Voici un livre hommage : une anthologie consacrée aux textes d’André Corboz, historien de l’art et plus spécifiquement de l’architecture et de l’urbanisme. A l’initiative de Lucie K. Mousset, 17 textes de l’auteur ont été colligés. Ils sont accompagnés d’un entretien de Corboz mené par Thierry Paquot en 2001 et d’un texte de Paola Vigano paru en Italie en 1998. Ce volume a été publié à l’occasion de la remise à André Corboz d’un doctorat Honoris Causa de l’Université du Québec de Montréal en 2009.

Le parcours d’André Corboz est intéressant en lui-même. L’interview menée par Thierry Paquot permet de découvrir l’auteur (disponible sur le site de l’institut d’urbanisme de Paris : http://urbanisme.u-pec.fr/documentation/paroles/andre-corboz-64972.kjsp ). Peu connu en France, il bénéficie d’une certaine renommée en Italie, Suisse et au Québec. Né à la fin des années 1920, juriste de formation, il devient professeur d’histoire à la faculté d’aménagement de l’université de Montréal après avoir publier de nombreux articles dans la presse locale genevoise sur le sujet, suite à la découverte des travaux de Zévi (En apprenant à voir). En 1980, il devient professeur d’histoire de l’urbanisme à l’école polytechnique fédérale de Zurich. André Corboz est une référence importante pour les spécialistes d’histoire urbaine, mais aussi pour les architectes de paysage, les urbanistes, les historiens et les critiques d’art. Il travaille à la fois sur la ville contemporaine et sur l’histoire urbaine.

Pour lui, le modèle urbain est dominant. Il utilise pour cela le concept d’hyperville pour désigner un espace à dominante urbaine où peuvent être intégrés des espaces agricoles. Il voit la Suisse comme une seule hyperville. Il met à bas la vision médiévale d’une ville située à l’intérieur des murailles et où la campagne serait située à l’extérieur de cette enceinte. Par ailleurs, il met l’espace au centre de l’architecture. C’est cet espace qui est la clé de lecture dans les peintures de Canaletto, commandées par le consul d’Angleterre à Venise, grand admirateur de Newton. De même, il décrypte l’artificialisation du territoire nord-américain comme le résultat du découpage de l’espace par le biais de la grille voulue par Jefferson, qui devait créer un Homme nouveau différent de celui du Vieux Monde. Pour Corboz, il « n’y a pas de territoire sans imaginaire ». Au lieu de se lamenter sur les transformations de la ville qui amèneraient à une perte d’identité, il faut déceler ce qui fait les traits de cette nouvelle identité. La ville est un palimpseste. L’histoire culturelle de l’urbanisme doit permettre de comprendre l’insertion des bâtiments modernes dans le tissu urbain ancien. Le problème de la récupération des centres historiques, l’analyse des différentes approches et théories de restauration l’occupent. Il remet en cause les éléments qui feraient de la ville contemporaine quelque chose de différent de la ville européenne. Pour lui, la notion de ville doit être vue comme le lieu de la discontinuité, de l’hétérogénéité.

La compilation de 17 textes est très touffue. C’est un ouvrage d’épistémologie de l’histoire de l’art, avant tout destiné aux chercheurs qui voudraient réfléchir sur l’objet urbain et sur l’évolution du concept de ville. Fort heureusement, les textes d’introduction et la postface aident à entrer dans l’œuvre de Corboz en en donnant les clés de lecture. La première partie de cet assemblage de textes comporte deux textes difficiles sur la démarche à adopter lorsque l’on étudie une œuvre. Il milite pour un incessant va-et-vient du chercheur entre l’objet d’étude et ses centres de références. Les trois autres parties sont plus concrètes : elles rassemblent des textes consacrés à des études de cas. C’est ainsi que l’on retiendra l’article qui examine la place des églises et des temples dans la ville et l’importance des plans cruciformes dans l’urbanisme ou bien encore celui qui compare les travaux de Le Corbusier avec ceux d’un de ses contemporains : Taut. Malgré tout, l’ensemble reste d’un accès difficile. L’approche artistique de l’objet ville est peu commune à la formation qu’ont reçu la plupart des enseignants d’histoire – géographie. C’est d’ailleurs tout l’enjeu et le défi de l’enseignement pluridisciplinaire obligatoire de l’histoire des arts en collège et en lycée à partir de la rentrée 2010 !

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