient de plus en plus forte et les révoltes paysannes sont nombreuses. Sur le plan intellectuel, on voit se développer le kokugaku (« Études nationales ») et un auteur comme Motoori Norinaga, qui se rattache à ce mouvement, fonde, par ses réflexions et ses essais, le nationalisme japonais. Sur le plan scientifique, la médecine chinoise est abandonnée au profit de la médecine occidentale dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Sur le plan technologique, la première importation massive venant d’occident est celle des hauts-fourneaux, l’objectif visé étant de fabriquer des canons d’acier. Sur le plan politique, en 1868, a lieu le Meiji ishin et la cour impériale vient s’installer à Edo, rebaptisé de son actuel nom de Tokyo (qui signifie « capitale de l’est »). Le dernier shôgun va se retirer à Mito.
La période contemporaine
La dernière partie de l’ouvrage s’intéresse à la période contemporaine et débute sur un chapitre, le dix-neuvième, intitulé « la première modernisation japonaise, de Meiji à la fin des années 1920 ». Robert Calvet (p.229) écrit que « l’interprétation de ce bouleversement politique connu en japonais sous le nom de Meiji ishin, expression délicate à traduire en français, mais contenant la notion de nouveauté et de regroupement, a donné lieu à des interprétations contradictoires. Le terme ishin, qui n’est appliqué qu’à cet événement, ne traduit ni une révolution, sinon sur le plan idéologique, ni véritablement une restauration, bien que les pouvoirs traditionnels de l’empereur l’aient été, et se retrouvent même renforcés. Mais le nouvel empereur est loin d’être absolu, plutôt à la tête d’un pouvoir de type collégial ». Une réorganisation complète du pays a lieu en 1868 avec notamment le Serment des cinq articles. En 1869, quatre classes sociales sont définies (noblesse, anciens samurai ; guerriers de rangs inférieur ; « gens du commun »). En 1871, l’égalité devant la loi est affirmée, tout comme celle devant l’impôt en 1873. En 1882, un nouveau code pénal est adopté. L’éducation devient obligatoire en 1871 et l’université impériale de Tokyo est créée en 1877. Sur le plan économique, on voit émerger des zaibatsu (ou « cliques financières ». On notera à titre d’anecdote que Mitsubishi est fondé par un samurai reconverti) qui ont des activités très diversifiées : exploitations minières, entreprises industrielles, chantiers de construction navale… L’auteur souligne que de la mise en place de la Constitution (1889) jusqu’à la fin des années 1920, l’économie japonaise s’emballe. Le Japon, en 1930, est même le premier exportateur mondial de textile. Le Parti de la liberté, premier parti politique japonais, est fondé en 1881, bientôt suivi du Parti de la réforme et du progrès puis du parti gouvernemental Teisei-tô (« Parti de la politique impériale »). Le 11 février 1889, une charte (plus qu’une constitution) est promulguée. Le chef de l’État est l’empereur, disposant d’un droit de veto, de sanction des lois, de convocation de la diète et de dissolution de la chambre des Représentants. Le parlement se compose de deux chambres : une chambre des Pairs et une chambre des Représentants (seuls les hommes de plus de 25 ans acquittant au minimum 15 yens d’impôts peuvent voter, soit 6 % de la population masculine). En 1901 apparaît le Parti social-démocrate, aussitôt interdit. En 1922, c’est au tour du parti communiste japonais d’être fondé. Enfin, en 1925, le suffrage masculin est universel. Sur le plan extérieur, le Japon remporte la guerre russo-japonaise (1904-1905) et annexe la Corée en 1910.
Le chapitre suivant couvre la période allant de 1929 à 1952 (chapitre 20 : « le rêve et l’échec d’un Japon maître de l’Asie-1929-1952 »). Il débute par la montée du militarisme japonais entre 1929 et 1937. En 1932 a lieu la guerre contre la Chine. La même année, l’extrême-droite japonaise commet une série d’assassinats. La situation politique est extrêmement tendue. Le militarisme connaît une très forte montée et les partis de gauche sont largement divisés. Ce n’est qu’en juillet 1937 que le Japon déclare officiellement la guerre à la Chine. Le Japon occupe la Birmanie et l’Indochine. Après des succès militaires, l’armée japonaise connaît ses premières défaites (Midway en 1942, Guadalcanal d’août 1942 à février 1943). Le Japon connaît les bombardements américains et Nagoya, Osaka et Tokyo sont rasées. Les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki provoquent la reddition du Japon sans conditions. Pendant la guerre, Robert Calvet écrit (p.256) que « l’obéissance à l’empereur et l’embrigadement atteignent des extrêmes délirants, dont l’épisode des kamikaze est le summum : mourir pour l’empereur permet d’accéder au rang d’esprit divinisé du shintô ». Les crimes de guerre de l’armée japonaise sont effroyables : massacre de Nankin, « marche à la mort » du général japonais Homma, expériences sur des cobayes humains (l’unité 731), décès de plus de deux millions de travailleurs forcés Coréens dans les usines et les mines japonaises, femmes coréennes et chinoises condamnées à la prostitution (200 000 filles)… En 1945, Le Japon se retrouve sous occupation américaine. En 1949 est créé le MITI (ministère de l’industrie et du commerce extérieur) « qui permet aux technocrates de capter le pouvoir de décision économique (p.262) ». Le 28 avril 1952, après six ans et huit mois, l’occupation américaine cesse.
Les chapitres 21 à 24 traitent du Japon entre 1952 et le début du vingt-et-unième siècle (chapitre 21 : « le redressement et le « miracle » japonais-1952-1960 ; chapitre 22 : « l’âge d’or sous la haute croissance dans les années 1960 » ; chapitre 23 : « une bonne gestion des crises, à partir de 1972 » ; chapitre 24 : « du ralentissement au blocage dans les années 1990 »). Sur le plan politique, l’auteur relève « la position absolument exceptionnelle occupée par le parti conservateur (le PLD) à la tête du pays, qui détient un pouvoir quasiment sans partage de 1947 à 1993 et reste malgré son affaiblissement aujourd’hui encore le parti politique le plus puissant (p.315) ». Sur le plan économique, entre 1959 et 1961, le Japon connaît une croissance économique de 12 % et entre 1965 et 1970, elle est encore plus impressionnante. En 1970, le Japon est devenu le premier producteur mondial de radios, machines à coudre, télévisions, appareil photos, navires ou moteurs. L’auteur note que « les années de la crise pétrolière, et plus généralement la décennie 1970, permettent au Japon de s’assurer un quasi-monopole sur les produits à haute valeur technologique, qui place tous les pays occidentaux dans une situation de dépendance, et jusqu’à l’industrie américaine de l’armement (p.299) ». A la fin des années 90, les difficultés économiques sont toutefois patentes et l’auteur mentionne que « le PIB par habitant passe de 40940 dollars en 1996 à 36000 dollars en 1998 (p.316) ». Le Japon, avec le premier ministre Murayama et ce que l’on a appelé les «accords oraux (taidan) » de 1995 avec la Corée, reconnaît, pour la première fois, son rôle pendant la seconde guerre mondiale, assortie d’excuses officielles. L’auteur indique toutefois que le révisionnisme, et la négation des crimes de guerre, reste une réalité et une donnée inquiétante au sein d’ une partie de la société japonaise.
Les trois derniers chapitres traitent de l’histoire japonaise en ce début de vingt-et-unième siècle (chapitre 25 : « sortie de crise mais des incertitudes pour l’avenir ; chapitre 26 : « une nouvelle période de grande instabilité-2006-2012 » et chapitre 27 : « le Japon renoue avec la stabilité-2012-2021 »). Sur le plan politique, la période est marquée par les mandatures de Shinzô Abe, premier ministre du Japon entre 2006 et 2007 puis entre 2012 et 2020. En octobre 2019, un nouvel empereur est couronné, Naruhito et il est le premier empereur à avoir obtenu un diplôme universitaire (un diplôme en histoire). Sur le plan économique, le Japon a connu une croissance de 3,2 % en 2005 mais au niveau sociétal, l’auteur note que les inégalités se sont fortement accrues avec des emplois à temps partiel qui représentent désormais un tiers des emplois, notamment chez les jeunes. L’accident nucléaire de Fukushima est évidemment évoqué. Deuxième plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire après Tchernobyl, elle provoque un vaste rejet de ce type d’énergie au sein de la population japonaise juste après le désastre. La centrale devra être démantelée sur une durée initialement évaluée à quarante ans. Le Japon est devenu une véritable référence culturelle mondiale avec l’extraordinaire succès des mangas ou de la cuisine japonaise par exemple. A titre d’anecdote, à propos des mangas, l’auteur indique que « les mangas les plus connus au Japon ne sont pas forcément les plus commercialisés à l’étranger ; ainsi le manga le plus lucratif de tous les temps (plus de 300 millions d’exemplaires vendus) est One Piece, qui raconte les aventures de pirates à la recherche d’un trésor et il est peu connu hors du Japon (p.364-365) ». On se permettra de souligner qu’en France, il est largement apprécié !
La somme réalisée par Robert Calvet est extrêmement impressionnante. Les textes sélectionnés par l’auteur sont pertinents (et nombreux sont ceux traduits de sa main), tout comme les illustrations qui émaillent le propos. Un ouvrage essentiel pour qui souhaite aborder l’histoire du Japon ou alimenter une séquence en lien avec l’archipel.
Grégoire Masson