Alors que la désintégration semble être la tendance actuelle, comme le montre l’exemple du Brexit, les auteurs de ce dictionnaire choisissent eux de s’emparer de la question de l’intégration régionale.

De l’intérêt d’étudier la régionalisation du monde

Souvent coincée entre la mondialisation et la fragmentation du monde, la dimension régionale apparait parfois comme un aspect un peu trop vite oublié des réalités économiques actuelles. S’il n’en fallait qu’une preuve, rappelons que le commerce international a tendance à se concentrer régionalement comme en témoigne l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. De plus, les auteurs rappellent que chaque espace concerné est plus que la simple addition de ses membres. La régionalisation est à la fois un enjeu économique et géopolitique. Cet ouvrage cherche donc à en explorer les différentes facettes et à clarifier les choses. Cela est nécessaire car le sens des mots utilisés n’est pas stabilisé et, en définitif, il n’existe pas de dictionnaire comme celui-là alors que la mondialisation donne lieu à pléthore d’ouvrages. Ce livre rassemble donc de très nombreux contributeurs, principalement géographes, mais d’autres disciplines sont également présentes. Il est structuré en trois parties d’inégales longueurs. Chaque partie est composée d’articles ou de notices et, à la fin de chacune, on trouve une rapide bibliographie pour aller plus loin.

Avant tout de la théorie

C’est une étape indispensable tant le flou semble régner et  » cette incertitude conceptuelle » fragilise les conclusions de nombreuses études empiriques. Pourtant, les auteurs ne cherchent pas à avoir réponse à tout et précisent que certaines questions pourront rester en suspens. On trouve dans cette partie une approche sur l’idée de continents en soulignant bien que ce n’est pas la seule façon de découper le monde. Il est nécessaire également d’avoir une approche historienne et historique de l’intégration régionale. En terme méthodologique, les coordonnateurs de l’ouvrage soulignent combien il est difficile de mesurer l’intégration régionale et la régionalisation. Les deux derniers articles témoignent bien d’une approche ouverte en convoquant la science politique et la sociologie dans la définition et la précision de certains concepts.

La construction des macro-régions : enjeux, objets et processus

Il s’agit ici de notices qui appliquent les concepts de la première partie à certains thèmes importants. Elle représente un peu plus d’une centaine de pages et invite à questionner certaines idées comme les limites conventionnelles, qu’elles soient métropolitaines ou insulaires. Parmi les articles, on peut signaler celui consacré aux corridors qui s’interroge pour savoir s’ils représentent un outil de l’intégration régionale. Maude Sainteville insiste, elle, sur la finance sous le titre « La régionalisation paradoxale comme étape de l’insertion dans la mondialisation ». Les entrées sont variées et abordent des thèmes comme les frontières ou la gouvernance. Un autre article s’arrête sur la littoralisation, « attribut de la régionalisation et de l’intégration régionale ». Les notices sont donc assez rapides, trois pages en général, et permettent donc de multiplier les angles. Gilles Van Hamme revient sur le couple « Mondialisation et régionalisation » en se demandant s’il s’agit de processus antinomiques ou concordants. On lira aussi avec profit une notice sur le rôle croissant des organisations régionales en terme de sécurité. Maria Gravari Barbas s’interroge pour savoir si le tourisme international est un phénomène régional. C’est en effet une dimension qui est souvent mal restituée par les statistiques. La régionalisation du tourisme est confirmée par la France puisque ce sont majoritairement des Européens qui viennent la visiter.

Les trajectoires de l’intégration régionale, cas d’études

Cette troisième partie propose un tour d’horizon autour de cas. On trouvera d’utiles synthèses notamment pour des questions abordées au lycée. L’article « Afrique » pointe ce paradoxe qu’il s’agit du continent qui totalise le plus grand nombre de zones d’intégration régionale, mais qu’elles s’y révèlent les moins efficientes. Le continent souffre par exemple de sa trop faible diversité de produits à échanger. Les articles suivants proposent des approches plus régionales du continent et celui sur l’Afrique subsaharienne met l’accent sur la régionalisation de la sécurité et de l’insécurité. On trouve également une approche autour du Maroc vu par certains comme une puissance émergente du continent africain. Du côté de l’Amérique, une formule résume bien la situation : une vieille idée, des itinéraires variés et des résultats inégaux. On apprécie les éclairages sur des points moins connus comme celui sur le cas des Balkans occidentaux et sur la question qui y est associée : « Comment réussir une intégration régionale après un conflit ? ».

Ce dictionnaire de la régionalisation du monde couvre donc un domaine jusque là peu abordé, du moins sous cette forme synthétique. Il précise les notions, même s’il est parfois un peu jargonnant. On pourra regretter une mise en page un peu austère et surtout un appareil cartographique noir et blanc peu engageant et surtout de taille modeste pour en permettre une bonne lisibilité. L’ouvrage offre néanmoins des approches et des angles tout à fait intéressants et qui, au-delà des cas traités, donnent à réfléchir sur la façon de penser le monde et ses évolutions.

(c) Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.