Voici un ouvrage dont un film récemment diffusé Espoir vertu d’esclave a été diffusé sur la Cinq en mai dernier a été tiré, bâti autour d’un échange de correspondance entre des protagonistes d’une affaire judiciaire qui commence en 1831 à la Martinique.
Les acteurs sont six esclaves noirs qui avaient osé saisir la justice du Roi pour dénoncer les mauvais traitements dont ils étaient l’objet de la part du « géreur », Vermeil. Le juge de paix Belletête, le gouverneur Dupotet découvrent peu à peu la réalité du système colonial et se heurtent à des colons aveugles face au vent de changement qui soufflait des colonies voisines.

Ces correspondances rassemblées par l’historienne Caroline Oudin-Bastide permettent de saisir le cheminement de ces hommes, agents de l’État, tiraillés entre leur conscience et leurs obligations. Six noirs sont victimes de cette situation pendant laquelle la Monarchie de Juillet est également tiraillée entre les pressions abolitionnistes et le fort lobby colonial, influent auprès du pouvoir. Les noirs finissent par quitter la Martinique pour s’enfuir vers la colonie anglaise de Sainte Lucie.

La Martinique, colonie esclavagiste

Cette colonie française depuis 1635, voit arriver en octobre 1636, par ordre du Roi Louis XIII des esclaves dans les Antilles Françaises. En 1685 Colbert rédige « le Code noir » qui en 60 articles, régit officiellement jusqu’en 1848 la vie des esclaves.
La canne à sucre, l’activité essentielle de l’île demande beaucoup de main d’œuvre à la fois pour sa culture, sa récolte et sa transformation. On peut considérer que près de 70000 esclaves peuplent la colonie en 1831. Les blancs sont très minoritaires ce qui explique leur peur face au moindre mouvement de révolte de ces noirs.
Une « justice » spécifique est appliquée. Des exécutions de masse sont pratiquées pendant la période 1804 – 1827 contre des noirs accusés d’empoisonnement ou de maléfice contre leurs maîtres et leurs troupeaux. Dans le cas précis de Spoutourne, la plantation en cause, le géreur, sorte de régisseur, semble satisfaire des pulsions sadiques. L’ouvrage décrit également l’ordinaire. Ce système permettait aux colons, tenus de nourrir leurs esclaves, d’éviter cette dépense en leur permettant de cultiver un lopin de terre. Représentés en tant que tels, au Conseil colonial. Les colons participent au conseil privé du gouverneur et cherchent par tous les moyens à « avoir la peau » du juge Belletête qui a enregistré, en tant que juge de paix la plainte des esclaves.

L’engagement des différents magistrats aux côtés des noirs ne leur a pas réussi et ils ont fini leurs carrières respectives dans des postes assez obscurs.

L’ouvrage est très heureusement complété par un glossaire permettant de comprendre le vocabulaire spécifique utilisé dans les correspondances.

Bruno Modica