Dico atlas des conflits et des menaces, guerre, terrorisme, crime, oppression Éditions Belin novembre 2010
Cet ouvrage sera présenté au
Salon du livre des sciences humaines
http://www.salonshs.msh-paris.fr/spip.php?article191
– 14h30-16h : La guerre des ruines : de l’archéologie à la géopolitique des conflits
[table ronde, salle Norbert Elias]

Avec Jean-Pierre Payot et Éric Denécé

Ce dernier volume de la collection « dicoatlas » s’inscrit clairement dans une démarche de vulgarisation au sens noble du terme, puisque les éditions Belin proposent un atlas de près de 100 pages avec un nombre équivalent de cartes et graphiques pour moins de 10 €. La présentation, brochée souple avec un format 22 par 16 cm adapté aux cartes, fait de cet atlas un excellent outil de travail dans tous les ordres d’enseignement. Son prix très accessible permet à un centre de documentation d’en posséder plusieurs exemplaires sans compromettre son budget. Il n’y a pourtant pas de compromis sur la qualité. Le papier glacé couché et les couleurs sont parfaitement adaptés à un usage fréquent. Si l’on se préoccupe au préalable de cet aspect matériel c’est bien parce que le numérique a pu dans le domaine de la cartographie très largement se substituer au support papier. Les deux approches sont complémentaires et l’on sait bien que plusieurs éditeurs, dont Belin, ont fait le choix d’associer les deux supports.

Au-delà de cette présentation matérielle, il convient également de présenter les thématiques qui ont été choisies par les deux auteurs. Issus tous les deux du monde du renseignement comme directeur et chargée de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement, ces derniers se sont préoccupés d’un classement thématique des différentes menaces. Les guerres et les conflits actuels sont dissociés du terrorisme, ce qui peut se comprendre même si la frontière entre les deux est parfois ténue.
Clairement identifié le crime constitue un chapitre à part, particulièrement détaillé même si on pourrait se demander pourquoi le trafic des œuvres d’art n’est pas présenté en tant que tel. Enfin pour terminer ce tour d’horizon des risques à l’échelle planétaire, un bilan de l’oppression dans le monde présente la situation des droits de l’homme et les droits des femmes dans les régions du monde où ils sont menacés.

La présentation des cartes apparaît comme tout à fait didactique et permet de disposer très rapidement d’une synthèse générale sur le sujet. Dans la première partie consacrée au conflit, après avoir présenté la transformation de la guerre, marquée par l’apparition de nouveaux conflits, essentiellement internes et infra étatiques, les auteurs traitent des nouveaux conflits associés pour la plupart d’entre eux à la faiblesse des États. Les auteurs de l’ouvrage ont d’ailleurs choisi pour caractériser les conflits la classification adoptée par l’institut international de Heidelberg de recherche sur les conflits qui évoque leur intensité, avec un calcul basé sur le nombre de victimes et les moyens militaires mis en œuvre. Le tour d’horizon des conflits se fait ensuite d’un continent à l’autre.
La carte sur l’Afrique associe d’ailleurs les intensités élevées de conflit et le nombre de réfugiés qu’ils génèrent. Sur le Darfour, il aurait peut-être été plus opportun de présenter ce territoire intégré dans le Soudan, d’autant plus que le sud de ce pays a choisi l’autodétermination au tout début de l’année 2011.
Pour l’Asie, la notion de conflit latent ou permanent ou récurrent est tout à fait pertinente. Il s’agit dans la plupart des cas de conflit extrêmement anciens, comme au sud des Philippines avec la résistance des populations musulmanes qui remonte probablement à la conquête de l’île par les Espagnols au tout début du XVIe siècle. On peut d’ailleurs supposer que la guérilla Moro est probablement la plus ancienne du monde puisqu’elle est toujours active avec cette spécialisation dans la prise d’otages qui a valu à quelques touristes des séjours prolongés en milieu équatorial il y a quelques années. (Groupe Abu Sayyed)

Carte du Sahel d’une actualité brûlante

Il n’aurait peut-être pas été inutile d’ailleurs, concernant cette carte de l’Asie d’envisager d’y associer une représentation des religions, l’islam fondamentaliste en Asie du Sud-Est, tout comme en Asie du Sud, étant l’un des paramètres à intégrer. Toutefois, on peut supposer, ce qui est d’ailleurs le cas, que cela a été fait dans la partie qui traite du terrorisme. On trouve d’ailleurs dans ce chapitre un très intéressant organigramme des réseaux terroristes islamistes en Asie du Sud-Est que les auteurs supposent, ils ne sont pas les seuls, comme relevant de la nébuleuse Al Qaïda.

La carte de la page 32, Al Qaïda en Afrique, et notamment au Sahel se trouve aujourd’hui d’une actualité brûlante puisque des Français travaillant pour le compte de l’entreprise Aréva ont été enlevés au Niger en 2010 et que l’année 2011 à commencé par l’enlèvement et l’assassinat de deux de nos compatriotes dans le centre-ville de Niamey au Niger.

Pour l’Asie centrale, le risque terroriste est associé au risque nucléaire en raison de la persistance de sites héritiers des stocks de l’ex-union soviétique. Le terrorisme ne se limite pas à Al Qaïda, puisque les auteurs évoquent des mouvements autonomistes ou indépendantistes qui semblent avoir perdu de leur efficacité. Les séparatistes. basques d’ETA ont d’ailleurs décrété un cessez-le-feu en janvier 2011, mais dans le même temps les auteurs considèrent que dans certains cas, parfois grâce au soutien de diaspora importante des actions de ce type pourraient avoir à nouveau lieu. En matière de terrorisme politique d’ailleurs, l’Europe occidentale n’est pas forcément à l’abri d’une renaissance de mouvements de ce type, qui serait suscitée par des formes de radicalisation désespérée de jeunes plutôt déboussolés par la crise. On pourrait par contre s’interroger sur la place de la contestation sociale qui suit la présentation du terrorisme politique, et sur certaines formulations, pour le moins discutables : « de véritables terroristes professionnels infiltrent, noyautent et manipulent les manifestants pour provoquer des confrontations toujours plus violentes. » Il s’agit d’une vision pour le moins schématique des manifestations que l’on pourrait qualifier d’altermondialistes.

Tourisme sexuel et trafic d’organes

En ce qui concerne la criminalité, on appréciera cette excellente carte qui présente à la fois le trafic d’organes et le tourisme sexuel qui apparaissent comme les deux facettes d’une même misère. La carte de l’Europe en vis-à-vis présente de son côté la traite des être humain en Europe, avec l’Europe occidentale comme espace de destination et l’Europe orientale comme zone d’émission ou de transit.
Toujours dans ce qui relève de la criminalité organisée cette fois-ci, les auteurs ont très classiquement présenté les différentes mafias italiennes, mais également le crime organisé russe que l’on a longtemps qualifié de « protomafia » mais qui semble être passé à l’âge adulte avec une capacité d’exportation de ses pratiques particulièrement violentes. On peut par contre s’interroger sur certaines présentation de l’activité de piraterie en Asie du Sud-Est. Si l’on se base sur les dernières études publiées dans la revue Sécurité globale de l’institut Choiseul, il semblerait que dans la région du détroit de Malacca, qui a longtemps été le théâtre des exploits des pirates malais, la situation semble se stabiliser. On aurait pu par contre évoquer la piraterie dont sont victimes dans le golfe de Guinée les plates-formes pétrolières et surtout leurs navires d’accompagnement. Le lien entre exploitation pétrolière et piraterie n’est d’ailleurs pas mentionné.

Pour terminer cette étude, la liberté de la presse dans la partie consacrée aux oppressions, montre que si dans les pays d’Europe du Nord-Ouest ou au Canada et en Australie, la situation en matière de liberté de la presse est considérée comme bonne, elle qualifiée de plutôt correcte dans des pays comme le Niger et la France. On peut espérer que ce n’est pas pour les mêmes raisons !

Au delà des quelques critiques de détail et pour conclure, disons toutefois que cette collection est particulièrement adaptée à tous types de publics. Cela peut aller des personnes qui souhaitent une présentation rapide de certaines questions d’actualité aux étudiants, lycéens et collégiens qui ont parfois besoin de repères. Une longue (trop !) pratique des publics étudiants et lycéens permet de dire que le recours premier et systématique aux ressources numériques multiples comme approche préalable n’est pas toujours pertinent ni forcément possible. Dans ce cas, le recours à un atlas classique assorti d’un texte simple, précis et clair, se révèle bien utile !

Bruno Modica ©
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