Ce nouveau livre de la collection « regards sur le patrimoine » réunit les regards sur le paysage d’une photographe Sylvie Bonnot et la contribution de deux historiens, spécialistes d’histoire industrielle Denis Varaschin et Yves Bouvier pour une mise en valeur du patrimoine industriel, architectural, matériel et humain sur l’hydroélectricité en Savoie. Le livre est accompagné d’un documentaire sonore qui réunit les interviews de femmes et d’hommes de terrain des grands chantiers des années 50.

Dans l’avant propos Hervé Gaymard, président du Conseil départemental de Savoie et président de la FACIMFondation pour l’action culturelle internationale en montagne qui assure, avec le soutien du Département de la Savoie, une mission de valorisation du patrimoine culturel rappelle l’importance de l’hydroélectricité dans ce département plus connu pour ses stations de ski ou ses fromages. Il évoque pour retrouver l’ambiance de cette histoire le film d’Yves Allégret : La meilleure part qui retrace la vie quotidienne d’une équipe de travailleurs édifiant un barrage en Savoie sous la direction d’un jeune ingénieur aux grandes qualités humaines film de 1955 Avec Gérard Philipe, Michèle Cordoue, Gérard Oury … sorti en DVD en 2009. Pour se faire une idée, [un extrait->https://www.youtube.com/watch?v=pJz01DEI_xY&feature=youtu.be->].C’est d’abord un magnifique livre d’images : les photographies de Sylvie Bonnot, clichés datés entre octobre 2015 et septembre 2017 qui sous des angles classiques ou insolites racontent les barrages en eau comme en vidange, les centrales électriques, le détail des équipements dans toutes les vallées : Maurienne, Tarentaise, Beaufortain, Val d’Arly.
Une façon de découvrir la Savoie qui rappelle l’importante histoire industrielle au cours du XXe siècle avant le développement de l’or blanc. Rappelons que plusieurs sites sont ouverts à la visite voir et un [doc en PDF->https://www.edf.fr/sites/default/files/Hydraulique/pays-de-savoie/documents/edf_visite_alpes.pdf].Captation

Entretien entre Hubert Besacier Sylvie Bonnot permet de se faire une idée du travail de la photographe, des ambiances notamment sonores des prises de vue : « Les vibrations des centrales hydroélectriques sont accompagnées d’un puissant vacarme qui crée aussi un univers, mais un univers plus éprouvant que le fracas des vagues »p. 109[/footnote].

Les chemins de l’eau

Denis Varaschin et Yves Bouvier entame leur récit par la description de l’exposition internationale des arts et techniques de Paris en 1937 où le public pouvait découvrir la jeune hydroélectricité en pleine expansion grâce à un film de Jean Tédesco : Panorama au fil de l’eau ou le voyage d’une goutte d’eau des sommets au barrage, produit par la Compagnie parisienne de distribution d’électricité et projeté sur la façade du Palais de la Lumière.
Les auteurs évoquent les premiers barrages réservoir comme Bissorte en Maurienne. Ils rendent hommages aux pionniers du développement des industries électrométallurgiques et électrochimiques des vallées alpines : Louis Dumont usine électrique de Bellegarde sur Valserine – 1884, Paul Héroultdébut de l’industrie de l’aluminium à St Jean de Maurienne, Paul Girod Ugine.
Ensuite l’électricité savoyarde a vocation à alimenter au-delà de la région, à devenir une ressource nationale ce qui modifie les formes d’aménagement avec la construction des barrages réservoirs : Bissorte, La Girotte.
Les auteurs abordent enfin les nationalisations de 1946 et les très grands chantiers : Tignes, Roselend, Plan d’Amont et Plan d’Aval, Mont Cenis puis les évolutions du dernier quart du XXe siècle avec les STEPstation de pompage, Le Cheylas, Grandmaison tous deux en Isère qui utilisent les excédents d’énergie nucléaire pour remonter l’eau la nuit vers un barrage d’altitude et la returbiner en heure de pointe.

Le documentaire
Ce CD audio45′ associé au livre est un document sur la construction des grands chantiers d’après-guerre et notamment celui de Tignes. Ces témoignages à plusieurs voix, ce qui les rend vivants, évoquent une certaine destruction de la vie montagnarde, la difficulté de ces chantiers mais aussi le positif de certaines évolutions. Les migrations de travail et les conditions d’hébergement sur ces chantiers, des anecdotes significatives et les retombées sur les populations locales et la part de nombreux travailleurs immigrés légaux ou clandestins de nombreuses origines européennes, africaines, une grande mixité culturelle qui a laissé bien des souvenirs positifs. Les témoignages ne cachent pas la dangerosité des chantiers, les décès« ils avaient prévu un mort au km de galerie » mais aussi les expropriations de terrain qui étaient des terres agricoles indemnisées en espèce, un autre temps et l’évacuation du village de Tignes quelques documents sur internet et une [vidéo sur la construction du barrage->https://www.youtube.com/watch?v=ay6vkGOO4tQ&feature=youtu.be].
Les témoignages évoquent aussi l’après chantiers : le développement des sports d’hiver.

En complément sur le site de la FACIM vous trouverez deux études qui explorent l’aventure de l’énergie en Savoie : l’étude Hydroélectricité en Beaufortain, en Tarentaise et des propositions de visites.