Si de prime abord, analyser un bilan ou un compte de résultat peut sembler aride, a fortiori pour un historien, Denis Hannotin est cependant parvenu à transformer ces différentes lignes de comptes en biens immobiliers et dresser une galerie d’hommes et de femmes, bénéficiaires des générosités de l’empereur et de son épouse.

C’est sous la direction d’Éric AnceauMaître de conférences à l’université Paris-Sorbonne, où il enseigne l’histoire du XIXsiècle ; vice-président du Comité d’histoire parlementaire et politique, spécialiste reconnu du Second Empire, Éric Anceau a notamment publié Comprendre le Second Empire (Saint-Sulpice Éditeur, 1991), Napoléon III : un Saint-Simon à cheval (Tallandier, 2012), L’Empire libéral, deux tomes (éditions SPM, 2017), Ils ont fait et défait le Second Empire (Tallandier, 2019). que Denis HannotinIngénieur de l’École navale, après une première carrière dans la Marine nationale, puis une seconde au sein de grandes entreprises internationales et dans des organisations professionnelles, Denis Hannotin se consacre désormais à l’Histoire. C’est ainsi qu’avec Christine Moissinac, il a co-écrit : Antoine-Rémy Polonceau (1778-1847) — Un homme libre — Un ingénieur au parcours éclectique, (Presses des Ponts, 2011). Il est encore l’auteur de : Jean-François-Constant Mocquard (1791-1864), chef de cabinet de Napoléon III (Éditions Christian, 2014), Chirurgien de Napoléon III, Auguste Nélaton (1807-1873) (SPM, 2018) et Une épopée du chemin de fer, le Paris-Orléans, 1838-1938 (SPM, 2019). a consacré son mémoire de master 2 en histoire, à Jean-François Mocquard, celui qui fut le chef de cabinet de Napoléon III. Au gré de ses recherches, Denis Hannotin a découvert les livres de comptes d’une petite cassette impériale dans les papiers d’Amédée Mocquard, notaire à Paris, fils de Jean-François Mocquard.

 

Introduction

En effet, en exhumant du passé de vieux cahiers de comptes, Denis Hannotin mettait à jour les « comptes privés de Napoléon III », un sous-ensemble de la « cassette particulière » du souverain, qui elle-même, représentait un chapitre officiel de la liste civile.

L’auteur faisait le choix de ne s’intéresser qu’aux seuls « comptes privés » de l’empereur, qui représentaient la somme de 25 millions de francs, soit entre 1 % et 1,65 % des dépenses de l’État, suivant les années.

L’empereur avait cette particularité qu’il aimait gérer personnellement sa « petite cassette ». À côté de cette manne d’argent mise à la disposition personnelle du monarque pour les besoins de sa maison, celui-ci percevait encore des loyers, bénéficiait encore de rentes de l’État et avait ouvert nombre d’emprunts bancaires. L’empereur était un véritable spéculateur immobilier. De 1852 à 1870, la valeur financière de cet argent de poche impérial représenta la somme de 52 millions de francs.

Aussi, pour permettre une bonne compréhension de son exploitation de ces comptes privés de Napoléon III, Denis Hannotin a-t-il fait le choix d’articuler son œuvre en deux grandes parties. La première est consacrée au patrimoine immobilier du couple impérial et se découpe en deux chapitres, le premier s’intéresse à l’impératrice et le deuxième à l’empereur. Dans la seconde partie de son livre, elle-même divisée en deux chapitres, l’auteur s’intéresse aux bénéficiaires de la générosité impériale, tout d’abord aux collectivités, enfin aux proches du souverain.

L’impératrice Eugénie

Comme le souligne Denis Hannotin, des sommes conséquentes sont mises à la disposition de la jeune impératrice. Femme intelligente et prévoyante, cette dernière sait que depuis 1789, l’avenir pour un monarque français demeure toujours incertain. Aussi entre 1855 et 1870 opère-t-elle de nombreuses réalisations, pour une somme totale de 3,7 millions de francs, dont 550 000 francs d’emprunts.

Tout d’abord, Eugénie fait l’acquisition d’un hôtel particulier, pour sa sœur Paca et son époux, le duc d’Albe, après avoir jeté son dévolu sur l’hôtel du marquis de Lauriston. Ainsi l’impératrice achète-t-elle dès le mois de janvier 1855, ce bien situé entre les numéros 71 et 77 des Champs Élysées, au milieu de 6600 mètres² de terrain. La souveraine procède ensuite à l’agrandissement du parc en achetant les numéros 79 et 81 des Champs Élysées. Eugène poursuit l’extension du domaine en faisant l’acquisition d’un autre hôtel particulier, celui d’Émile de Girardin.

L’impératrice poursuit l’extension de l’hôtel d’Albe en achetant un nouveau terrain de 1350 mètres² au numéro 79 des Champs Élysées, puis une nouvelle parcelle de 1142 mètres², achetée rue de Chaillot. Enfin, Eugénie achète à Morny, pour 580 000 francs, une portion de terrain de 3138 mètres² situés entre la rue de Chaillot et l’avenue Marbeuf.

Si l’impératrice paye l’ensemble de cette opération immobilière, l’empereur ne manque pas d’y contribuer lui aussi en abondant la cassette personnelle de son épouse. Une fois les aménagements réalisés, l’hôtel d’Albe devient un véritable palais, l’un des plus vastes et des plus somptueux de la capitale.

Si effectivement les dépenses pour l’hôtel d’Albe sont effectuées depuis les comptes du couple impérial, un certain nombre d’emprunts effectués auprès du Crédit foncier sont constatés, ce qui représente, dans la comptabilité du notaire de l’empereur, la somme totale de 2,4 millions de francs.

Quand sa sœur Paca meurt, l’impératrice est en voyage officiel en Algérie. De retour à Paris, la souveraine prend la décision de démolir l’hôtel d’Albe (coût estimé à 32 506 francs), pour reporter le bâtiment, pierre par pierre, sur un emplacement bordant le quai de Billy. Là, Eugénie entend percer sur un terrain dégagé, la future rue d’Albe, qui reliera les Champs Élysées à la rue François Ier. Le couple impérial finira par revendre, progressivement, l’ensemble des biens immeubles et des terrains implantés le long de ces voies de circulation. L’empereur disparu, sa veuve donnera procuration à Rouher pour renoncer à son droit de propriété et d’usufruit de ses derniers biens immobiliers sis aux numéros 48 et 50 de la rue François Ier.

L’hôtel Gabriel est une bien maigre consolation pour l’impératrice, qui envisage de loger sa mère, la comtesse de Montijo, au numéro 26, de l’avenue Gabriel. L’hôtel particulier de trois étages jouxte le 2, rue de l’Élysée. Eugénie achète à Pereire, le numéro 4, mitoyen, puis le numéro 6. Le montant total de ces acquisitions est de 3 millions de francs. Seulement dix-sept ans après son acquisition, l’hôtel Gabriel est revendu en 1878, ainsi que les numéros 4 et 6 de la rue de l’Élysée, pour la somme de 2,720 millions de francs.

Propriété de 55 hectares, pour partie plantée de châtaigniers, de bois et de terres labourables, la Jonchère est un dérivatif pour l’impératrice. Située sur la commune de La Celle-Saint-Cloud, à une vingtaine de kilomètres des Tuileries, cette propriété lui permet de s’évader de la capitale. L’ensemble de ce bien est estimé à 800 000 francs. Finalement, Eugénie le revendra 500 000 francs en 1888.

L’empereur, à Paris et ailleurs

Il est de notoriété publique que Napoléon III est un homme généreux, quitte à causer le déficit de la liste civile. Ainsi pour les fêtes de Noël 1860, l’empereur offre-t-il à ses ministres Billault et Magne, un hôtel particulier. Le premier se voit offrir un bien immobilier situé 10, rue Saint-Arnaud d’une valeur de 600 000 francs, quant au second, il se voit gratifié d’un hôtel particulier estimé à 550 000 francs, au numéro 47 de l’avenue Montaigne.

Pour plaire à son épouse et la rapprocher de sa terre natale, l’empereur achète un terrain de huit hectares de terres à Biarritz. Il y fait construire une résidence face à la mer : la villa Eugénie. L’ensemble des travaux s’élève à 472 000 francs. Cependant, l’étude des comptes du souverain laisse apparaître de faibles mouvements sur sa cassette. Cela conforte la théorie selon laquelle Napoléon III a effectué cet achat avec son propre argent de poche.

Le domaine passe rapidement de 20 à 26 hectares. Le couple impérial s’y établit en septembre, pour un mois. Ils reçoivent beaucoup. Prosper Mérimée est un habitué des lieux. La vie y est simple, calme, sans apparat ni étiquette. Bientôt, Biarritz devient une station balnéaire florissante qui va faire la fortune de ses habitants. Toutefois, mis sous séquestre en 1870, Eugénie récupère son bien avant de le revendre en 1874 à la Banque parisienne, pour 3 millions de francs. L’édifice deviendra un hôtel-casino l’année suivante.

L’empereur — à l’instar de Napoléon Ier — entend fertiliser les Landes et la Gascogne. Le marais d’Orx, 1022 hectares de terres autrefois submergées, devenues les plus fertiles de France après avoir été asséchées, est un cadeau de Napoléon III au comte Walewski, son cousin. Dans les faits, il n’en est rien. L’empereur est l’unique propriétaire de ces terres. Si par un subtil jeu d’écritures, Walewski les a acquises à 310 000 francs, dans les faits, le souverain a payé les sommes de 2,4 millions de francs pour payer les travaux et autres frais d’exploitation, avant que Walewski ne propose que le marais soit réuni au domaine impérial, moyennant la somme de 1,2 million de francs.

Napoléon III ne se contente pas d’acquérir le marais d’Orx. Depuis son compte privé, l’empereur va acheter 7030 hectares de terres incultes pour 421 800 francs à sept communes qui, réunies en une seule, prendront le nom ô combien symbolique de Solférino ! L’empereur déboursera encore 100 000 francs pour améliorer ces terres et y implanter 9 fermes impériales. Mis sous séquestre de 1870 à 1873, le domaine sera finalement récupéré par Eugénie après la mort de l’empereur et revendu 1,8 million de francs.

Napoléon III entend aménager la rue de l’Élysée. Grâce au percement de la rue de l’Élysée, l’empereur met en valeur ce quartier au cœur duquel trône le palais éponyme. Ainsi fait-il l’acquisition de 6 hôtels particuliers implantés rue du Faubourg Saint-Honoré. Cette opération immobilière lui coûte 3,7 millions de francs. Deux hôtels sont démolis. L’espace dorénavant libéré, de petits hôtels particuliers de style géorgien y sont construits, ainsi qu’un dernier hôtel particulier, au 24, avenue Gabriel. L’impératrice possède ce bien ainsi que les numéros 2, 4 et 6 de la rue de l’Élysée. À la mort de l’empereur, l’hôtel Gabriel sera vendu pour la somme de 2,7 millions de francs-or.

Éternel amoureux de l’Italie, Napoléon III y possède des vignes sur les bords du Tibre, un domaine de 1050 hectares à Civita Nuova, sur l’Adriatique, ainsi que plusieurs domaines et 1800 hectares de terres agricoles en Romagne. À Rome, parmi ses nombreuses propriétés, ce passionné d’histoire romaine a fait l’acquisition d’une portion du Mont-Palatin, « berceau de Rome », appelé Jardins Farnèse. Détenu à Wilhelmshöhe, l’empereur déchu vendra cet écrin de sept hectares, 650 000 lires (soit 698 000 francs) à l’État italien.

L’empereur et les collectivités, munificence

Denis Hannotin use du terme munificence pour définir la prodigalité de Napoléon III. Saint-simonien, l’homme est en effet extrêmement généreux envers ses amis, mais encore et surtout, auprès des plus modestes. Aussi n’hésite-t-il pas à se servir de sa petite cassette pour financier des orphelinats, des hospices, des asiles, mais aussi des projets agricoles ou de développement du thermalisme ; des fouilles archéologiques, ou bien encore des projets urbanistiques.

Probablement influencé par la piété de son épouse, l’ancien carbonaro use des fonds de sa cassette personnelle pour construire ou rénover des lieux de cultes. Il en est ainsi de l’église Saint-Clodoald de Saint-Cloud, pour laquelle il consacre la somme de 251 500 francs, apurant au passage la dette de la mairie, qui s’élève à 275 160 francs. Commune du Morbihan, Colpo voit l’érection de l’église Notre-Dame grâce à l’empereur. Celui-ci donne encore 10 000 francs pour remanier l’église Saint-Nicolas de Labenne. Le souverain déboursera la somme de 42 796 francs pour la construction de huit fermes impériales et 50 000 francs pour reconstruire l’église Saint-Étienne de Vadenay, en compensation de l’expropriation des propriétaires du village, après la construction d’un camp militaire de 12 000 hectares sur le territoire communal.

Les cités thermales ne sont pas en reste. Les séjours successifs de l’empereur à Plombières et à Vichy ont des retombées bénéfiques pour ces communes. Dans la « ville aux mille balcons », l’empereur débourse la somme de 223 000 francs pour l’achat de terrains, 175 000 francs pour l’église, 25 000 francs pour la commune, 11 500 francs pour des écuries, enfin 15 000 francs pour le préfet. Bientôt, Napoléon III se détourne de cette cité thermale pour Vichy, dont il devient l’auguste bienfaiteur. Prélevant sur le budget national, mais encore sur la cassette et sur son argent de poche, le souverain apporte beaucoup à la ville. Des routes, un presbytère et l’hôtel de ville sont alors construits, enfin l’église Saint-Louis, achevée. Le grand livre laisse apparaître 110 000 francs portés au comte de Vichy.

L’œuvre sanitaire et sociale du couple impérial est considérable. Alors en visite officielle dans le département de la Manche, alors qu’il était encore président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte avait déclaré : « Le soulagement des classes pauvres tel est le but de mes constants efforts ». Devenu empereur, celui-ci ne manque pas de joindre les actes aux paroles, en versant à l’orphelinat d’Avranches, établissement charitable pour les jeunes filles, la somme de 30 000 francs. Les asiles de Vincennes et du Vésinet sont dus à l’initiative de l’empereur, ce qui porte à huit le nombre d’établissements généraux de bienfaisances, placés en règle générale, sous le patronage de l’impératrice. Ainsi ce sont 4844 femmes qui sont reçues dans le site du Vésinet et 10 489 ouvrières qui sont soignées dans celui de Vincennes.

Enfin, l’empereur porte un grand intérêt à la question du logement social. Ainsi, à l’occasion de l’exposition universelle de 1867, fait-il réaliser une cité ouvrière de 41 maisons, avenue Daumesnil. L’exposition universelle achevée, Napoléon III fait don de ces logements sociaux à la Société coopérative immobilière des ouvriers de Paris, société dont l’objet est la création d’habitations à bon marché. Le coût de cette réalisation s’élève à 320 000 francs. Conneau sert ici de prête-nom au souverain. Rue Rapp, à Paris, ce sont 160 logements — situés sur les Champs-Élysées — qui sont érigés, à l’occasion de cette même exposition universelle. Pour ce faire, les terrains sont achetés 105 866 francs par Mocquard, pour le compte de l’empereur. Ces maisons seront presque entièrement détruites en 1871, par l’explosion de la cartoucherie de l’avenue Rapp.

Les bénéficiaires

Dans ce dernier chapitre, Denis Hannotin dresse une liste d’environ une centaine de bénéficiaires de la prodigalité impériale, qui de 1855 à 1870 représente de l’ordre de 32 millions de francs reçus de l’État. Si, en se fondant sur la composition du domaine privé, en dehors de la liste civile, donc en n’étudiant que la seule petite cassette particulière de Napoléon III, Denis Hannotin estime l’ensemble des biens immeubles de l’empereur à 8,5 millions de francs. Cela démontre que le plus gros des sommes issues du budget national, mais aussi des « fonds secrets », ne lui a pas servi à s’enrichir personnellement, mais bien plutôt à gratifier les nombreux membres de sa famille, mais aussi des veufs et des orphelins, des miliaires, ou bien encore d’anciens complices, et bien d’autres encore.

Toutefois, s’astreindre à donner le détail exhaustif de ces bénéficiaires — travail considérable commis par Denis Hannotin — serait à la fois rébarbatif et quelque part, vide de sens et ne refléterait pas sincèrement la qualité du travail d’analyse de l’auteur.

Ainsi la notice biographique présentée par l’auteur identifie-t-elle 94 pensionnés. Les premiers bénéficiaires de la bonté impériale sont bien évidemment les membres de sa famille. Contre toute attente, la famille Murat reçoit, durant la durée du règne, la somme totale de 809 000 francs quand la famille Lucien Bonaparte en reçoit 385 000 francs. La mère de l’impératrice, la comtesse de Montijo, n’est pas en reste et perçoit la somme de 600 000 francs, « en une traite sur Madrid ».

L’empereur n’oublie pas les serviteurs du Premier Empire, ou leurs familles. Ainsi verse-t-il au total, la somme de 178 000 francs à huit veuves et orphelins d’anciens fidèles serviteurs de Napoléon Ier.

Devenu empereur, Louis-Napoléon Bonaparte n’a pas oublié son passé de conspirateur, ni ses années d’exil outre-Manche, ni son emprisonnement au fort de Ham. Napoléon III n’a pas oublié ses anciens complices et verse à leurs enfants une dot. Il en est ainsi pour cinq d’entre eux, lesquels reçoivent plus de 410 000 francs de l’empereur.

Ami des lettres, protecteur des arts, des sciences et des lettres, l’empereur ne manque pas de gratifier financièrement les intellectuels. Certes honni de Victor Hugo ou d’Émile Zola, Napoléon III peut cependant compter sur l’indéfectible soutien d’hommes de lettres comme Prosper Mérimée ou bien encore Sainte-Beuve. Chaque année l’empereur consacre ainsi 200 000 francs, sur les 5 millions de francs qu’il se réserve sur la liste civile, à des dons et secours en faveur des hommes de lettres et des artistes en détresse financière, bien souvent à leur insu.

Tout comme son oncle, Napoléon III s’intéresse à la chose militaire. Sensible au sort des anciens militaires, des contemporains aussi, mais aussi de leurs familles, l’empereur les fait bénéficier de sa grande générosité.

Gendre du banquier Laffitte, lui-même beau-père de Persigny, le général Ney, 2prince de la Moskowa mène un train de vie dispendieux. En mourant, il laisse une dette considérable de 2,5 millions de francs. L’empereur se fait alors un devoir de rembourser les créanciers de La Moswkowa, à hauteur de 420 000 francs, somme conséquente prise sur sa cassette personnelle. Napoléon III aide encore un valeureux milliaire, qui s’était tout particulièrement distingué pendant l’expédition du Mexique, le colonel Mangin. Ruiné à la suite d’une malencontreuse opération financière, le souverain lui octroie, par versements réguliers de 15 000 francs, la somme totale de 160 000 francs. Fils du maréchal Macdonald et ancien chambellan de Napoléon III, Alexandre Macdonald, 2duc de Tarente, recevra de l’empereur la somme de 160 000 francs au titre de pension. Une dizaine d’autres officiers généraux ou supérieurs bénéficieront des largesses de leur souverain, pour services rendus à l’Empire.

D’autres enfin — soldats de l’ombre — anciens complices de Louis-Napoléon Bonaparte, seront grassement remerciés par ce dernier pour leur indéfectible et ancienne amitié. Mocquard figure fort logiquement au nombre de ces bénéficiaires. Ainsi aurait-il reçu, entre 1854 et 1863, 1,6 million de francs, sans compter son traitement de sénateur et le terrain que lui a offert l’empereur à Saint-Cloud. Le fidèle Persigny n’est pas en reste. Denis Hannotin note qu’indépendamment des sommes reçues directement de la cassette « générale » et de la cassette « particulière », celui-ci aurait reçu de l’empereur la somme totale de 340 300 francs. Nous faisons le choix assumé de nous arrêter sur le personnage de Persigny, le seul véritable bonapartiste, mais fou, selon l’empereur.

Conclusion

À l’issue de cette dense et non moins minutieuse étude, Denis Hannotin dévoile un pan méconnu de la personnalité de l’empereur. En effet, par son travail de déchiffrage de la cassette impériale, l’auteur permet de voir en Napoléon III, l’urbaniste visionnaire, l’ami généreux qui se souvient des bienfaits reçus par le passé.

En parvenant à déchiffrer certains comptes privés de Napoléon III, Denis Hannotin met en exergue le saint-simonisme de ce dernier qui, fréquemment, utilisait des prête-noms, par souci de discrétion, pour financer avant l’heure, des logements sociaux, mais aussi pour développer l’agriculture hexagonale.

Pour ce faire, Napoléon III disposait d’une manne financière considérable. Tout d’abord, il pouvait compter sur les 32 millions de francs provenant de la casse générale officielle. À cela s’ajoutaient plus de 7 millions de francs d’emprunts ; environ 6 millions de produits financiers ; entre 4 et 5 millions de vente immobilière. Plutôt que de thésauriser ces sommes pour son seul bénéfice, l’empereur fit porter près de 2 millions de francs au capital de l’impératrice. Enfin, il octroya de l’ordre de 8 millions de francs pour les pensionnées et 15 millions de francs pour les communes, ne se réservant pour lui-même que quelques millions de francs.