Paru le 19 juin, cet ouvrage rassemble les actes d’un colloque qui s’est déroulé en octobre 2006. Il rassemble les communications de très nombreux auteurs, spécialistes de ce ce vaste sujet paradoxalement assez mal connu. Les biographies du général sont nombreuses mais il manquait des analyses sur la formation même de la pensée gaulliste pendant ces années de guerre. On pourrait d’ailleurs déjà contester l’appellation de chef de guerre dans la mesure où la France libre n’a pas eu la main sur la conduite des opérations militaires. Tenu dans l’ignorance des débarquements d’Afrique du Nord et de Normandie, de Gaulle a réussi, paradoxalement sans doute sans être un chef de guerre de plein attribut à l’être de fait.
Les communications des différents auteurs portent sur des points très précis de l’histoire de la seconde guerre mondiale mais surtout sur des aspects parfois méconnus de la geste gaullienne. Philippe Oulmont par exemple traite des hauts lieux du général en citant les différents espaces, les résidences où de Gaulle a su ancrer sa relation particulière avec les français. Un processus intime sans doute analogue à celui qui animait François Miterrand à la roche de Solutré. Mais dans le cas de la geste gaullienne, Philippe Oulmont évoque des lieux exaltés, pouvait-il avec de Gaulle en être autrement ?
Les différents communications sont classées dans trois parties qui composent ce volume de plus de 600 pages.
Construire l’État, Rassembler, combattre, rénover et retrouver le rang.
Rendre compte de la richesse de toutes les recherches qui ont été effectuées par les différents intervenants est donc particulièrement difficile et le lecteur pourra, selon ses centres d’intérêts, retrouver dans ces communication des informations récentes faisant le point sur l’état de la recherche qui est loin d’être close sur le sujet.
De gaulle, chef de guerre, c’est par exemple, pour André Martel qui fut mon président d’université et qui m’a fait découvrir l’histoire militaire et les relations internationales à l’Université Paul Valéry au milieu des années soixante dix, la création d’un outil militaire et diplomatique. mais l’auteur explique surtout avec bonheur que c’est d’abord l’instrument politique qui prévaut. de ce point de vue la part attachée à la guerre de l’ombre, une guerre asymétrique avant l’heure, reste fondamentale.
De cette guerre de l’ombre on passe ainsi à la guerre des ondes, avec les articles de Jean-François Muracciole et d’Aurélie Luneau, consacrés aux discours de guerre du général de Gaulle et à l’arme radiophonique.
Une fois de plus, c’est l’action politique qui prévaut comme le démontre Sébastien Albertelli dans son article sur le contrôle politique du BCRA, les services secrets de la France libre. On retrouve d’ailleurs cette utilisation des services, ( on les appelés les barbouzes à certaines époques) pendant la guerre d’Algérie et pendant la Ve République.
À propos des services secrets, on pourra également découvrir sous la plume de Robert Belot «le général de Gaulle et le gaullisme vus par les services spéciaux américains», bien des aspects qui fondent aussi les relations franco-américaines dont on sait qu’elles ont été tumultueuses à partir de 1958. Les services américains connaissaient mal la France, ils ont fait pendant un temps le choix du Général Giraud comme le montre Johanna Barasz dans «l’hypothèque giraudiste» et surtout, ils ont longtemps reproché aux britanniques de surestimer l’audience de la France libre.
Rares sont les aspects même les moins connus qui ne sont pas abordés dans les actes de ce colloque. Ces travaux donnent une idée du vaste chantier que la Fondation Charles de Gaulle a ouvert il y a déjà longtemps et qui permet de faire du fondateur de la Ve République un personnage particulier dans ses relations avec l’histoire de France et aussi avec les français.
On trouvera aussi dans cet ouvrages quelques anecdotes sur le gaullisme, une expression que de Gaulle rejetait même s’il a fini par l’adopter.
Au final, l’impression qui ressort de la lecture de ces différentes communications est bien celle que l’on a déjà retrouvée dans l’ouvrage de Bernard Lachaise (Dir). Du général de Gaulle à Jacques Chirac. Le gaullisme et les Français. Collection histoire de notre temps. CRDP Aquitaine. 2006. http://www.clionautes.org/?p=1979. Le gaullisme, en temps de paix comme en temps de guerre, dans l’exil comme dans la France retrouvée, est avant tout un pragmatisme politique qui relève de différents courants de pensées qui ont à la fois traversé l’histoire personnelle d’un homme et une histoire dans laquelle il a été un acteur.
Bruno Modica © Clionautes