Docteur en histoire et enseignant, Laurent Nagy est spécialiste de l’histoire politique du début du XIXe siècle. Il vient de rédiger un ouvrage intitulé D’une Terreur à l’autre. Dans cette très intéressante enquête, Laurent Nagy revient sur la Restauration, période ô combien trouble qui vit le retour des Bourbon dans les fourgons de l’étranger.

Ainsi que le laissait autrefois entendre Chateaubriand, « la race légitime, étrangère à la nation pendant vingt-trois ans, était restée au jour et à la place où la Révolution l’avait prise, tandis que la nation avait marché dans le temps et dans l’espace. De là l’impossibilité de s’entendre et de se rejoindre : religion, idées, intérêts, langage, terre et ciel, tout était différent pour le peuple et pour le roi, parce qu’ils n’étaient plus au même point de la route, parce qu’ils étaient séparés par un quart de siècle équivalant à des siècles ».

Les difficultés auxquelles se heurtèrent les Bourbon furent effectivement de tout premier ordre. Déphasée, la dynastie l’était à bien des égards. Le droit divin revendiqué par Louis XVIII apparaissait comme « périmé ». La France qu’il avait quittée n’était plus du tout celle qu’il retrouva. Comme l’indique à cet égard l’auteur, ses « sujets » étaient devenus des « citoyens » à part entière. La personnalité du monarque n’était par ailleurs pas de nature à soulever les enthousiasmes…

C’est pourquoi la paix fut le mot d’ordre des nouveaux maîtres que les Anglais, les Russes et les Autrichiens avaient donnés à la France. La Restauration était en effet tenue pour un gage de stabilité à la fois en France et plus largement en Europe, l’essor du doux commerce devant apaiser les esprits et les tensions héritées de l’expansionnisme révolutionnaire, puis impérial. « L’ère du sabre était [donc] révolue » et, par exemple, les militaires se transformèrent sans coup férir en bourgeois âpres au gain.

La France était donc sur la voie de la pacification. C’était toutefois sans compter sur la vive hostilité que suscita le retour de Louis XVIII sur le trône. Le rétablissement de la monarchie, même s’il s’accompagna d’une charte que le – généreux – roi octroya, était parfois considéré comme l’échec de la Révolution. En outre, l’esprit de vengeance domina l’action des royalistes. Il faut rappeler qu’après Waterloo la présence d’un million de soldats étrangers sur le territoire national ne poussait pas les fuyards des Cent-Jours à une saine modération.

Paradoxalement, l’exemple de la République luttant contre la menace intérieure et extérieure sera repris par les ultraroyalistes. La Restauration se radicalisera donc afin de pouvoir assurer sa survie. Dès 1815, l’instauration du suffrage censitaire fera suite à une kyrielle de mesures d’exception. C’est donc dans la clandestinité qu’une opposition au régime se mit peu à peu en place, ce qui confirma les théories conspiratives royalistes de l’époque. Avec subtilité, Laurent Nagy revient sur cette lutte qui opposa les partisans de Louis XVIII aux nostalgiques de l’Empire.