Pierre-Yves Beaurepaire, professeur d’histoire moderne à Nice s’attache à retracer l’évolution de la France dans la deuxième moitié du XVIII ème siècle. Il a précédemment publié « La communication en Europe de l’âge classique au siècle des Lumières » et il prépare une histoire du monde au temps des Lumières.

La quatrième de couverture fournit une précision d’importance, à savoir que le présent ouvrage reprend des chapitres parus dans l’Histoire de France en treize volumes dirigée par Joël Cornette. Le lecteur doit donc savoir que les chapitres 5 à 10 de ce livre se retrouvent dans le volume dirigé par le même Pierre-Yves Beaurepaire dans cette entreprise éditoriale.

Pour un autre Ancien-Régime

L’ouvrage part d’un postulat : rien n’est écrit de façon définitive dans l’histoire de ce qu’on nomma ensuite l’Ancien-Régime : « La Révolution de 1789, comme l’abolition de la monarchie …ne sont pas la conclusion programmée et inévitable d’une histoire que nous débuterons en 1743 ». L’auteur précise ailleurs que la « culture du compromis est forte sous l’Ancien Régime et la négociation des normes la règle », ce qui relativise grandement certaines idées reçues sur le pouvoir à l’époque. Il se plait aussi à souligner que Louis XV a toutes « les cartes en main pour réussir à être le bien aimé ». Si l’on quitte le domaine politique, on constate que la France est la deuxième puissance commerciale du monde, notamment grâce à Saint-Domingue, autre preuve que rien n’était écrit de façon définitive. Si l’on considère enfin l’aspect social, Pierre-Yves Beaurepaire évoque, par exemple, le passage au contrôle général des finances de l’Averdy en 1763. Cet homme n’a alors pas 40 ans, il est le plus jeune des contrôleurs généraux et cela montre que l’Etat royal sait aussi s’entourer de personnes compétentes. Le Roi n’hésite pas à faire appel à quelqu’un qui symbolise l’opposition car c’est un parlementaire.

Un roi plus exposé

On constate que l’image de Louis XV est bien différente de celle de Louis XIV. Il se positionne dans un rapport de davantage de proximité, loin de l’image du roi de guerre imposée par son prédécesseur. Réduisant ainsi l’espace qui le sépare de ses sujets, il s’expose davantage à la critique. On peut chercher à mesurer cela à travers les chansons de l’époque, même si les analyses des historiens diffèrent parfois sur le sens et la valeur à leur accorder. Un second chapitre poursuit cette idée en se consacrant cette fois aux femmes de l’entourage du roi. Une place d’importance doit être réservée à la Pompadour. Ensuite, Pierre-Yves Beaurepaire retrace également l’attentat de Damiens.

Du côté de l’esprit

C’est le temps alors d’aborder l’Encyclopédie. L’auteur précise bien qu’il s’agit autant d’une entreprise éditoriale que d’un combat. Ce passage pourra servir à alimenter un cours de seconde pour raconter une telle entreprise : soixante-douze mille entrées, un index de mille- huit-cents pages ! Surtout, il faut se détacher de l’idée d’une oeuvre totalement novatrice car elle compile des articles et apporte aussi, certes, des nouveautés. Pierre-Yves Beaurepaire remet en lumière un acteur essentiel de cette oeuvre, le chevalier de Jaucourt, auteur de dix- sept-mille articles à lui tout seul !

Du côté de la politique

Les chapitres suivants retracent les évènements politiques et soulignent combien Louis XV hésita en permanence entre « affirmation de son autorité et recherche de l’apaisement ». Quelques chiffres éclairent cette période : « les rébellions contre les impôts indirects ont singulièrement augmenté passant de 346 en 1661-1700 à 1233 en 1761-89, au point de représenter 40 % des cas pour toute la période ». En 1764, la France est déjà endettée à hauteur de sept années de recettes brutes. Pierre-Yves Beaurepaire invite aussi parfois à reconsidérer ce qu’on considérait comme des acquis. Ainsi, ce qu’on appelle « le coup de majesté de Maupeou » a souvent été présenté comme une victoire de la monarchie sur l’opposition parlementaire. Aujourd’hui, le bilan de cet épisode penche plutôt du côté du négatif.

Louis XVI, un roi moqué.

Abordant le nouveau règne, l’auteur profite de l’occasion pour réaffirmer, encore plus, qu’il ne faut pas avoir de vision téléologique de l’histoire. « La machine de l’Etat ne suspend pas son activité pendant quinze ans pour attendre l’issue fatidique, pas plus que le grand commerce, les travaux agricoles ou les recherches scientifiques ». A titre d’exemple, l’enquête de La Michodière en 1784 est un outil assez remarquable pour l’époque qui fournit des données démographiques fiables, à la pointe de la science de l’époque. L’auteur évoque ensuite le temps de Turgot, de Necker, ainsi que la guerre d’indépendance américaine.
Le dernier chapitre s’interroge sur l’impuissance monarchique. On constate combien le biais de la sexualité est souvent utilisé et mis sur le même plan que la politique. Finalement « Le mariage de Figaro » apparait comme « un révélateur social et politique ». Le chapitre se termine pourtant une fois de plus avec un pas de côté, en évoquant des domaines dynamiques, notamment au niveau scientifique avec l’aérostat, ou les expéditions du comte de la Pérouse.

Cet ouvrage permet donc de relire différemment ce qu’on a trop souvent appelé la fin de l’Ancien-Régime. Il invite véritablement à se méfier de toute téléologie. Reste tout de même que le volume de l’histoire de France offre une riche iconographie, ici absente.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes