Vingt années de l’histoire de la rive sud du Saint-Laurent, 1763-1783. S’il est généralement admis que les Canadiens-français ont soutenu l’empire britannique et défendant Québec face à l’armée des Treize Colonies, comment les habitants de la Côte-du-SudDéfinie dans un encart p. 14 : « Située à l’est de la seigneurie de Lauzon, la Côte-du-Sud compte alors environ 12 000 habitants soit environ 1/6 de la population de la province de Québec) répartis dans 14 paroisses : Beaumont, Saint-Charles, Saint-Michel, Saint-Vallier, Berthier (Berthier-sur-Mer), Saint-François et Saint-Pierre-du-Sud, Saint-Thomas (Montmagny), Cap-Saint-Ignace, L’Islet, Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Roch, Sainte-Anne (La Pocatière), Rivière-Ouelle et Kamouraska. » – Sur la colonisation de cette petite région, on pourra se reporter à Les filles du Roy pionnières des seigneuries de la Côte-du-Sud, Société d’histoire des Filles du Roy, Québec, Éditions du Septentrion, 2022 et L’année des anglais – La Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête, Gaston Deschênes, Québec, Éditions du Septentrion, 2021 ont-ils manifesté leur soutien aux « Bostonnais » ?

Les événements de 1775-1776 et leurs suites

Après le Traité de Paris, en 1763, la province de Québec fait partie de l’empire britannique, la défaite est récente et on peut penser que la nouvelle de la révolte des colonies américaines trouvait un écho de sympathie, voire un espoir de revanche.

L’auteur montre les causes de la révolte des Treize Colonies : refus des taxes destinées à compenser les lourdes pertes financières de la guerre de Sept AnsAu Canada plus connue sous le nom de la « guerre de la Conquête ». C’est la création du « Boston Tea Party » en décembre 1773. D’autre part l’Acte de Québec (1774) qui rétablit l’usage du droit civil français, le maintien du régime seigneurial, l’exercice du culte catholique et qui place le bassin des Grands Lacs dans la province du Québec mécontente les colonies du Sud. Les représentants des Treize Colonies, réunis à Philadelphie, tente de convaincre les Canadiens que le texte les prive de leurs droits démocratiques. Ils les invitent à se constituer en quatorzième colonie ou à défait de rester neutre dans le conflit qui les oppose à la couronne britannique. Les autorités britanniques obtiennent le soutien de la hiérarchie catholique qui n’est pas toujours écoutée, malgré le zèle des curés à prêcher l’obéissance et la loyauté et à refuser les sacrements aux rebelles. Le recrutement de la milice canadiennAbolie après la conquête, est rétablie en mai 1775 s’avère difficile, en particulier sur la Côte-du-sud . Une assemblée « séditieuse » se réunit à la Pointe-Lévy d’après le journal de François Baby. On assiste sur la Côte-du-sud a une véritable mobilisation des sympathisants rebelles. L’auteur montre un soutien timide des seigneurs de la région aux autorités britanniques.

Le 4 septembre 1775, un premier corps d’armée américain pénètre en territoire canadien : siège du Fort Saint-Jean, puis prise de Montréal et de Trois-Rivières. L’auteur relate le début du siège et la bataille de Québec : Arnold et sa troupe, diminuée par un trajet difficileCarte du parcours des troupes d’Arnold vers Québec, reproduction d’un document du The New York Public Library Digital Collections – p. 41, est accueillie par les rebelles et le 8 novembre s’installe à Pointe-Lévy. Pressés par l’hiver, Montgomery et Arnold attaquent la ville le 31 novembre, c’est un échec. Il est difficile de savoir sur des habitants de la Côte-du-sud ont participé à la bataille.

Les troupes d’Arnold mettent le siège de Québec depuis la Pointe-Lévy. Les habitants de la Côte-du-Sud ont apporté des vivres aux assiégeants. Certains participent activement comme Pierre Ayotte, de Kamouraska, et Clément Gosselin, de Sainte-Anne, notamment en soutenant le recrutement de volontaires pour la cause américaine environ 130 Canadiens en 1776. Cependant, une portion de la population reste fidèle à la couronne britannique et ravitaille la ville assiégée comme le meunier de Saint-Vallier, Jean-Baptiste Chasseur ou Louis Liénard de Beaujeu qui dirige même une expédition loyaliste au printemps (bataille de Saint-Pierre, le 25 mars 1776). Après la défaite des Bostonnais, l’auteur évoque les échanges de prisonniers entre les deux camps.

Des sanctions touchent les miliciens de la Côte-du-sud considérés comme mauvais sujets et l’évêque interdit à certains de faire leurs pâques et prononce même quelques excommunications.

Entre mai 1776 et mai 1778, le gouverneur du Canada fait venir des mercenaires allemands, au total 30 000 mercenaires pour défendre la colonie. Ils contribuent à repousser les Bostonnais hors frontières et participent à la bataille de Saratoga. Logés chez l’habitant non sans incidents, ils espionnent et aggravent la situation de pauvreté des campagnes québécoises.

Les soldats de la Révolution

Dans cette seconde partie, l’auteur retrace le parcours de quelques-uns de ces Canadiens-français qui ont rejoint les rangs des insurgés américains.

À partir des archives américaines, il reconstitue en détail le parcours du clan Gosselin : Clément, son frère Louis et son beau-père Germain Dionne.

Clément, menuisier devenu soldat, a retenu l’attention des historiens, il fut un leader des rebelles canadiens jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance. Après la bataille de Saratoga en octobre 1777, il devient un espion de George Washington auprès des habitants de Lotbinière pour connaître les effectifs des troupes loyalistes et l’état de l’opinion québécoise. C’est aussi l’occasion d’une brève évocation de l’engagement du marquis de La Fayette.

A la fin du conflit, Gosselin est admis, avec son frère et son beau-père, à la Société des Cincinnati, la plus ancienne organisation patriotique des États-Unis. Pourtant la situation économique des anciens combattants, réfugiésAu camp de Fishkill, à environ 95 km au nord de la ville de New York. dans l’État de New-York, est mauvaise malgré le soutien du Congrès. Quelques anciens combattants, dont la famille Gosselin, sont allés s’établir sur la rive ouest du lac Champlain. En mai 1784, la législature de New York prévoit l’octroi de terresDans la partie nord de l’État, des lots de 80 et 420 acres. à ses anciens combattants et aux réfugiés.

L’auteur précise le devenir de Clément Gosselin, remariages et de nombreux enfants avant un bref retour au Canada au début du XIXe siècle. Il meurt à Beekmantown le 9 mars 1816.

Le second portrait est celui de Pierre Ayotte. Né à Kamouraska en 1735, trappeur, il s’engage dès 1775 aux côtés des Américains. En janvier 1776, il est capitaine dans les troupes de Jeremiah Duggan. On le suit dans ses missions de recrutement de volontaires, de réquisitions de vivres. Il est pris par les loyalistes au moment où les Bostonnais lèvent le siège de Québec. Libéré, il fuit aux Etats-Unis. En 1784, il est à New York où il cherche à faire valoir les services rendus. Après plusieurs réclamations, il a obtenu une terre dans la région de Champlain où il meurt en 1814.

Le caporal Michel Arbour est lui aussi un soldat rebelle né à Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud en 1755. D’après sa demande de pension, il aurait participé aux batailles de Saratoga, White Plains, Horseneck, Brandywine et Yorktown. Après la guerre, Michel Arbour reside aux États-Unis. Il obtient deux lots dans la Canadian and Nova Scotia Refugees Tract. De retour au Canada et bien que soumis au refus de sacrements imposé à ceux qui n’ont pas fait allégeance au roi d’Angleterre, il se marie en 1793. En juin 1822, il réclame, pourtant, une pension devant la Court of Common Pleas, à Norridgewock, dans le Maine.

Les frères Julien et Noël Bélanger, fils du seigneur de L’Islet, se sont se sont enrôlés dans le

2e Canadian Regiment dirigé par Moses Hazen, le 1er décembre 1776. L’auteur retrace leur participation depuis le siège de Québec jusqu’à leur installation comme réfugiés à Albany.

Le cas de Joseph Labbé est un peu différent. Il est engagé dans la troupe loyaliste, au printemps 1776. Jeune marié, il est fait prisonnier à Saratogo par les Bostonnais, il rejoint leur rang quelques jours plus tard. On le retrouve dans la compagnie du capitaine Clément Gosselin en 1781 jusqu’à la fin de la guerre. Il est démobilisé en juin 1783. L’auteur narre un retour au Canada, plutôt mouvementé, car sa jeune épouse ne l’a pas attendu. Ce récit montre le souci du détail qui caractérise le travail, de recherche de l’auteur.

Il traite ensuite de quatre soldats du Kamouraska : Duplessis, Chrétien, Chamard et Lévesque et de trois autres rebelles sudcôtois : Basile Nadeau, Louis Lizotte et Augustin Isabelle qui sont connus pour avoir demandé une pension. L’auteur présente le dossier militaire de Charles Cloutier et les incertitudes concernant un réfugié du lac Champlain : John Baptiste St. Pierre et quelques autres : Nadeau, Voisin, Boutin et Lavoie. Enfin, François Sentier fut-il royaliste ou rebelle ?

 

Conclusion

Si globalement les Canadiens-français sont restés fidèles à la couronne britannique, il semble sur la Côte-du-sud, d’après la principale source, le journal de Baby, les Sudcôtois aient soutenu très majoritairement les rebelles. Le rapport de l’enquête Baby-Taschereau-Williams, fait état, dans la région de Québec, d’une volonté de neutralité. L’auteur constate que ces anciens combattants de la cause américaine sont aujourd’hui oubliés.