Yannick Mével est professeur d’histoire-géographie depuis 1985 ainsi que formateur d’enseignants depuis 20 ans. Il se livre également à des recherches-actions sur l’aide aux apprentissages. Nicole Tutiaux-Guillon est professeure des universités à l’IUFM et formatrice d’enseignants. Elle s’intéresse particulièrement à l’enseignement des questions vives.

Les auteurs prennent soin dès l’introduction de préciser quelques points auxquels ils croient fondamentalement et qui expliquent la conception et les développements du livre. Ils souhaitent suggérer des possibles et un de leurs postulats est l’éducabilité, autrement dit qu’ils s’interdisent « d’attribuer une difficulté ou un échec d’un sujet à son absence de dons ». Ils défendent aussi une conception créatrice du métier d’enseignant et ce livre doit être vu comme une ressource professionnelle. On trouvera l’avertissement habituel, à savoir que ce qui est dit n’est pas un modèle.

Ouvrage de didactique ou ouvrage pratique ?

L’ouvrage, bien qu’il comporte dans son titre le mot didactique, est clairement appuyé sur les réalités de la classe, et cela au collège et au lycée. Cet ouvrage n’est donc ni une somme de trucs, ni une théorie, mais bien une proposition entre les deux. Ce souci se retrouve dans la construction de chaque chapitre. En effet, chacun commence par deux ou trois phrases entendues dans les classes ou salle des professeurs, puis les auteurs annoncent très clairement ce dont ils vont traiter. Ils choisissent d’envisager cette question à travers deux exemples de chapitres de cours, ce qui est très percutant et renforce la dimension concrète. Un effort particulier est porté aux définitions afin de clarifier les choses. Le chapitre se termine par un passage appelé  » balises  » qui est, en quelque sorte, le point sur le thème traité. Néanmoins, chaque balise n’hésite pas à donner des conseils très appliqués. On retrouve d’ailleurs la liste des sujets abordés page 289. La décomposition en neuf chapitres ne s’explique que pour des raisons de clarté d’explicitation. En effet, un cours est souvent la somme de plusieurs des questions traitées dans les chapitres.

Savoirs, connaissances et problématisation

Les auteurs s’intéressent d’abord aux savoirs et connaissances. Ils en profitent pour définir ce que sont, selon eux, les concepts. Il s’agit de connaissances de base, ce qui permet de désigner une catégorie d’objets comparables comme « révolution, puissance ou ville ». Le livre s’emploie ensuite à identifier les obstacles qui peuvent se poser aux élèves. Ainsi, souvent, les textes en histoire- géographie font disparaître les connecteurs ce qui complique la tache. Ensuite, un chapitre traite
des représentations sociales et de leur utilisation possible. On aborde après cela un en jeu central de notre enseignement à savoir la problématisation. « Comment un problème conçu par l’enseignant peut-il devenir le problème des élèves ? » C’est en tout cas une injonction depuis longtemps qui peut remonter au moins à 1938 ! Il est en tout cas nécessaire de problématiser pour éviter l’exhaustivité.
Des exemples très précis sont évoqués page 112 et 113.
Le souci de clarification de l’ouvrage aboutit à une utile définition des composantes de la problématique à toujours garder en tête. « La problématique est une question qui oriente l’organisation des faits historiques ou géographiques pour construire un discours qui fait sens. Elle se présente sous forme d’une question ouverte et ouvre sur un processus de recherche et de tri d’informations, puis sur leur interprétation…Le processus nécessite des connaissances en amont et permet la production de connaissances nouvelles (pour l’élève) ».

Une école qui s’interroge sur le monde et sur ses pratiques

Les auteurs abordent également dans plusieurs chapitres le fait que l’école est au cœur du monde. C’est ce que l’on regroupe parfois sous l’expression de « questions vives » comme l’esclavage, la colonisation ou même le développement durable.
Cette école essaye depuis plusieurs années de proposer de nouveaux outils et de nouvelles approches comme le socle de compétences. Les exemples sont pris ici exceptionnellement, non sur deux chapitres, mais sur un type d’approche, à savoir l’usage des documents. Les auteurs en retracent brièvement l’histoire en montrant ce qui se fait ailleurs.

Un souci qui traverse les différents chapitres : dire ce que l’on fait et pourquoi

Tout au long des différents chapitres, on peut identifier quelques principes, on pourrait même dire, préceptes, auxquels croient les auteurs. Ils plaident pour que le professeur fonctionne avec le plus d’explicite possible. Il ne suffit pas de demander aux élèves de problématiser pour qu’ils le fassent. Il vaut peut-être mieux s’interroger sur ce que cela représente et passer du temps avec les élèves au lieu de considérer que cela est connu. On lira d’intéressantes propositions sur la problématisation du thème des territoires de proximité.
De même les auteurs invitent l’enseignant à souligner, verbaliser les articulations du travail. Ainsi, on peut aller vers cela, en utilisant des formules comme « j’affirme que… », « je cherche des preuves » par exemple. Et puis, on ne le redira jamais assez, être précis sur les consignes fournies aux élèves. On trouvera page 276 277 d’intéressantes variations de questions autour de deux mêmes textes pour voir ce que l’élève peut être amené à faire avec un support.

Une injonction paradoxale : soyez autonomes !

Le livre n’oublie pas quelques questions plus générales et tout aussi essentielles. Comment s’effectuent les liens entre la grande autonomie de la citoyenneté et la petite autonomie du travail scolaire ?
La question de l’autonomie fait partie aussi des proclamations affirmées, mais qu’est-il proposé à l’élève pour réussir cette mue ? On pourra s’appuyer de façon concrète sur les propositions du chapitre 8 consacré à «lire et écrire ». Des exercices de simulation peuvent permettre de franchir des paliers. On peut aussi relever l’importance de ménager des pauses réflexives.

Que proposent les balises ?

Ces fins de chapitre se révèlent particulièrement utiles et rassemblent de façon efficace les informations. A titre d’exemple la balise 1 s’intéresse à la question de renouveler l’usage du manuel. On trouve alors des propositions comme celle de comparer les problématiques dans deux manuels, ou à partir du texte de cours d’un manuel proposer et faire proposer par les élèves des titres et sous titres à des paragraphes d’informations.
La balise 2 livre des astuces pour travailler autour des représentations : parmi ces images ou ces mots lequel ou lesquels correspondent le mieux à tel ou tel concept à proposer aux élèves. La balise 5 « réussir et conduire une étude de cas » est un très bon vademecum. La 7 aborde la question des jeux et de ce qu’ils peuvent apporter.

Au total, ce livre offre de nombreuses approches et derrière une apparence d’ouvrage de recherche fondamentale, il est bien davantage que cela. Il tisse habilement les différents aspects du métier de professeur. On pourra néanmoins le conseiller plutôt à l’enseignant qui a déjà quelques années de pratique, le livre agissant alors comme une façon de réfléchir à ses pratiques, à repenser certaines évidences.

© Jean-Pierre Costille, Clionautes.