On ne mesure plus aujourd’hui à quel point le bois fut une matière essentielle dans les sociétés d’antan. Ses deux usages, en tant que produit combustible et matériau de construction, nécessitaient l’existence de réseaux d’approvisionnement et de distribution robustes. Le petit milieu des marchands de bois était au cœur de ce modèle économique. Leur rôle était particulièrement crucial dans un cadre urbain dépourvu de ressource locale répondant à ce besoin.

Ingénieur agronome de formation, l’auteur s’est déjà signalé par une étude originale sur Les Vaches de Paris en 2017. Il s’intéresse cette fois-ci aux marchands de bois qui ravitaillaient la capitale. Une présentation synthétique donne une idée générale de ce milieu professionnel et de son activité économique.

Le marché du bois à Paris se divise en deux types de produits. D’une part, le bois de chauffage, disponible sous différentes formes : bûches, fagots, charbon de bois, en passant par le bois flotté. Ces différents combustibles sont livrés à des acheteurs particuliers ou des institutions. Mais leur commerce s’éteint peu à peu à partir du Second Empire, supplanté par les atouts du charbon de terre. La seconde catégorie de bois vendu est le bois de construction. Bois de charpente, bois de sciage, bois précieux pour l’ébénisterie, « déchirage de bateaux » (sur des chantiers de déconstruction aboutissant à leur revente en pièces détachées) satisfont une clientèle professionnelle.

Bois combustible et bois d’œuvre sont l’objet de négoce d’un petit nombre d’opérateurs spécialisés, opérant soit dans l’une soit dans l’autre de ces catégories. L’auteur recense au plus 200 marchands de bois à brûler et autant de négociants de bois de construction. Il esquisse les contours de leurs organisations professionnelles et cerne le cadre réglementaire. Leur modèle économique, la structure de leur négoce, leurs modalités de financement et leurs activités complémentaires sont également considérés. Il en est de même des zones d’approvisionnement, du transport et de la géographie de l’implantation des chantiers à Paris et ses abords.

Une étude statistique fondée sur les mariages, les inventaires et les successions donne une idée du style de vie, des signes de richesse des marchands de bois. Elle établit la diversité des situations selon les catégories de bois négociées, mais souligne l’appartenance sociale de ces professionnels à la bonne bourgeoisie. Le détail le plus singulier qui en émerge est la faible reproduction sociale. C’est un métier où la continuité dynastique est faible. Tout se passe comme s’il s’agissait d’une profession de transition, dont la descendance s’extrait en quelque sorte par le haut.

La documentation utilisée par l’auteur résulte d’un défrichage de bénédictin piochant principalement dans les sources notariales, commerciales et fiscales. Combinant histoire sérielle et étude prosopographique, l’essentiel du volume est constitué d’études de cas. Constituées sous forme de fiches combinant informations généalogiques, professionnelles, patrimoniales et successorales, elles composent un dictionnaire de 53 familles de négociants et, dressées plus sommairement, de 21 sociétés de commerce du bois. Les sources et données justificatives sur lesquelles s’appuie l’enquête complètent le volume.

Riche en tableaux statistiques et histogrammes, cet ouvrage est, dans sa forme, moins une synthèse structurée qu’une base de données. Cette approche d’un thème intéressant, et d’un milieu méconnu mais central de l’économie du Paris d’autrefois, est avant tout destinée aux chercheurs et spécialistes, mais intéressera aussi les généalogistes.

© Guillaume Lévêque

Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur.