1085, 2500, deux chiffres pour évoquer cette somme impressionnante que livre Frank Attar. Il s’agit du nombre de pages et de celui d’entrées de ce dictionnaire. Comment aborder et rendre compte d’un tel pavé ? Il se situe en tout cas au cœur de nos enseignements. L’auteur, Frank Attar, enseigne à Sciences-Po Paris et aux Etats-Unis.

1085, 2500, deux chiffres pour évoquer cette somme impressionnante que livre Frank Attar. Il s’agit du nombre de pages et de celui d’entrées de ce dictionnaire. Comment aborder et rendre compte d’un tel pavé ? Il se situe en tout cas au cœur de nos enseignements. L’auteur, Frank Attar, enseigne à Sciences-Po Paris et aux Etats-Unis.

Une méthode, un projet.

En introduction, l’auteur délimite son projet, si l’on peut dire, en revendiquant sa part de subjectivité notamment sur la longueur des notices. Il n’y a pas non plus de renvois systématiques entre les articles tant cela aurait gêné la lisibilité de l’ensemble.
Cependant à travers un exemple, il montre bien comment on peut tirer l’ensemble d’une thématique. De multiples tables thématiques permettent une approche facilitée selon ses centres d’intérêt. Frank Attar ne s’interdit pas des retours en arrière plus anciens que 1945 si cela lui semble pertinent. Le livre propose également des fiches synthétiques sur les pays où sont récapitulés les dirigeants des 65 dernières années. Forcément on trouve souvent la formule «tout jugement serait prématuré » à propos de tel ou tel acteur actuel.

Les incontournables.

On trouvera bien sûr dans cet ouvrage tous les incontournables traités de façon synthétique . On peut citer l’idée de guerre froide, Berlin, la guerre de Corée ou encore le coup de Prague. Là-dessus, on n’apprendra rien de nouveau, mais tel n’est pas le propos. On a droit également au Kominform, à Gorbatchev, Reagan avec une nuance sur le reaganisme, tant la politique menée par celui-ci ne semble pas émaner du personnage. Sur l’ANZUS, on apprendra peut-être qu’il s’agit en fait à présent d’un traité bilatéral entre Etats-Unis et l’Australie depuis le refus néo-zélandais de 1985 d’accorder un droit d’escale aux navires américains porteurs d’armes nucléaires. La Guerre du Golfe de 1990-1991 est aussi évoquée et l’auteur pointe les interrogations qui demeurent à son sujet : nombre de victimes civiles et militaires, utilisation ou non d’armes bactériologiques et chimiques ?

Découvertes au gré des curiosités de chacun.

Selon le niveau de connaissances de chacun, le dictionnaire permet aussi un certain nombre de découvertes ou redécouvertes, c’est selon. J’avoue avoir lu pour la première fois l’idée du « rideau de bambou » pour désigner « l’isolement protectionniste dans lequel se mure la Chine au lendemain de la prise du pouvoir par les communistes ». Sur Ceaucescu on apprendra peut être que le KGB n’est pas étranger à sa chute. Le « cristal rouge », lui, a été créé en 2005 et a été ajouté aux emblèmes comme la croix rouge ou le croissant rouge car certains pays refusaient la cohabitation avec la croix rouge.
Ce qui est positif c’est que l’ouvrage ne se limite pas à des aspects factuels, mais propose de nombreuses références à des concepts liés aux relations internationales. Peut-être découvrirez-vous ainsi la « forçuasion », ce néologisme créé à l’issue de la crise de Cuba. En effet, selon T.C Schelling il y a une différence entre dissuader un adversaire de faire quelque chose et le contraindre à agir selon ses propres souhaits. On découvrira aussi peut être le terme de « deterrent » qui correspond en gros à dissuasion. On rencontre aussi le terme d’ « intermestique » forgé en 1977 et sa pertinence puisqu’il montre que la séparation traditionnelle nationale-internationale n’est plus pertinente dans de nombreux domaines aujourd’hui, comme le prouvent les questions de drogue ou d’écologie.

La part de l’actualité.

L’ouvrage doit se risquer aussi à évoquer l’actualité la plus récente possible. Ainsi Frank Attar consacre évidemment un article à Barack Obama, mais en restant très prudent : «Tous ces objectifs restent formulés en des termes très vagues et seul le temps permettra d’apprécier la nature de la décantation qui leur sera imposée par les rigueurs de la réalité politique ». Il présente également Nicolas Sarkozy en s’appuyant sur le discours d’août 2007 qui permet de dessiner les grandes lignes de la politique étrangère. On trouve aussi abordée la question de la Géorgie en référence à la crise de l’été 2008.

De légers bémols.

Devant une telle entreprise, on est un peu mal à l’aise de décerner des bons et mauvais points. Signalons quand même que je n’ai pas souvenir d’avoir rencontré Tony Blair tout au long de ces pages. De même est-ce bien utile de consacrer quelques lignes à l’heure H ou aux points cardinaux pour dire que l’heure H ou heure zéro est « un terme de vocabulaire militaire indiquant le moment décidé pour lancer une attaque »? Le souci d’actualité se dissout parfois car Ioutchenko n’est pas abordé au-delà véritablement de 2004. On pourrait aussi signaler qu’il faut aller à Pol Pot et non à khmers rouges pour obtenir un bilan du nombre de morts. Sur les famines, l’auteur aurait pu insister davantage sur leur aspect politique aujourd’hui plutôt que de citer un exemple des années 30. L’auteur prend le temps d’expliquer l’IDH, mais ne dit rien en revanche sur l’empreinte écologique.

Une plume acérée au milieu d’un cadre contraint.

 

L’ensemble est porté par une plume alerte, ce qui conduit à quelques portraits ou notations au vitriol que tout à chacun appréciera ou non. Signalons à cet égard l’article « altermondialisme » et des remarques que l’auteur livre à propos de l’ aspect hétérogène de ce mouvement : «Si cela permet de capter temporairement des individus désœuvrés en quête de repères, cela ne saurait suffire à fonder un programme ou une carte de lecture d’un monde changeant dont la complexité appelle davantage que des slogans manichéens ». Kennedy fait l’objet d’un bon article équilibré résumé par la formule finale : « ses insuffisances et ses travers, aujourd’hui soulignés à l’excès, ne doivent pas masquer que son projet était porteur d’un rêve que le destin a laissé inachevé. Comment juger de manière définitive ce qui n’a pu être fini ? ».

Cet ouvrage a donc toute sa place dans un laboratoire d’histoire-géographie, dans un centre de documentation ou pour tout professeur d’histoire qui veut acquérir une sorte de « Mourre des relations internationales ». On suivra avec intérêt une seconde édition, et surtout ses éventuels ajouts. Vous avez décelé un « oubli » ou ce qui vous paraît être un manque ? ; Alors rendez-vous sur relations.internationales2009@gmail.com

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