Jean Vitaux, médecin gastroentérologue, également auteur d’une Histoire de la peste dans la même collection, nous livre ici un petit ouvrage bien riche d’informations sur une maladie qui a traversé les époques. Son expertise médicale est complétée d’une bibliographie intéressante et de nombreuses sources citées. Cela rend son propos, malgré la brièveté du livre (propre au format Que sais-je ?), très précis et riche d’exemples.

L’introduction présente la lèpre, à savoir une maladie infectieuse due au bacille de Hansen ou Mycobacterium leprae, peu contagieuse (seulement 5 % des personnes en contact la développent), non héréditaire même s’il peut y avoir une petite prédisposition génétique, se développant principalement sur les parties froides du corps (membres et sur le visage). Deux formes de lèpre existent : la forme tuberculoïde, non contagieuse et présentant des rémissions spontanées malgré des lésions nerveuses irréversibles mais cutanées pouvant régresser ; et la forme lépromateuse, la plus grave, non réversible. Les atteintes nerveuses sont responsables des troubles de la sensibilité, des paralysies, des amputations spontanées, de cécité… Le bacille connaît une évolution lente et peut incuber sur une période de 2 à 15 ans. Il se transmet par les sécrétions nasales et peut survivre une semaine, expliquant les transmissions au sein d’une même famille ou même lieu de vie. En 1944, le premier traitement a été mis au point par Guy Henry Faget, la dapsone. Elle donne lieu désormais à des résistances, aussi une polychimiothérapie de trois antibiotiques la remplace : dapsone, rifampicine et clofazimine, sur une période de 6 à 12 mois.

Onze chapitres permettent de dresser le portrait de cette maladie à travers les époques, les lieux et selon les différents protagonistes. Le premier remonte ainsi à l’antiquité. La lèpre aurait été amenée en Égypte à l’époque ptolémaïque suite aux contacts en Asie par les soldats d’Alexandre le Grand ou le commerce. Dans plusieurs textes antiques, des expressions semblent faire référence à cette maladie : Mésopotamie (présence incertaine), Perses (exclusion des malades), descriptions de la Bible (possibles autres maladies). La paléopathologie a permis de mettre en évidence la présence de la lèpre dans une tombe près de Jérusalem du Ier siècle. Chez les Grecs il faut attendre Aristote pour avoir une description qui se rapproche des symptômes (pas de trace chez Hippocrate), elle est également mentionnée par Galien. Au VIe siècle le médecin byzantin Paul d’Egine fait déjà la distinction entre deux formes de lèpre. Dans l’Islam, quelques mentions apparaissent dans les Hadiths, avec également la construction d’un hôpital pour lépreux à Bagdad en 707. Le foyer apparait souvent comme étant l’Égypte.

Au Moyen Age, l’Europe est touchée par une grande épidémie de lèpre. Déjà dès le Haut Moyen Age, les contacts avec des zones de foyer se multiplient : raids vikings, invasions musulmanes, pèlerinages… La lèpre est souvent associée à la pauvreté notamment dans le christianisme. Pourtant de grandes figures de la noblesse ont été porteuses comme Robert Bruce en Écosse (contractée dans les Highlands) qui en meurt en 1329. Baudouin IV, roi de Jérusalem de 1174 à 1185 est un autre cas bien documenté. Il a été diagnostiqué par son précepteur Guillaume de Tyr dès l’âge de 10 ans à cause de son insensibilité à la douleur. Dépourvu d’autres symptômes il est tout de même nommé roi et déclenche la maladie un an plus tard. En 1183, il perd l’usage des mains, des pieds et des yeux et se déplace sur litière. Il meurt en 1185 auréolé par son succès contre Saladdin à Montgisard en 1177. On peut encore citer Alphonse II du Portugal, décédé à 38 ans. Les mesures d’exclusion sont très anciennes. Plusieurs sources mentionnent des processus de « mort civile » et de confiscations de biens. En 583, le concile de Lyon interdit aux lépreux de voyager ; en 757, si les deux époux sont d’accord, le mariage peut être dissout (texte annulé au XIIe siècle). Souvent la lèpre est associée à l’antisémitisme et à la xénophobie. Ainsi en 1321, les Juifs sont accusés d’avoir empoisonné les puits donnant lieu à de nombreuses persécutions au départ du sud-ouest de la France puis s’étendant au royaume et à l’Aragon. Philippe V ordonne de faire interroger les lépreux le 21 juin 1321 pour démêler cette histoire. Les autorités ecclésiastiques se saisissent rapidement des cas de lèpres : elles rendent leur diagnostic (assisté par un jury de civils). On cherche la mauvaise haleine, la raucité de la voix, le manque de sensibilité, un barbier fait également l’examen du sang. S’ensuit une sorte de cérémonie d’exclusion de la communauté. Le ladre (lépreux) doit porter une cliquette de bois ou tartevelle à la ceinture pour annoncer sa présence. L’aumône doit être recueillie à distance dans un bol suspendu à un long bâton, les tenues vestimentaires peuvent porter des signes distinctifs, parfois propres à une région. Les clercs s’occupant du soin des malades peuvent également être obligés de porter ces symboles. Les biens du lépreux sont souvent captés par les léproseries, parfois leur maison et objets sont brûlés avant leur départ. Les léproseries se multiplient au cours de la période d’épidémie, soit au XIe siècle : leur nombre est difficile à établir compte tenu du peu d’archives parvenues jusqu’à nous et du manque de traces architecturales. Selon Jean Noël Biraben il y aurait eu 4000 léproseries en France au début du XIVe siècle. Certaines d’entre elles faisaient payer un droit d’entrer, certaines familles nobles pouvaient même y réserver des places en faisant notamment de nombreux dons. Les pauvres, associés à l’image de charité devaient y avoir des places gratuites, entretenus par la communauté. Certaines léproseries étaient mixtes donnant lieu à des descriptions de scènes de luxure dans diverses sources (en 1575, la visite annuelle de la léproserie de Troyes fait le constat de trois femmes enceintes alors qu’une seule est mariée). Une léproserie était organisée sur le modèle d’une communauté monastique avec des sœurs ou moines pour les soins, et même des serviteurs qui restaient au service des aristocrates ou bourgeois. Le nombre de malades variait en moyenne de 5 à 8, parfois la vingtaine avec des exceptions comme à Rouen, 40 personnes. En Angleterre, les chiffres varient également de 2 à 65 lits selon le lieu. L’espérance de vie d’un lépreux était de 3 à 5 ans avec là aussi des cas exceptionnels comme un malade d’Haguenau ayant vécu plus de 22 ans dans la léproserie. Les malades vivent de façon assez agréable : fêtes organisées pour les nouveaux venus, foires, donations en terre et rentes, autorisation à voir de la famille, à voyager entre léproserie et pour pèlerinage. Il existe également des lépreux nomades, isolés ou regroupés. Ils se sont soit échappés des maladreries, soit ont refusé d’y entrer ou en ont été exclus. Ce sont les plus inquiétants pour les autorités car incontrôlables, mal vus par la population, certains rançonnent les voyageurs pour vivre. L’exclusion se fait aussi dans la mort, les cimetières des léproseries sont d’ailleurs des lieux de fouille intéressants et révèlent que, dans l’ensemble, les diagnostics portés étaient assez justes. Le rejet du malade touchait aussi sa famille. Appelés de divers noms selon les régions et principalement « cagots », les proches du malade vivent à l’écart des villages ou villes, ne peuvent y entrer que pour aller à la messe et sont obligés d’exercer des métiers du bois ou du fer que l’on considère comme matériaux ne transmettant pas la maladie. Ce « titre » de cagot se transmet de génération en génération, comme un héritage des pêchés familiaux, ils sont cependant exonérés de la gabelle. Ainsi lors de la réforme fiscale de Louis XIV ils sont libérés et réintégrés en échange du paiement de cet impôt. Les dernières enclaves sont attestées en Navarre espagnole au début du XXe siècle.

L’épidémie cesse en Europe de manière assez inexpliquée à partir du XVe siècle et jusqu’au XVIIe siècle. On pourrait avancer l’arrivée de la peste noire à partir de 1348 qui en touchant les lépreux réduit les foyers de contagion ; ou encore un petit âge glaciaire au XIVe siècle (pourtant elle persiste en Norvège pendant très longtemps) ; la fin des croisades donc des contacts avec les foyers orientaux ; les progrès d’hygiène ; l’amélioration des conditions de vie. D’après les recherches scientifiques, il n’y a pas d’immunité ni de transformation du bacille. En France, au XIXe siècle, on recense encore quelques foyers anciens en Bretagne et dans la région de Nice (rattachée en 1860). En Espagne, au contraire, les cas augmentent au XIXe siècle : 185 malades en 1851, 521 en 1878, 873 en 1914. Le sanatorium de Fontilles à Marina Alta, dans la province de Valence est fondé en 1909 pour accueillir les lépreux de toute l’Europe. Les mariages internes sont autorisés et il y a même des naissances. L’espérance de vie est de 4 ans pour la moitié des cas. Le lieu a ouvert ses portes à un total de 2600 lépreux jusqu’à sa fermeture en 1980. Aujourd’hui, l’Espagne compte chaque année de 15 à 20 nouveaux diagnostics sur des personnes arrivant du Maghreb ou d’Amérique du Sud. Au Portugal, la dernière léproserie a fermé ses portes en 1976. L’auteur mentionne également la vie assez douce de la léproserie de Spinalonga en Crète, fondée en 1903 et organisée en communauté autour de vergers, potagers avec l’organisation de pièces de théâtre et de mariages. Ils sont restés à l’abri de la seconde Guerre mondiale (par peur de la maladie) et a fermé ses portes en 1956 après la diffusion du traitement de la dapsone. Le dernier habitant est décédé en 1982, il s’agissait d’un prêtre orthodoxe. La vie sur l’île a inspiré l’ouvrage L’Ile des oubliés de Victoria Hislop. En Norvège les foyers se sont maintenus tardivement avec 650 cas en 1836 et 2858 en 1857. C’est également pour cela que ce sont les médecins norvégiens Danielssen et Hansen qui ont été les grands chercheurs de la lèpre. En 1991, une léproserie est découverte dans le delta du Danube, en Bulgarie, cachée par les communistes.

Le quatrième chapitre regarde la diffusion de la lèpre dans le monde. Dans un premier temps l’auteur reprend l’analyse des séquençages complets menés par l’équipe de Stewart Cole de l’Institut Pasteur en 2001. Ainsi, plusieurs constats apparaissent : le génome a peu varié et a donc une souche unique avec un foyer initial qui pourrait être au Soudan, dans la région de Zanzibar, il y a environ 100000 ans, avec ensuite une extension par le Golfe persique et le Moyen Orient jusqu’en Inde (autre hypothèse de foyer initial). De là, on distingue cinq souches descendantes : en Inde et Asie du Sud-Est ; en Afrique de l’est ; en Europe et Afrique du nord ; au Brésil et Afrique de l’ouest ; en Chine et en Nouvelle-Calédonie. Cela permet de constater que la Chine a été contaminée par l’Europe et l’Inde plus récemment à travers la route de la soie ; que la souche d’Afrique de l’ouest est plus proche de celle des Européens que de l’autre souche africaine donc que la contamination provient des expéditions commerciales et négrières ; que la souche malgache vient d’Inde ; que les conquistadors et esclaves africains ont apporté la maladie en Amérique. Chaque région a eu une attitude plus ou moins rude vis-à-vis de la lèpre : par exemple, castrations forcées au Japon dont les lois répressives particulières dures ont été stoppées en 1996 seulement. La léproserie de Molokaï à Hawaï, fermée en 1957, a été décrite par de nombreux auteurs : Robert Louis Stevenson, Jack London, Alan Brennert (La Prisonnière du Paradis). Le gouvernement australien, peu concerné au départ car la maladie ne touchait que les immigrés chinois et Aborigènes, a mis en place des mesures de ségrégation raciale dès la transmission à un Australien en 1892. Les natifs aborigènes ont reçu l’interdiction de franchir le 30e parallèle, aussi appelé « leper line ». A Madagascar, le père Clément Raimbault fonde une léproserie en 1904 à Nosy Be. En 1935, 1 % des habitants de l’île sont touchés. Actuellement on relève 1600 nouveaux cas par an avec toujours une exclusion sociale très forte surtout envers les femmes. En Amérique, Hernan Cortès fonde la première léproserie pour les malades conquistadors. Le Brésil est toujours le deuxième foyer de lèpre dans le monde après l’Inde.

De nos jours, la lèpre est considérée comme l’une des 17 maladies tropicales négligées malgré une surveillance de l’OMS qui délivre un rapport annuel. L’OMS a d’ailleurs obtenu un partenariat avec les laboratoires pour pouvoir diffuser gratuitement la polychimiothérapie dans les pays les plus pauvres. En 2000, 700000 à 800000 nouveaux cas ont été comptabilisés. En 2007, ce sont 250000 nouveaux patients et, en 2012, 232857 nouveaux malades dans 115 pays. On observe donc une diminution puis stagnation du nombre de malades. Pourtant, seulement trois pays ont réellement vu le nombre de lépreux diminuer : la Chine, l’Inde et le Myanmar. Les pays les plus touchés sont le Brésil, la RDC, le Népal, l’Indonésie, le Mozambique, la Tanzanie et des micro-Etats dont la prévalence est élevée : les îles Marshall, la Micronésie et Kiribati. Bien entendu, la problématique des chiffres est toujours la même : ils sont donnés par les gouvernements sur la base du volontariat et certains pays ont d’autres priorités : guerres, SIDA, choléra donc réduisent les moyens de dépistage comme en Inde. En France, en 2011 il existait de rares cas à la Réunion, Martinique, Guadeloupe, Polynésie et Nouvelle Calédonie. Les régions les plus concernées sont Mayotte avec 307 nouveaux cas entre 2006 et 2011 et la Guyane (prévalence de 1,05/10000). La question des frontières poreuses avec les foyers actifs que sont le Brésil, le Surinam et les Comores est bien sûre posée. Ainsi 56 % des nouveaux cas de Mayotte venaient des Comores. Le problème sous-jacent reste celui de l’image associée au lépreux et ce, malgré la résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en 2008 : « Toute personne atteinte de la lèpre ainsi que les membres de leur famille doivent être traités avec dignité comme des individus et sont en droit de bénéficier des droits et des libertés fondamentaux de la personne humaine ». A l’heure actuelle il n’y a toujours pas de vaccin même si l’on a constaté une petite protection du vaccin du BCG.

Le chapitre 6 se tourne vers le regard médical porté sur la lèpre à travers l’Histoire. Bien sûr, l’idée de la punition divine était très présente, le lien avec les humeurs également. Une longue croyance a été celle de la maladie vénérienne, des rapports sexuels pendant les règles, de rapports adultérins. La lèpre toucherait les porcs obligeant Louis XI en 1462 a décidé que « nul ne pourra vendre en boucher porc pétri de ladrerie », la viande est donc vérifiée par des langueyeurs, profession confirmée par Louis XIV en 1704. Ibn Khatib, médecin arabe du XIVe siècle, lui, développe déjà l’idée d’une contagion. Les traitements proposés allaient du nettoyage des plaies, à l’utilisation de purgatifs, de mercure… Hildegarde de Bingen propose un onguent d’iris et des bains de cendre et de terre. En Inde, c’est l’huile de Chaulmoogra qui est utilisée, elle est mentionnée dans les Veda et a une efficacité modérée sur la lèpre car elle n’empêche pas son évolution. Elle est diffusée en Chine puis découverte par les Européens au XIXe siècle lors d’expéditions botaniques menées en Chine et Birmanie en 1920 par Joseph Francis Rock. Elle provient des graines de l’Hydnocarpus (taraktogenos) kurzii, arbre de la famille des Flacourtiacées dont les principes actifs sont l’acide chaulmoogrique et l’acide hydnocarpique. Une autre proposition a été la castration comme déjà évoquée pour le Japon. Diderot également en parle dans sa Lettre sur la chirurgie, les Européens y ont donc songé.

Au chapitre 7 l’auteur revient sur le rôle de l’Église chrétienne à travers la présentation, entre autres, de l’ordre de Saint Lazare, saint protecteur des lépreux. Cet ordre devient un ordre militaire et se replie en Europe après la chute de Constantinople. Il perdure aujourd’hui en tant qu’association loi 1901. Le nom de Saint Lazare a donné le terme « lazaret », lieu de quarantaine dont un des premiers en Europe fut celui de Venise en 1423. En Angleterre, c’est souvent Saint Thomas Becket qui était invoqué par les malades. Quant aux femmes, elles étaient souvent placées sous le patronage de Sainte Marie-Madeleine.

La lèpre a été en quelques sortes redécouverte par les colonisations. Les premiers contacts ont été ceux liés à l’expédition d’Égypte. Elle est alors vue comme une maladie des pays pauvres, alliant des critères racistes voire comme une maladie tropicale, comme une invention du XIXe siècle. Le pavillon de la lèpre à l’hôpital Saint Louis à Paris est fondé en 1930 pour s’occuper des malades l’ayant contractée dans les colonies. En 1929, la fondation de la chartreuse de Valbonne a le même objectif. De grandes figures se démarquent : Émile Marchoux (1862-1943), qui devient chef de service de microbiologie de l’Institut Pasteur et fonde l’Institut central de la lèpre à Bamako en 1935 ; Joseph de Veuster (1840-1889), plus connu sous le nom de père Damien, missionnaire belge installé à Hawaï ; le pasteur Philadelphie Delord (1869-1947) qui crée en 1922 le Comité de secours aux lépreux et fait acheter la chartreuse de Valbonne par l’Association de secours aux victimes de maladies tropicales en 1929 (le dernier lépreux y meurt en 2003) ; le pasteur Albert Schweitzer (1875-1965), élu « le plus grand homme du siècle » par le Time Life Magazine en 1947 et lauréat du Nobel de la paix en 1952, actif au Gabon. Bien sûr, l’auteur développe également les travaux norvégiens. Ainsi en 1847, la première étude moderne de la lèpre est publiée par Daniel Cornelius Danielssen, directeur de la léproserie de Bergen et Carl Wilhelm Boeck, professeur à l’université de Christiana. Danielssen conclut à deux sortes de lèpres et maintient l’hérédité car il s’inocule (ainsi qu’à des volontaires) des fragments de nodules et de sang de lépreux sans être atteint. Gerhard Armauer Hansen (1841-1912), né à Bergen, poursuit des études de médecine à l’université de Christiana avant de devenir, en 1868, médecin de la léproserie de Bergen puis gendre de Danielssen. Il complète sa formation à Bonn et Vienne et identifie en 1873 « des structures particulières en forme de bâtonnets » au microscope. Le bacille est découvert, sans qu’il s’en rende compte, permettant à Neisser, en 1879, de s’attribuer sa découverte alors qu’il parvient à colorer les bacilles. Reconnu, Hansen poursuit ses recherches mais mène une expérience qui tourne mal sur une patiente ce qui lui fait perdre son poste de médecin tout en conservant celui d’inspecteur de la lèpre. En 1887, il parvient à montrer que la maladie n’est pas héréditaire en étudiant les migrants norvégiens des États-Unis qui n’ont pas développé de cas alors qu’ils venaient de zones de foyers. Il meurt en 1912.

Le chapitre 9 met en évidence la lèpre chez les animaux. En l’occurrence, aucun cas chez les animaux sauvages n’a été constaté sauf chez le tatou à neuf bandes, animal dont la température corporelle est de 30 à 34 °C, en Amérique. En 1975, une étude menée sur 32 d’entre eux a conclu à 9,8% de malades. Le bacille est proche de la souche européenne et nord-africaine montrant ainsi une transmission par les conquistadors et esclaves noirs. 5000 tatous ont été étudiés jusqu’à présent, faisant apparaître 20 % de malades parmi eux. Le problème est qu’ils sont devenus un foyer de transmission vers l’homme à leur tour.

L’avant dernier chapitre porte sur le rôle d’ONG comme l’ordre de Malte, Raoul Follereau et la création de la Journée mondiale des lépreux en 1954, chaque dernier dimanche de janvier. Ce dernier, proche de l’extrême droite et pétainiste a proposé, pendant la Guerre froide, à Einsenhower et Malenkov de faire un don équivalent au prix d’un bombardier stratégique. Sans réponse. En 1964, il propose à l’ONU que chaque État fasse un don du montant d’une journée de dépenses militaires pour lutter contre la faim, les épidémies… Là aussi sans succès. Il meurt en 1977 laissant cette citation « Le lépreux souffre de deux maladies. Il a la lèpre et il est lépreux », illustrant la double peine que constitue cette affection. Le rôle d’Handicap International dans la prise en charge des infirmités des lépreux est également rappelé.

Enfin, le dernier chapitre évoque les mots de la lèpre et les lieux de mémoire. Nous pouvons alors souligner que plusieurs léproseries (lorsqu’elles n’ont pas été détruites) ont été transformées en musées, et que la mieux conservée est celle de Saint Jean de Beauvais. Le sujet, très dense, est ainsi évoqué à plusieurs époques, en plusieurs lieux et sous plusieurs thèmes, mettant en lumière bien des aspects historiques et géographiques de cette maladie quelque peu oubliée en Europe.