C’est aussi une approche large car le livre propose des études de cas, de nombreux schémas et photographies et une bibliographie.
Urbanisme commercial : question globale
L’ouvrage commence, et c’est une bonne idée, par poser, revisiter et nuancer dix idées reçues sur le sujet comme « le commerce de périphérie tue les centre villes, …l’emploi justifierait tout ». Si l’on s’en tient à ce simple exemple, on constate qu’après avoir créé plus de 500 000 emplois en vingt ans, le commerce connait depuis 2011 une diminution de ses effectifs. Dans cette première partie, il s’agit de « capitaliser la matière accumulée sur le terrain », croiser et comparer. L’urbanisme commercial se situe en tout cas à la croisée de plusieurs domaines, intéressant à la fois l’aménagement du territoire, les transports et l’emploi.
Le poids du commerce
S’il faut citer un fait et un chiffre pour se rendre compte du poids actuel de ce secteur, c’est que « les réseaux d’enseignes réalisent 84 % du chiffre d’affaires du commerce de détail contre 16 % pour le commerce indépendant. 9 % des établissements de commerce de détail sont aujourd’hui des grandes et moyennes surfaces et réalisent à elles seules plus de 60 % du chiffre d’affaires du secteur. ».
L’ouvrage propose d’étudier le cas français par rapport à l’Europe pour voir s’il existe une spécificité nationale. A la page 27, une typologie très claire est proposée. S’il faut isoler la France, c’est à cause de quelques caractéristiques : un étalement relativement récent, un foncier agricole accessible, un morcellement communal face à des acteurs très concentrés. En 80 ans, la France a perdu la moitié de ses commerces alors que la population française a augmenté de 50 %
Commerce d’aujourd’hui et de demain
L’ouvrage souligne combien l’urbanisme commercial a une histoire et connait donc des mutations. Il propose ainsi, de façon très pratique, sous forme de quatre doubles pages, la chronologie du commerce en France et de ses formes.
Jusqu’à maintenant cet urbanisme a pu se résumer à quelques grands traits : « tout sous le même toit, maillage commercial et discount ». Cela a fonctionné pendant longtemps, mais aujourd’hui c’est une situation de blocage. Celui-ci s’explique peut-être par le vieillissement de la population, l’éclatement de la cellule familiale et un pouvoir d’achat en berne. Les flux sont toujours présents mais répartis différemment entre automobile, achats en ligne, transports en commun par exemple.
Changer oui, mais comment, car le commerce a des fondamentaux comme les prix, les services ou l’innovation. L’ouvrage passe en revue quelques alternatives récentes comme les food-trucks, les camions-restaurants itinérants, ou les marchés forains revisités développés « par Urban space connaissent en Angleterre et aux Etats-Unis un véritable succès. »
Huit sites à l’étude
Un des points forts du livre et de proposer des études de cas. Chaque site est rapidement présenté avec sa problématique propre. Ainsi par exemple, Cahors permet d’aborder le cas d’une « zone commerciale figée par le risque de crue torrentielle » ou Lorient celui de « l’arrivée d’un transport en commun comme effet de levier ». A Lons-le-Saunier se pose la question de savoir s’il faut mieux concentrer ou étendre la partie commerciale. Pour bien saisir chaque situation, on aura peut être besoin de compléter ponctuellement par quelques cartes ou documents complémentaires.
Cette diversité ne fait pas oublier qu’il s’agit à chaque fois d’une entrée de ville. On trouve donc un résumé de la situation ainsi qu’un certain nombre de dessins, croquis ou d’images à l’appui. Six cas se trouvent en région et deux en Ile de France. C’est l’occasion à travers ces cas d’aborder plusieurs aspects du programme de 1ère générale sur la ville. Si l’ouvrage a la volonté de faire comprendre et visualiser les situations abordées, on reste plus dubitatif sur la double-page de photographies qui accompagne chacune de ces zones commerciales.
Et demain ?
La troisième partie du livre se penche sur la façon de « faire bouger les lignes ». Elle reprend donc les acquis des études de cas pour les examiner et les prolonger. Ainsi, l’article de Philippe Massé et Philippe Renoir s’intéresse à l’accessibilité des zones et part du constat que le paysage a été dessiné pour l’automobile comme en témoignent les cas examinés auparavant. Il faut repenser le rôle des transports en commun en lien avec les grandes zones commerciales. Toujours dans le but d’éclairer, le livre propose d’examiner d’autres espaces comme l’exemple suisse. Le cas de Sihlcity, complexe commercial multifonctionnel de 97 000 m2 de surface ouvert en 2007 à Zurich, est souvent cité. Des contraintes ont été imposées en contrepartie du permis de construire, comme l’accès au centre par des modes doux, la construction d’un parking à vélos de 600 places et une offre de stationnement limitée à 850 places payantes. Quatre ans après son ouverture, on note que 70 % des visiteurs quotidiens se rendent au centre commercial à pied, en vélo ou en transport en commun !
Chaque titre d’article sonne comme un conseil, une piste. Ainsi, Nicolas Douce insiste sur la nécessité de « créer de la valeur dans les zones existantes ». Le livre aborde évidemment la question écologique en s’interrogeant pour savoir s’il s’agit d’un levier de transformation de l’urbanisme commercial. Le défi est immense quand on sait qu’il existe en France 40 millions de km2 de surface de vente sous forme de bâtiments commerciaux et 16 millions de km2 pour les galeries marchandes des centres commerciaux. Or la plupart de ces équipements datent des années 1970 à 1990, c’est-à-dire à un moment où les préoccupations environnementales n’étaient pas très présentes. On débouche forcément sur la question de la durabilité de l’urbanisme commercial.
Par l’éventail de cas proposés, mais aussi par ses articles de synthèse, cet ouvrage propose une contribution originale. Sans être trop technique, il donne à comprendre la situation actuelle de l’urbanisme commercial et en envisage les évolutions possibles. Les documents qu’il contient peuvent s’avérer d’utiles aides pour nourrir un cours. Des extrais sont à découvrir en pièce jointe.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes