Durant la drôle de guerre, il s’adapte tant bien que mal à la vie militaire – il est caporal, installé d’abord à Paris, puis affecté dans la région d’Epernay où il reçoit une formation militaire qui consiste à s’entraîner au maniement des armes, à faire des marches et à attaquer des fermes supposées défendues par l’ennemi. Il parle de « sport en plein air », visite Paris puis la province, lit beaucoup et s’ennuie.
L’offensive allemande intervient alors qu’André David aurait dû partir en permission. Il change plusieurs fois de positions, voit passer les réfugiés belges puis français. Sa division est stationnée sur la Marne, à la garde des ponts mais le secteur, à part le bombardement d’Epernay, reste calme. Alors que l’armée allemande se rapproche de plus en plus, sa section – quarante hommes – n’est encadrée par aucun officier. Il entre en contact avec les Allemands le 12 juin, conscient que sa section ne pourra pas être efficace. Il est fait prisonnier, après s’être battu, le 15 juin.
Les lettres aux parents et à la famille s’interrompent le 8 juin. Le 23 août, après avoir écrit aux autorités militaires pour tenter d’avoir des nouvelles, les parents reçoivent un télégramme d’un commandant, indiquant simplement : « André disparu mais vivant », texte qui donne son titre au livre. Il est prisonnier de guerre, ainsi que le leur apprend une carte-lettre de leur fils, envoyée le 18 juin, mais reçue le 17 juillet. Il est acheminé à pied vers l’Allemagne, ne s’enfuit pas car les gardes leur parlent d’une libération prochaine, ce que André David croit. En Allemagne, il dépend du stalag VIII C à Sagan en Silésie, mais est envoyé dans divers Kommandos après un court séjour dans le camp. Il est affecté dans une menuiserie et à divers autres métiers manuels : peintre, employé dans une sucrerie, bûcheron, mais renvoyé pour rendement insuffisant, employé aux chemins de fer. Il parle peu de son travail si ce n’est pour rassurer ses parents. Mais ce n’est pas l’aspect de sa vie auquel il souhaite se raccrocher. En revanche il leur passe beaucoup de « commandes » pour avoir des vêtements chauds l’hiver, des sandales l’été, de la nourriture, des livres et surtout des partitions de musique.
Colis et courrier
Cet aspect du livre est très intéressant car il montre le fonctionnement des colis – réguliers et bien garnis, venant de la famille mais aussi de la Croix-Rouge, d’Algérie et des États-Unis – et des lettres, très courtes car très encadrées, puis qui redeviennent plus longues lorsque le captif en a trouvé le moyen, à partir de 1943 – en utilisant l’identité et l’adresse d’un civil français du STO dont le courrier n’est pas réglementé comme celui des prisonniers. Les lettres montrent également le décalage entre les événements en France et leur connaissance en Silésie : la collaboration en 1941, les difficultés d’approvisionnement, la Relève – en laquelle il ne fonde aucun espoir de libération-, le STO et le jugement très négatif qu’il porte dès le début sur les travailleurs civils volontaires en Allemagne et sur les LVF. On y apprend qu’il fait beaucoup de sport – comme tous les prisonniers – et encore plus de musique, puisqu’il organise un orchestre interKommandos qui se produit lors de tournées et s’est acheté un violon. Il apprend l’allemand, fait du droit et du théâtre.
Sa dernière lettre date du 12 décembre 1944. Des récits familiaux permettent de comprendre la fin de sa captivité. Devant l’avancée soviétique, son Kommando est évacué à pied vers l’Ouest. Il s’enfuit – il avait envisagé de le faire durant sa captivité, mais sans réussite -, se cache dans une ferme, y reste quelque temps, puis se joint à nouveau à une colonne de prisonniers. Il est bombardé par les Américains près de Weimar, puis est libéré par les Américains et rapatrié en France en avril 1945.
Ce livre s’inscrit dans la collection « Mémoires du XXème siècle » des éditions L’Harmattan. C’est à ce titre qu’il peut être utilisé avec profit pour le programme de terminale, d’autant que le contenu de ses lettres a été enrichi par Madame David-Paponnaud, à la fois par des explications sur la famille et les amis, mais aussi par les événements militaires qui se produisent pendant qu’André David est captif. La mémoire de la guerre ainsi montrée est double : à la fois celle du captif et celle de sa famille et ses amis. Il restitue bien tout le réseau d’entraide autour du prisonnier malgré les difficultés de la vie quotidienne d’une famille du Périgord : il reçoit lettres et colis de sa famille proche et lointaine; des amis, des prisonniers libérés, des jeunes du STO qu’il a connus en Allemagne écrivent à la famille ou lui rendent visite pour parler du captif. Il témoigne de ces six années perdues dans la vie d’André David, symbolisées par la naissance du petit cousin Jean-Marie, que l’on voit grandir car le livre est enrichi de nombreuses photographies familiales et qui permettent d’appréhender parfaitement le temps qui passe.
Entre fiancée et placements familiaux
C’est en captivité qu’il apprend la mort d’êtres proches – avec le décalage dû au système postal -, qu’il déclare à ses parents avoir une fiancée, et qu’il défend – par écrit encore – son choix face à des parents circonspects. Il montre aussi les inquiétudes d’un jeune homme pour son avenir car l’administration des impôts ne le reconnaît pas comme l’un des siens car il n’a pas eu le temps d’effectuer son stage ; l’inquiétude aussi pour ses parents qui doivent retravailler et à qui il conseille des placements financiers. Ces lettres montrent – tout comme celles des Poilus de la Grande Guerre – qu’il n’est pas déconnecté de la vie quotidienne de sa famille et qu’il est vital pour lui d’y participer, même de très loin.
La limite que l’on peut trouver dans ce livre est que toutes les lettres ne sont pas reproduites, qu’il s’agit d’un choix opéré par Madame David-Paponnaud, mais ce choix est justifié dans l’introduction : « j’ai choisi de sélectionner celles qui m’ont paru les plus intéressantes, soit d’un point de vue historique, soit d’un point de vue familial et humain ». (p. 23). Certes Madame David-Paponnaud n’est pas historienne mais avocate, mais ce tri opéré résulte lui aussi de l’étude de la mémoire d’une famille confrontée à la Seconde Guerre mondiale et d’une fille qui a voulu « suivre les traces de mon père pendant ces cinq années de guerre et de captivité (…) ».
Evelyne Gayme