« Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle. On pourra persécuter et faire mourir cette poussière ! Mais je défie qu’on m’arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux. » Saint-Just
Poursuivant les publications sur les grands personnages de l’Histoire dans la collection «Ils ont fait l’Histoire », les éditions Glénat et Fayard font paraître en cette fin d’année 2022 la bande dessinée revenant sur le parcours de celui que Michelet appelait « l’archange de la Révolution » : Louis-Antoine de Saint-Just.
La vie de Saint-Just ne cesse de fasciner les historiens depuis deux siècles, et l’on constate que l’actualité éditoriale tend à le remettre sur le devant de la scène. Il faut dire que le parcours du jeune député fut aussi bref qu’intense : Saint-Just ne passera « que » deux ans sur les bancs de la Convention. Mais ces deux années suffirent à marquer durablement les esprits de ses contemporains et de la postérité. Une image de roc indomptable, fanatique pour les uns et homme de principes pour les autres. La bande dessinée entend traiter les facettes les plus connues et controversées du personnage dans un exercice complexe et difficile : résumer, en quelques dizaines de pages, le foisonnement des actes, pensées et projets menés seul ou de concert avec ses collègues de la Montagne.
La bande dessinée s’ouvre sur la grande victoire française de Fleurus qui donne le ton et pose la question centrale de l’oeuvre : Saint-Just et Robespierre ont-ils été tentés par la dictature ? Les auteurs, pour éclairer au mieux la problématique soulevée dans les premières planches, multiplieront les allers-retours chronologiques pour marquer les grandes étapes de l’ascension du jeune républicain. De ses premiers enthousiasmes à l’annonce de la prise de la Bastille à la prise de commandement de la délégation de la garde nationale de Blérancourt lors de la fête de la fédération, de son élection comme député en 1792 à la faveur de la chute de la monarchie aux premiers discours enflammés et remarqués sur la nécessaire mise à mort de Louis XVI qui doit « régner ou mourir »Simsolo, Malatini, Tulard, Saint-Just, Glénat et Fayard, Collection Ils ont fait l’Histoire, 56 pages, 2022, page 13, de son action énergique sur le front contre les armées coalisées aux luttes contre les factions ennemies (girondins) et rivales (hébertistes et indulgents), rien n’est ignoré ou mis sous le boisseau.
La complexité du personnage est certes abordée de manière que d’aucun jugerait comme brève mais l’exercice oblige. Ce choix difficile est néanmoins une réussite : l’image qui transparaît est celle d’un Saint-Just, certes violent et brutal mais qui entend tenir un chemin de crête qu’il juge salvateur pour le pays : punir à la fois les faibles et corrompus (Danton et Desmoulins) mais aussi les enragés (Hébert). Devant pareille ascension la chute ne pouvait qu’être plus brutale. Les chaudes journées thermidoriennes mettront à mort les projets de Saint-Just et Robespierre.
L’album est clôturé par un dossier scientifique revenant en détail sur la vie de Saint-Just, son parcours, les sentences de ses contemporains à son endroit et sur les choix qui ont présidé à la réalisation de cette bande dessinée. La démarche, sérieuse et rigoureuse sur le plan scientifique, offre un index biographique et des références bibliographiques pour celles et ceux souhaitant en apprendre davantage sur le jeune montagnard.
Une bande dessinées qui peut constituer un achat de choix pour les CDI afin de compléter, notamment, le programme de 4ème sur la Révolution qui ne fait que très peu référence aux grandes figures de la période.