L’électeur n’est plus ce qu’il était ! L’électeur nouveau est arrivé : celui qui se décide au dernier moment, celui qui passe les programmes des candidats au banc d’essai, compare, discute de la pertinence du vote « utile » face au vote « de cœur ». La multiplication des sondages d’opinion, qui participent par leur commentaire, au ballet routinier de la campagne, cherchent à tracer le portrait de cet électeur volage. Mais ce ne sont pas les seuls moyens mis en œuvre pour comprendre cet électeur. De nouvelles disciplines se sont emparées du sujet : psychologie sociale, sciences cognitives, économie, sociologie…
Ainsi, on sait que « on ne vote jamais seul. La famille, premier lieu de formation au politique, aiguillonne fermement notre cheminement idéologique, tout au long de notre vie ». André Siegfried, dans le « Tableau politique de la France de l’Ouest » (1913) déjà, mettait en relation la localisation géographique et le vote. « Tout ce qui est sur le calcaire appartient à la gauche, tout ce qui est sur le granit, à la droite. » Accusée de déterministe, sa vision trouve des échos aujourd’hui dans les travaux des sociologues qui analysent le vote à l’aune de la place de l’électeur dans la société et les valeurs dans lesquelles il se retrouve. Au-delà de cette analyse cartésienne demeure « la part de l’imaginaire, de pulsions et d’émotions primaires qui peuvent s’immiscer, en dernière instance, dans l’isoloir. » C’est à cette part que s’intéresse P. Braud, politiste français. Les moins de 35 ans sont ceux qui pratiquent le plus le zapping électoral.
Le dossier décrypte ainsi, au fil des articles, le comportement électoral des uns et des autres. Il s’achève par le texte de Michael C. Behrent qui soulève le vote paradoxal des pauvres : « Pourquoi les pauvres votent-ils contre les intérêts » à partir du cas des Etats-Unis. Le succès des manifestations d’activistes du Tea Party, y compris parmi les pauvres, s’expliquerait par le fait que « des politiques de redistribution risqueraient de donner un coup de pouce aux moins infortunés qu’eux. La redistribution, en somme, menace leur statut d’ « avant derniers ».

Beaucoup de grains à moudre dans ce dossier, sans compter les rubriques habituelles qui rendent compte de l’actualité éditoriale et viennent compléter notre travail de veille éditoriale à la Cliothèque. Un numéro stimulant, comme de coutume.

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes