L’hommage rendu le 11 novembre 2021 à Hubert Germain, dernier compagnon de l’ordre de la libération est une occasion de revenir sur cette organisation née pendant la Résistance. Ami des Clionautes, Raphaël Spina montre dans un article publié dans la revue de Défense nationale la genèse et la diversité de cet ordre institué par décret le 16 novembre 1940 par le général De Gaulle.

Cet article qui rappelle que cette institution relève bien d’un acte de souveraineté, rarement exercé dans l’histoire, et souvent dans des périodes troublées où il apparaissait nécessaire de marquer l’affirmation de l’État, montre comment l’attribution de cette décoration a été l’objet de choix « aux logiques parfois complexes ».

On rappellera à cet égard que l’ordre a été forclos par un décret du 23 janvier 1946, avant que le général De Gaulle ne quitte ses fonctions de président du gouvernement. Seuls Winston Churchill en 1958, et le roi George VI en 1960, y ont été admis.

Les conditions de cette attribution de cette deuxième distinction française ont retenu l’attention de Raphaël Spina qui s’intéresse, non seulement aux récipiendaires, ceux qui ont été les premiers à se rallier à la France libre, mais également à ceux qui n’y ont pas été admis. Les raisons sont multiples, et relèvent parfois de choix politiques. François Mitterrand en a été privé, malgré la demande de Henri Frenay.

Libération – Patriam Servando, Victoriam Tulit

Si l’on peut passer sur l’attribution de cet ordre à des villes, même si c’est le conseil national des « communes compagnons de la libération » qui assure aujourd’hui la pérennité de l’ordre, on s’intéressera à la composition de cette liste de 1068 noms  1 036 personnes, 18 unités militaires, et les 5 communes de Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. Il ne rouvrit les listes que pour deux cas exceptionnels : le roi Georges VI de Grande-Bretagne, en 1960, huit ans après son décès, et Sir Winston Churchill, décoré dans les jardins de Matignon en juin 1958. qui reflètent la diversité de la France, de son empire et de ses alliés.

Le caporal tchadien Gargué cohabite avec le roi du Maroc Mohammed V, tandis que que l’ouvrier breton communiste Henri

Libération Gargué
Aucune autre mention n’existe pour ce caporal tchadien.

Rol-Tanguy, ancien des brigades internationales est aux côtés d’un descendant de la noblesse d’épée, le maréchal Leclerc de Hauteclocque. Pierre Messmer, officier de la Légion étrangère et Jacques Chaban Delmas, inspecteur des finances.

Au-delà des trajectoires individuelles qui ont amené ces hommes à faire le choix de l’engagement, il convient de montrer que c’est une partie, certes minoritaire, des élites du pays qui a pu se retrouver dans cette improbable réunion de destins. Beaucoup ont exercé de hautes fonctions au service de l’État par la suite.

Le Président de la république, en accordant au dernier compagnon de la libération le privilège de la grande escorte, pour remonter les Champs-Élysées, a inscrit cet ordre dans une épopée nationale qui s’est aujourd’hui refermée. Il reste le souvenir sans doute, mais on me permettra d’espérer qu’il constitue également un exemple à suivre.

Raphaël Spina, « Regards sur l’Ordre de la Libération (T 1334) », RDN, 11 novembre 2021