Trois parties d’inégale importance composent l’ouvrage. L’essentiel est constitué par un dictionnaire alphabétique (320 pages et environ 220 entrées, de Otto Abetz à Zones). Ce dictionnaire est précédé de deux courtes parties : « L’Occupation en questions », une cinquantaine de pages, et « Temps forts », une quarantaine de pages. Une bibliographie thématique rassemblant les publications essentielles récentes (environ 200 références) et un index des noms de personnes et de lieux, complètent et terminent l’ouvrage.
L’Occupation en questions
Cette première partie propose des réponses concises et argumentées à onze questions choisies pour être celles qui « agitent l’opinion, suscitent des débats, donnent lieu à des empoignades politiques depuis soixante-dix ans ». L’objectif des auteurs est de faire la synthèse des réponses apportées par la recherche historiographique récente à ces questions, mais aussi de montrer « pourquoi ont-elles été posées et comment y a-t-on répondu au fil des années ».
Ces questions sont les suivantes : Qui est responsable de la défaite de 1940 ? La collaboration est-elle une trahison ? Y avait-il « 40 millions de pétainistes » ? Rutabagas ou marché noir ? La France fut-elle complice de la « Solution finale ? A quoi la Résistance a-t-elle servi ? L’Empire colonial a-t-il sauvé la France ? Les communistes voulaient-ils prendre le pouvoir à la Libération ? L’épuration a-t-elle été un échec ? Pourquoi la France compte-t-elle parmi les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ? Que reste-t-il de De Gaulle ?
Les réponses sont brèves (de deux à sept pages), claires (aucune note infrapaginales, quelques renvois aux articles du dictionnaire), argumentées, nuancées quand il le faut mais sans ambiguïté, structurées en paragraphes aux titres explicites. Une présentation très pédagogique.
Prenons pour premier exemple la conclusion de la réponse à la question sur les responsables de la défaite de 1940 : « Au total, c’est l’impréparation à un nouveau type de guerre qui explique en grande partie la débâcle militaire sur le terrain (…) Cela dit, des choix politiques ont aussi pesé lourdement dans l’issue de la guerre de 1940. Les responsabilités de la défaite sont aussi à chercher du côté des hommes politiques (…) Weygand avec Pétain va donner ordres et contrordres (…) Reynaud ne choisit pas (…) et préfère se retirer (…) Sur le front, les soldats sont restés sans ordre cohérent, désespérés par la situation militaire ».
Second exemple, l’attitude des communistes à la Libération. « Longtemps, la réponse aux questions sur la volonté communiste de prendre le pouvoir en France, au moment ou à la faveur de la Libération, a été tout simplement négative (…) Au début des années 1990, l’ouverture des archives en Russie, en particulier des archives de l’Internationale communiste, a permis de trancher sur la foi des documents. Ceux-ci montrent que le PC s’est à deux reprises efforcé de prendre le pouvoir entre 1944 et 1947, mais qu’il en a été empêché à la foi par des circonstances extérieures et par ses contradictions internes. »
Temps forts
La seconde partie est un exposé synthétique des divers aspects et de l’évolution de la France entre 1939 et 1945 ; cet exposé est construit autour de neuf « temps forts ». 1939, l’engrenage irréversible vers la guerre. 1940, les conséquences de la défaite et les dissidences. 1940-1942 : la collaboration d’Etat et le collaborationnisme. 1940-1942 : naissance de la Résistance. Novembre 1942, un tournant relatif pour les Français. 1943-1944 : la guerre civile ? 1943-1944, de Gaulle et la Résistance : une bataille pour la légitimité. 1945, Libération et victoire. De 1944 à nos jours : les soubresauts de la mémoire.
Ce texte est une claire présentation de l’essentiel, de la drôle de guerre à l’histoire des mémoires de l’Occupation et de la Résistance, toujours sans aucune note infrapaginale et sans référence bibliographique.
Dictionnaire
Le dictionnaire s’efforce de rassembler en 220 courtes notices l’histoire de la France sous l’Occupation. On y trouvera tous les articles qu’on s’attend à y trouver plus quelques autres auxquels on n’avait pas toujours pensé et qu’on découvre avec intérêt. Tous sont rédigés dans un style clair et concis, sans qu’aucune note ne vienne les compléter.
Notices biographiques : Aubrac, De Gaulle, Abetz, Barbie, Brasillach, Brossolette, Cochet, Frenay, Henriot, Moulin, Papon etc.
Notices sociologiques : Catholiques, protestants, femmes etc.
Notices concernant la collaboration : collaboration d’État, « Je souhaite la victoire de l’Allemagne », LVF, Montoire, collaborationnisme etc.
Notices (peu nombreuses) concernant la Révolution nationale : Chantiers de la jeunesse, corporatisme, Révolution nationale.
Notices concernant la répression : Brigades spéciales, Gestapo, Sections spéciales etc.
Notices concernant la Résistance : CFLN, évadés, FFI, Front national, manifestations patriotiques, Armée secrète, Chant des partisans, CNR, Glières, maquis, mouvements de résistance, réseaux, presse clandestine etc.
Notices portant sur des événements : Bir Hakeim, campagne de France, débarquements, Libération, pacte germano-soviétique, Affiche rouge, Caluire, 13 décembre 1940, etc.
Notices portant sur des lieux : Alsace-Lorraine, Ardennes, Auschwitz, Corse, Etats-Unis, mur de l’atlantique, Alger, Drancy, hôtel du Parc, Lyon, Oradour, Sétif, Sigmaringen etc.
Notices portant sur la vie quotidienne : Abri, Ausweiss, BBC, Boche, BOF, cinéma, contrôle postal, chanson, censure, couvre feu, délation, exode, hiver, ligne de démarcation, rutabaga, tickets, zones.
Historiens spécialisés, les auteurs de ce dictionnaire ont accompli un remarquable effort de synthèse et de pédagogie. L’ouvrage s’adresse à un large public auquel il offre un accès aisé à la connaissance des acquis de l’historiographie, à la fois les plus essentiels et les plus récents.
La bibliographie finale est assez riche, mais on aurait apprécié qu’à la fin de la plupart des articles une ou deux références bibliographiques soient fournies, qui mentionnent l’ouvrage le plus récent et le plus fondamental sur le sujet. Il nous semble que la Résistance et la Révolution nationale auraient pu être traitées de manière un peu plus complète et approfondie. Par contre la vie quotidienne fait l’objet de nombreuses et remarquables notices. Les grandes questions historiographiques auraient aussi pu être introduites. Ces quelques remarques ne sauraient ternir l’appréciation très positive que l’on peut porter sur cet ouvrage. Il sera un outil très utile aux professeurs, aux étudiants et aux lycéens, dans la mesure où l’on enseignerait encore cette période de notre histoire.