Destin d’Otto Nückel est un roman graphique qui « narre » la destinée d’une femme, issue du prolétariat dans l’Allemagne du début du XXe siècle, de la naissance à la mort. Victime d’un véritable fatum, elle perd ses parents très jeune, passe de travaux alimentaires en travaux alimentaires et ne connaît que le malheur avec les hommes qu’elle rencontre. Sa fin, comme annoncée dès les premières planches, ne pouvait être que tragique et elle l’est.

Une telle description pourrait donner à penser que l’auteur verse dans un misérabilisme facile mais ses 200 gravures sur plomb sont d’une très grande puissance évocatrice. Le souci du détail, une noirceur oppressante et la grande fluidité de lecture que génère l’ordonnancement du volume, en font une œuvre particulièrement impressionnante.

D’Otto Nückel, on ne sait que peu de choses. Il est né en 1888 à Cologne et mort en 1956 dans cette même ville. Il a d’abord été médecin, notamment durant la Grande Guerre. C’est auprès d’Heinrich Knirr qu’il étudie la peinture et c’est en 1926 que paraît Destin.

Dans sa préface, Seth Tobocman écrit que « Destin décrit une forme d’oppression persistante qui requiert encore toute notre attention ».

Au delà de l’arrière plan sociétal, Destin apparaît comme le grand ancêtre d’œuvres dépourvues de phylactères et d’une très grande beauté graphique, à l’instar de l’album de Shaun Tan, Là où vont nos pères.

Un livre important à découvrir absolument.

Grégoire Masson