« L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai ».
Encore faut-il en passer par Ellis Island en ce début de vingtième siècle lorsque l’on est un immigré européen voyageant en troisième classe.

C’est à cette triste réalité que se heurtent Tonio, sicilien et fils de vacher devant à son infirmité (il souffre d’une asymétrie des jambes) d’avoir eu le privilège d’apprendre à lire et à écrire, et Giuseppe, maçon originaire du nord de l’Italie fuyant la mafia et la police.
Si le premier, qui parle couramment anglais, semble pouvoir de prime abord espérer un passage rapide, le second se voit refouler d’emblée parce que disposant d’un contrat de travail aux États-Unis, ce qui est strictement interdit pour un étranger encore présent sur l’île.
La bande dessinée de Philippe Charlot et de Miras plongent le lecteur dans les entrailles du centre « de tri » des États-Unis pour les immigrants embarqués à destination de New-York. Plus de 12 millions d’étrangers y ont transité, subissant des interrogatoires absurdes avec des questions comme « êtes-vous polygame ? » ou encore « êtes-vous anarchiste ? ».
Le mépris, l’arbitraire, et le racisme « ordinaire » des agents affectés à « la porte d’entrée de l’Amérique » est très bien mis en avant par les deux auteurs qui ont su restituer les conditions abominables de traitement (les marques à la craie infamantes, entre autres, signalant leurs maladies réelles ou supposées) de ces hommes et de ces femmes en attente de la précieuse autorisation de se rendre enfin sur le sol de leur nouvelle patrie ou de s’en voir tout simplement définitivement refoulés.

 

Une exploitation pédagogique de cet agréable roman graphique pourra être envisagée puisqu’il est accompagné d’un petit dossier bien documenté sur les migrants et les conditions de leur « accueil » à Ellis Island.