Pour ce numéro n°560 des Cahiers pédagogiques, une thématique sociétale, aux caractères interdisciplinaires, s’invite en une de la revue, la question de « l’urgence écologique ». Face à un questionnement qui suscite des inquiétudes quant à l’avenir du monde, la revue cherche à y replacer l’école dans ce qu’elle propose et peut proposer à une génération de plus en plus concernée par ces enjeux environnementaux.

Actualités éducatives

Avant toute chose, les actualités éducatives permettent de faire le suivi des questionnements sur la problématique des E3C, par le spectre de la notation du contrôle continu et du « bachotage » qu’il entraine. On peut associer cet article à la « fiction-réalité » de Florence Castincaud sur la difficulté à mener le nouveau programme de français. Un article de Laurent Fahrni fait un point socio-spatial intéressant sur le lien entre les espaces de l’école et les relations avec les familles, en insistant sur le rôle des « espaces de transition » comme la cour ou les couloirs.

L’écocitoyenneté et ses enjeux

Cette première partie du dossier sur l’urgence écologique nous permet de réaliser un diagnostic, certes relatif, à partir de la représentation de la question environnementale chez les élèves. Il apparaît que la question sociale joue un rôle déterminant dans l’implication et l’envie d’agir. S’oppose ainsi une classe privilégiée, sensibilisée, par son âge et sa condition sociale à une classe modeste qui ne voit pas l’avenir de la question écologique, étant déjà préoccupé par un présent difficile. Intéresser et mobiliser ses élèves peu concernés amènent à des réflexions stratégiques pour rendre l’écologie « stylée » (Ronan et Elodie Chérel, p°14). Les programmes jouent aussi un rôle majeur, insistant aujourd’hui davantage sur l’environnement par le prisme interdisciplinaire même si certaines disciplines jouent un rôle de premier plan comme la géographie, les sciences… Il ne faut d’ailleurs pas oublier l’enseignement agricole, en première ligne dans le changement des mentalités du secteur face aux critiques multiples venant de l’opinion publique, « l’agribashing ».

Ce que l’écologie fait à la pédagogie

Cette deuxième partie amène à s’intéresser aux projets en classe qui peuvent se mettre en place sur la thématique écologique. L’aspect transdisciplinaire est ainsi mis en avant avec, dans le cas de Virginie Shipley, la manière dont sa discipline, les SVT, peuvent s’inspirer de la philosophie pour apporter une dimension plus profonde, plus humaine à des connaissances scientifiques théoriques. L’argumentation peut ainsi être mise en parallèle entre les deux courants. Dans le cas de Doris Killian, le collège permet des actions concrètes en lien avec le parc régional des Vosges du Nord, comme des bacs « mange-papiers » ou l’aménagement de haies dans l’établissement. Une initiative peut également retenir notre attention, celle d’Emmanuel Richardot, enseignant d’EPS à Troyes, qui associe pratique sportive et apprentissage de la biodiversité et du fonctionnement d’un environnement aquatique par la pratique de la pêche à l’écrevisse.

Agir sur le monde

Cette dernière partie oriente notre regard sur les relations que peuvent avoir l’école et des acteurs extérieurs dans la mise en place de projets éducatifs et écologiques. Cette rubrique révèle toute sa pertinence par la diversité des acteurs et des formes pédagogiques d’action, associant petits et grands, dans une logique de réponse à la première partie. On peut ainsi insister sur la démarche de Nicolas Demarthe et Virginie Vitse, en zone prioritaire à Nogent-sur-Oise, proposant un investissement des élèves par le biais de rencontres avec des professionnels comme Nicolas Caillon, glaciologue, et la pratique théâtrale afin de leur montrer les questionnements autour de la protection de la planète. Certaines initiatives vertes peuvent également sortir de l’école et alimenter les territoires alentours comme dans le cas de Nolween Guillou, qui avec ses maternelles, a conçu un « giraf’on-tri », sur idée des enfants. Avec Laure Amussat, le retour physique à la nature, par le biais du littoral, permet d’incarner la protection maritime et associer les acteurs associatifs de protection de la nature. Dans les propositions nombreuses de cette dernière partie, on pourra conclure sur le « Serment de Thalès », une production philosophique par des élèves en sciences de l’ingénieur, proposant une charte durable et morale d’un futur ingénieur et montre la capacité des élèves à se projeter vers un avenir conscient de l’urgence écologique.

Perspectives

Au-delà des témoignages, la partie « Perspectives » nous apporte quelques références pour penser l’écocitoyenneté en classe pour tous les âges. Une double page est également consacrée à l’auteure Emmanuel Daviet pour la présentation du livre InterClass’, éducation aux médias et à la citoyenneté. Ce dispositif, apparu à la suite des attentats de janvier 2015, a permis un rapprochement entre le monde médiatique et pédagogique par la démarche de rencontres entre élèves et journalistes. Dans un contexte de fake news politiques, environnementales ou sanitaires, l’apprentissage de la recherche de sources, de la confrontation d’informations ou de la déontologie, s’inscrit particulièrement bien avec l’étude de l’urgence climatique.

Ce numéro amène donc une réflexion pertinente sur le concept d’urgence écologique et la manière d’y intégrer les élèves à travers des projets tous plus originaux les uns que les autres. Une bonne ressource pour y piocher des idées à reproduire dans son établissement. « La maison brûle et nous regardons ailleurs… » : la revue aura essayé de nous montrer quelques exemples du contraire.